Avec les professeurs Claude Morin (UdeM) et André Jacob (UQAM)

Participons à la campagne en faveur des médecins cubains

brigade-cubaine

L’action anti-COVID-19 par la brigade cubaine aux Barbades

Une campagne internationale en vue de nommer la Brigade médicale cubaine Henry Reeve à titre de prix Nobel de la Paix prendra son envol en février, mois de l’entrée en vigueur officielle des suggestions adressées à la Norvège pour 2021.

murad-mukwegeLes Artistes pour la Paix avaient soutenu en 2018 le Prix Nobel de la Paix décerné à la Kurde militante yézidie Nadia Murad et au docteur congolais Denis Mukwege faisant face à l’épidémie d’Ébola, où d’ailleurs la brigade cubaine s’était illustrée, à la demande du directeur éthiopien de l’OMS, Dr Ghebreyesus.

En 2015, la Conférence annuelle des syndicalistes norvégiens avait décidé à l’unanimité de proposer comme candidate au Prix Nobel de la Paix, la Brigade Internationale de Médecins cubains spécialisés en situations de désastres et de graves épidémies pour leur action lors des séismes au Chili et au Pakistan.

Depuis peu au Québec, comme en a parlé L’Aut’Journal, « Gilles Bibeau est le parrain idéal pour proposer la candidature de la Brigade Henry Reeve. Professeur émérite de l’Université de Montréal, auteur de plus de 300 publications, Gilles Bibeau est une sommité en anthropologie médicale. Homme de terrain, ses travaux sur les déterminants sociaux de la santé en Afrique, en Amérique latine et en Asie le mettent à même d’apprécier l’exceptionnelle contribution humanitaire des Brigades cubaines Henry Reeve».

André Cloutier, secrétaire-trésorier des Artistes pour la Paix, ainsi que les professeurs Claude Morin et André Jacob ont embarqué avec enthousiasme dans la campagne, ces deux derniers me sollicitant récemment. Voici comment ils ont totalement vaincu mes réticences exprimées et peut-être les vôtres qui justifieraient la publication de cet article :

1- D’abord, un courriel du professeur Claude Morin
12 décembre 2020 22:16
Objet : Re: Objet : Appui à la Brigade médicale cubaine Henry Reeve

Bonjour Pierre,

Merci de me fournir ton adresse de messagerie. Nous nous connaissons par des échanges sur Facebook, par les articles que tu publies dans L’Aut’Journal ou par des textes que je lis sur le site des Artistes pour la paix. J’apprécie ton remarquable travail pour la promotion de la paix.

Je viens par la présente solliciter ton appui à la campagne québécoise en faveur de l’octroi du prix Nobel de la Paix 2021 à la Brigade médicale cubaine Henry Reeve. Je le fais à titre de membre d’un comité formé à l’initiative de la Table de concertation de solidarité Québec-Cuba (TCSQ-C)*. C’est l’un des quelque 200 comités à s’être formés à cette fin à travers le monde.

Notre première tâche consistait à identifier une personnalité qui satisferait aux critères fixés par le Comité norvégien du Prix Nobel de la paix pour la soumission d’une candidature. Le comité a trouvé en monsieur Gilles Bibeau le parrain idéal (lire résumé ci-dessus) pour proposer la candidature de la Brigade Henry Reeve. Le 26 novembre dernier, le Comité norvégien du prix Nobel de la paix confirmait qu’il avait accepté la candidature de la Brigade médicale cubaine Henry Reeve parrainée par le professeur Gilles Bibeau.

La lettre que le professeur Bibeau a rédigée (voir à la toute fin de l’article) justifie on ne peut mieux la candidature de la Brigade médicale cubaine. L’argumentation accompagnée de statistiques décrit avec force la qualité des interventions et ce qui en fait la spécificité. Elle arrime bien les contributions des brigades à la promotion de la justice sociale qui est le fondement de la paix à l’intérieur des nations et entre les nations. Les brigades jettent des ponts entre les peuples et les nations par-delà les systèmes, les idéologies et les tensions géopolitiques.

La Brigade Henry Reeve a répondu depuis sa création en 2005 à la demande de différents gouvernements auprès de Cuba pour assister leurs populations lors d’urgences sanitaires résultant de catastrophes naturelles ou d’épidémies. En 15 ans, plus de 9 000 professionnels de la santé qui ont œuvré au sein des Brigades Henry Reeve ont réalisé une soixantaine de missions sur quatre continents. On estime qu’ils ont dispensé des soins à plus de quatre millions de personnes et sauvé près de 100 000 vies.

