Je me souviens… des pluies acides

 

André Bélisle

L’auteur est président de l’AQLPA et co-auteur, avec le journaliste et communicateur Philippe Bélisle de Sur les ailes de l’aigle, 40 ans de luttes pour l’environnement (Somme toute).

Photo Le Devoir: Jacques Grenier archives Le Devoir Un membre de l’AQLPA manifeste lors d’un rassemblement à Montréal, le 19 septembre 1986.

 

10 janvier 2024 IDÉES (publié par Le Devoir)

Axé sur le Canada et sur le monde, l’article de Sébastien Tanguay intitulé « Les pluies acides, problème environnemental révolu ? », paru dans Le Devoir du 20 décembre dernier, a rappelé au souvenir de l’Association québécoise de lutte contre la pollution atmosphérique (AQLPA) certains éléments cruciaux de l’histoire qu’il y a lieu de remettre en lumière ici, au premier chef le rôle déterminant du Québec et de notre organisation dans cette grande bataille.

Souvenons-nous qu’en Amérique du Nord, c’est le Québec qui a permis de débloquer le dossier des pluies acides. En effet, dès 1988, il fut le premier au Canada et dans le nord-est des États-Unis à imposer par législation des réductions substantielles d’anhydride sulfureux (SO2) et des oxydes d’azote (NOX) à l’industrie. Cette réglementation visait particulièrement la Noranda, aujourd’hui Glencore, qui était responsable de près de 90 % des émissions de SO2 au Québec. 

Cela provoqua un effet domino et entraîna les sept provinces à l’est de la Saskatchewan, le Canada et les États-Unis à emboîter le pas et à conclure un accord nord-américain sur les pluies acides en 1991. Les très nombreux articles rédigés par Louis-Gilles Francoeur, journaliste émérite du Devoir, peuvent encore être consultés pour rendre compte de l’histoire de ce grand succès dont le Québec peut être fier.

Contrairement à ce que laisse entendre M. Tanguay, j’ai plutôt souvenir qu’en 1987, la Canadian Coalition on Acid Rain (CCAR) n’en menait pas aussi large. Elle ne réussissait plus à se faire entendre à Ottawa ni à Washington. L’Ontario tenait le Canada en otage et refusait de réduire les émissions de ses centrales thermiques au charbon, principale source de SO2 en Ontario, paralysant toute action fédérale. Je m’en souviens très bien, car à l’époque, j’étais membre du conseil d’administration du CCAR.

C’est vraiment l’impulsion du Québec, grâce au ministre de l’Environnement Clifford Lincoln, qui a totalement changé la donne, appuyé par les provinces maritimes, les États de la Nouvelle-Angleterre et leurs populations pour exiger et obtenir des réductions obligatoires des émissions de SO2 et de NOX de 50 %.

Triste ironie, ce sont aujourd’hui l’Alberta et la Saskatchewan qui paralysent Ottawa, car elles refusent de réduire leurs émissions acidifiantes et surtout leurs gaz à effet de serre face à la crise climatique. Le chef conservateur Pierre Poilievre, qui aspire au poste de premier ministre, devrait prendre exemple sur Brian Mulroney, qui réussit à convaincre d’abord le très réticent Ronald Reagan de prendre la mesure du fléau et, plus tard, son successeur, George H. W. Bush, de signer l’accord sur les pluies acides…

Fondée en 1982, vouée essentiellement à la lutte contre les pluies acides pendant les dix premières années de son existence et encore active aujourd’hui, l’AQLPA estime qu’un devoir de mémoire s’impose. Après tout, ne dit-on pas que le passé est garant de l’avenir ?