samantha

Marie-Louise Bibish Mumbu et Philippe Ducros préparent du poisson façon kinoise. Photo : David Ospina

L’accueil des spectateurs se fait en musique dans un décor sobre évoquant un bar congolais. On peut boire un verre en attendant le début de la pièce, collage tiré d’un roman de Marie-Louise Bibish Mumbu, Samantha à Kinshasa. Un lexique de termes kinois est projeté pour nous familiariser d’emblée avec le vocabulaire imagé des douze millions d’habitants de la mégalopole de la République démocratique du Congo (faux-tête : passager en droit de ne pas payer; roulage : agent autoproclamé de circulation).

Installé derrière une table avec casseroles et réchauds, le metteur en scène Philippe Ducros présente d’abord Bibish Mumbu, assise à ses côtés, puis la comédienne Gisèle Kayembe qui occupe le centre de la scène, ainsi que Papy Maurice Mbwiti dans le rôle du barman, un auteur-acteur-metteur en scène qui a monté à Kinshasa même la première version théâtrale du roman. Après cette entrée en matière en forme de dépaysement contrôlé, Bibish de Kinshasa commence entre ciel et terre. Dans l’avion vers Paris, une journaliste s’interroge sur l’exil qui l’attend et sur tout ce qu’elle laisse. La métaphore fonctionne : l’espoir est un envol, et la réalité qu’il faut quitter, à la fois difficile et attachante, une terre survoltée par la guerre, les pénuries, l’avidité des minières (canadiennes, notamment) et des tyrans (Kabila, père et fils) qui succèdent au tyran (Mobutu).

Les vignettes du quotidien kinois vivement rendues par Gisèle Kayembe alternent avec l’entrevue informelle de Bibish Mumbu par Philippe Ducros, laquelle permet aussi de se rendre au bar, le tout sur une trame à faire danser les peuples. On passe donc du bain de foule, drôle, tonitruant, où maîtres de la débrouille, vendeurs ambulants, enfants soldats ou femmes en quête d’un mari jouent du coude et de l’invective, à une rencontre montréalaise sincère et humaniste. Après la pièce, le plat congolais de poisson épicé dont les effluves taquinaient les narines facilite la conversation entre artistes et spectateurs. Loin de l’effervescente Kinshasa, la solidarité issue du vrai dialogue rappelle toute sa force, celle qui rapproche les continents.

Bibish de Kinshasa est à l’affiche d’Espace libre jusqu’au 24 octobre.