Il n’y a pas de meilleur moment, alors que la planète affronte une terrible pandémie, pour souligner le travail désintéressé des professionnels cubains qui entre mars et novembre 2020 ont lutté contre la COVID-19 dans une quarantaine de pays et territoires. Leur altruisme et leur solidarité devraient leur mériter le prix Nobel de la paix en 2021.

La campagne actuelle invite des personnalités du milieu universitaire, politique et médiatique ainsi que du domaine de la santé à endosser la candidature de la Brigade médicale cubaine. Pour manifester ton adhésion, il te suffit de répondre à ce courriel et d’indiquer en quelques mots (une ligne) comment tu souhaites être désigné. Le comité établira une liste et l’intégrera à un communiqué qu’il enverra aux médias imprimés et numériques à la mi-janvier. L’objectif de cette campagne est de susciter par l’entremise des médias l’attention du public québécois sur l’exceptionnelle contribution de la Brigade médicale cubaine Henry Reeve.

* La TCSQ-C existe depuis janvier 2002 et regroupe plusieurs organisations à travers tout le Québec. La solidarité avec le peuple cubain à travers la diffusion d’informations factuelles sur Cuba, l’aide matérielle à Cuba ainsi que l’organisation d’échanges culturels constituent ses principales formes d’activités. Ces dernières témoignent de l’amitié qui lie les peuples québécois et cubain.

En te remerciant pour l’attention que tu porteras à cette demande.

Avec mes meilleures salutations,

Claude Morin, professeur (retraité) d’histoire de l’Amérique latine et analyste, membre du Comité québécois pour la nomination de la Brigade Henry Reeve au prix Nobel de la paix, avec Marie-Célie Agnant, Arnold August, André Cloutier, Colette Lavergne, Sean O’Donoghue, Guy Roy et Vincent Dostaler.

2- Un immense merci, Claude, pour ton appréciation des humbles efforts que je fais pour la paix tant à l’Aut’Journal qu’aux Artistes pour la Paix et d’avoir pensé à m’associer à cette campagne québécoise en faveur de l’octroi du prix Nobel de la Paix 2021 aux admirables volontaires médicaux cubains venus en aide en particulier à la Jamaïque (où j’étais avec ma famille en janvier dernier, alors que d’habitude on va à Cuba pour soutenir l’industrie touristique cubaine… et bien sûr prendre du soleil et goûter à la mer ou écouter, si je suis à La Havane, mon ami Frank Fernandez, un des plus grands interprètes mondiaux de Beethoven qui a partagé la vie dans la maison des étudiants du Conservatoire de Moscou. D’ailleurs je sortirai ces jours-ci pour le 250e anniversaire de Ludwig un double CD Beethoven).

Mon seul problème est que prêt à endosser avec enthousiasme tout ce qui précède ma trop longue parenthèse, je serais dans l’obligation morale d’ajouter une petite note, à titre de pacifiste, pour regretter qu’on ait baptisé ce groupe de docteurs du nom militaire de brigade et non contingent ou équipe, qui plus est en l’honneur d’un soldat mort en portant les armes et non en soignant, comme Norman Bethune…

Si vous n’y voyez pas de problème, je serais heureux non seulement d’apposer mon nom (avec la notice) mais de faire en outre une intense publicité pour la cause.

Solidairement,

Pierre Jasmin

3- Bonsoir Pierre,

Merci de me répondre, je comprends tes réserves sur le nom « Brigade ». En travaillant longuement sur ce dossier, amassant des informations sur les réalisations de la Brigade et les particularités de ses actions afin de rédiger le brouillon que j’ai transmis à Gilles Bibeau, j’ai eu une réaction, surtout que je proposais la Brigade pour le Prix Nobel de la Paix. J’y ai vu d’abord une contradiction. Le nom que Fidel avait donné en septembre 2005 était « Contingente Internacional de Médicos Especializados en Situaciones de Desastres y Graves Epidemias Henry Reeve ». C’est sous ce nom qu’on trouve l’article le plus complet dans EcuRed, l’encyclopédie cubaine. Mais à répétition, y compris dans l’article, on parle de Brigada. J’ignore quand « Brigade » s’est imposé.

J’ouvre une parenthèse. Fidel a toujours conçu les plans, les projets, les missions comme des batailles. Cela n’en faisait pas un militariste. Dans les années 2000, il parlait de la « bataille des idées », puis après sa retraite, il se définissait comme un « soldat » dans cette bataille. Mais Fidel a depuis 1970 combattu la course aux armements, dénoncé les armes nucléaires, promu la paix. Il n’a envoyé des soldats cubains que dans des luttes de libération en Afrique australe (Angola, Namibie). Et les a retirés en 1991 après les accords de paix qui obligent les États-Unis à reconnaître l’Angola et l’Afrique du Sud à se retirer de la Namibie. Jamais plus Cuba n’engagera des troupes à l’étranger. Les nouveaux combattants seront des médecins et des éducateurs.

De fait, le terme « contingent » connote davantage une vocation militaire. « Brigade » a aussi un sens militaire, mais j’ai vérifié dans Antidote 1. Militaire, anciennement – Unité composée de deux régiments; 2. Militaire, moderne – Unité tactique d’une division. Brigade aérienne. Mais il y a deux autres acceptions: 3. Groupe sous la direction d’un chef, spécialisé dans un domaine particulier. Brigade de gendarmes, de pompiers, de douaniers, de gardes forestiers. La brigade des stupéfiants, des mineurs. Brigade antigang. 4. Équipe de travailleurs, d’ouvriers. Brigade de balayeurs. Ce sont des acceptions qu’on trouve dans le Robert illustré 2018. Or les Brigades sont formées et spécialisées dans des domaines spécifiques selon qu’il s’agit d’affronter des inondations (ouragans), des séismes, des épidémies. Et toutes pour servir des populations civiles. Elles ne sont pas envoyées dans des zones de combat. Leurs uniformes sont des blouses blanches (batas blancas) et non les treillis !

Cette recherche m’a réconcilié avec le terme Brigade qui est tout à fait compatible avec le Prix Nobel de la Paix.

L’histoire de Cuba est riche en héros qui ont donné leur vie. Choisir Henry Reeve était une façon d’honorer un jeune États-Unien solidaire de la lutte pour l’indépendance cubaine à un moment où Bush accentuait les mesures contre Cuba. Oui Henry Reeve a combattu les armes à la main, mais au moment où il s’est vu cerné, il a choisi de se suicider avec son arme plutôt que de tomber entre les mains des Espagnols qui l’aurait exécuté. Les Espagnols ne faisaient pas de quartier.

En conclusion, je considère que tes réserves de pacifiste s’appliquent mal à cette situation. Les brigadistes sont des volontaires. Ils acceptent de vivre dans des conditions austères. Dans le cas des brigades envoyées « combattre » la covid, ils étaient à 60 % des femmes. Ce sont des missions humanitaires.

Solidairement,

Claude

4- Cher Claude,

Ta réponse respectable me porte à réfléchir. Tu me donnes combien de temps?
Pierre

5- Jusqu’à vendredi. J’en profite pour verser d’autres pièces au dossier « brigade ».

Si tu tapes « brigade covid québec », plusieurs mentions surgissent sur l’emploi du terme par le gouvernement québécois: brigade d’intervenants psychosociaux, brigade d’influenceurs, brigade mobile, brigade de préventionnistes… Google affiche 1,5M résultats !!! Certes je n’ai pas vérifié, mais les pages se succèdent illustrant l’emploi de ce terme associé à d’autres unités que celles de l’armée canadienne.

Je suis retourné au dossier. « Contingent Henry Reeve » a été choisi en fonction de l’envoi d’un contingent en Louisiane dès fin août 2005. Fidel entendait exprimer une solidarité avec la population dans les mêmes termes qu’Henry Reeve l’avait fait 140 ans plus tôt. Ses contemporains cubains le considéraient comme un héros. Et Cuba entretient le culte des héros, des martyrs. Pensons à José Martí, le plus illustre. Bush ayant refusé cette assistance, Fidel qui est un passionné d’une lecture politique de l’histoire a conservé l’appellation et l’a étendue le 19 septembre pour en faire « le Contingent international de médecins spécialisés en situations de désastres et d’épidémies Henry Reeve ». Dès octobre des médecins et autres spécialistes étaient envoyés au Guatemala (inondation) et au Pakistan (tremblement de terre). J’ai constaté qu’on parlait déjà de « brigade médicale » dans les décennies 60 et 70 quand Cuba envoyait des professionnels de la santé au Chili, au Pérou, etc. suite à des tremblements de terre. On voit bien que « brigade » n’a rien à voir avec des visées militaires. Tout au plus y a-t-il application d’un mode d’organisation et d’une infrastructure par l’implantation d' »hôpitaux intégraux de campagne » sans doute sur le modèle suivi par la Croix Rouge et MSF. « Los Hospitales Integrales de Campaña, disponen de todo el equipamiento y el personal calificado necesario para contar con una unidad quirúrgica, una unidad de cuidados intensivos y servicios diagnósticos avanzados. Asimismo, cada Hospital desplegado es el centro de la promoción, educación, prevención, curación y rehabilitación de la población de la zona de desastre. » Et Cuba cède plusieurs de ces hôpitaux aux pays au moment du départ.

J’ajouterais que le Conseil mondial de la paix a été l’une des premières organisations à parrainer la Brigade (dès juillet). Dans une lettre adressée au Comité norvégien où l’on retrouve les deux appellations « contingent » et « brigades », on concluait ainsi: For that reason, representing dozens of national peace committees in about 100 countries that are members of our World Peace Council, we join countless other organizations, parliamentarians, and diverse peace-loving-people in endorsing the nomination of the Henry Reeve contingent for the Nobel Peace Prize. The WPC is an international non-governmental organization relentlessly promoting peace and opposing wars, with consultative status with the United Nations Economic and Social Council (ECOSOC).

Adolfo Pérez Esquivel, un éminent pacifiste et antimilitariste argentin, a aussi parrainé la Brigade en qualité de récipiendaire du prix Nobel 1980.

Je pense t’avoir fourni les éléments pour dissiper tes doutes quant à l’opportunité d’appuyer sans réserve la candidature de la Brigade. Et ton questionnement m’aura fourni l’occasion de m’éclairer et d’ainsi justifier mon engagement.

Je te souhaite bon succès dans l’accueil de ton coffret Beethoven. J’ignorais que tu étais un ami de Frank Fernández, « le poète du clavier ». EcuRed lui consacre un article élogieux.

Solidairement,

Claude

6- Le jeudi, par hasard, je recevais la lettre suivante d’André Jacob, doublement collègue, tant à l’UQAM qu’aux Artistes pour la Paix

Cher collègue,

Je collabore avec une collègue et amie, Marie-Célie Agnant, écrivaine membre d’un comité de travail qui pilote la candidature de la Brigade médicale Henry Reeves pour le prix Nobel de la paix. Nous recueillons donc maintenant des signatures de personnes diverses pour appuyer la demande présentée par le professeur Gilles Bibeau. Évidemment, j’ai pensé à toi pour que tu ajoutes ton appui à cette démarche.

Le comité espère présenter le plus grand nombre possible d’appui de femmes et d’hommes impliqués dans les milieux universitaires et intellectuels.

Tous les détails sont inscrits dans les deux documents ci-joints.

Dans la mesure du possible, veuillez me faire part de votre appui avant la fin de l’année en indiquant le titre que vous accolez à votre nom, par exemple, professeur, département de… Université… ou autre chose. Ce dernier point est très important dans la dynamique de l’attribution du prix Nobel.

Je vous remercie de tout cœur. Votre collaboration est importante et essentielle pour le succès de cette démarche.

André Jacob

7- de Pierre Jasmin, Artiste pour la Paix, qui accepte la demande des professeurs Claude Morin (lundi) et André Jacob (jeudi) de me joindre à ceux et celles qui appuient cette candidature.

(Cette réponse quasi-télégraphique trahissait un emploi du temps surchargé avec des échanges avec Riccardo Petrella sur le problème des vaccins américains hors de prix pour les pays « appauvris » et avec Anton Wagner pour la publication d’un appel à des signatures pour convaincre le gouvernement canadien à entreprendre au moins un débat sur l’entrée en vigueur à l’ONU du Traité d’Interdiction des Armes Nucléaires).

8- El 26 de noviembre, el Comité Noruego del Premio Nobel de la Paz confirmó que había aceptado la candidatura de la Brigada Médica Cubana Henry Reeve patrocinada por el profesor Gilles Bibeau de Quebec. Por iniciativa de la Table de concertation de solidarité Québec-Cuba (TCSQ-C), se formó un comité en Québec, el Comité de Québec para la Nominación de la Brigada Henry Reeve al Premio Nobel de la Paz (Sean O’Donoghue, Colette Lavergne, Guy Roy, Arnold August, Vincent Dostaler, Marie-Célie Agnant et Claude Morin.)

Su primera tarea, como lo anunció el 5 de octubre, fue encontrar una personalidad que cumpliera con los criterios establecidos por el Comité Noruego del Premio Nobel de la Paz para la presentación de una candidatura. El comité encontró en el Sr. Gilles Bibeau el patrocinador ideal para proponer la candidatura de la Brigada Henry Reeve. Profesor emérito de la Universidad de Montreal, autor de más de 300 publicaciones, Gilles Bibeau es un experto en antropología médica. Hombre de terreno, sus trabajos sobre los determinantes sociales de la salud en África, América Latina y Asia nos permiten apreciar la excepcional contribución humanitaria de las Brigadas cubanas Henry Reeve.

Toda la información incluyendo la carta del profesor Gilles Bibeau de Quebec.