bastarache-livre

Le rapport Bastarache et le recteur de l’Université d’Ottawa

Un rapport de cinq experts présidé par l’ex-juge de la Cour Suprême, Michel Bastarache, recommande plusieurs mesures afin de protéger à la fois la liberté d’enseignement et la liberté d’expression, mises à mal récemment par le recteur Frémont qui avait suspendu l’enseignante Verushka Lieutenant-Duval, en raison de la controverse d’un mot en n (controverse aussi présente dans les propos du professeur Amir Attaran contre les « nègres blancs d’Amérique» et d’un autre professeur à l’Université Concordia).

LE DEVOIR du 5 novembre : « Le juge Bastarache se prononce « en désaccord avec l’exclusion de termes, d’ouvrages ou d’idées dans le contexte d’une présentation ou d’une discussion respectueuse de nature universitaire et dans un but pédagogique et de diffusion des savoirs ». De plus, il vilipende la censure institutionnelle ou l’autocensure quand elles compromettent la diffusion des savoirs par la peur d’une réprobation publique. « Le Comité est d’avis que les étudiants et les membres de la communauté universitaire doivent être disposés à traiter d’un sujet délicat dans un contexte académique. Concilier le droit d’enseigner des matières « choquantes » et le devoir de maintenir en classe un climat propice aux apprentissages sont des responsabilités qui incombent non seulement aux professeurs, mais aussi aux étudiants, qui ne peuvent se lancer dans des « attaques outrancières » contre des enseignants qui tiennent des propos jugés offensants, note le rapport.

Christine Gauthier, vice-présidente de la Fédération nationale des enseignantes et des enseignants du Québec (FNEEQ-CSN), dit souhaiter que ce rapport inspire le comité sur la liberté universitaire au Québec, présidé par Alexandre Cloutier.

Quant à nous, on espère une application générale du rapport pour terminer les campagnes de droite contre le wokisme.

Controverse Le silence de Renée Blanchar

le_silence

Coproduit par Ça Tourne Productions et le Studio de la francophonie canadienne de l’ONF à Moncton, en collaboration avec Radio-Canada, le silence de la cinéaste Renée Blanchar connue pour son film très favorable au clergé Vocation ménagère (1996) tourné dans des presbytères en Acadie, va cette fois courageusement à la rencontre des survivants. Elle nous révèle l’humanité de ces hommes brisés, dont d’anciens joueurs de hockey (sujet d’actualité à Chicago !) et révèle les conséquences sournoises et multiples du silence. Depuis son premier film il y a 24 ans, l’évolution de la société notamment grâce à #metoo permet qu’après des décennies de silence, de honte et de souffrance, des Acadiens dans la cinquantaine dévoilent les agressions sexuelles dont ils ont été victimes au cours de leur enfance et de leur adolescence, des crimes commis par les plus hauts membres du clergé catholique qui exerçaient un grand pouvoir sur la population.

À mi-chemin, entre deux périodes contrastantes de sociétés, le diocèse catholique de Bathurst avait en 2010 retenu les services du juge Bastarache afin d’entreprendre des négociations pouvant mener à une compensation des victimes d’agressions sexuelles commises par des prêtres. Le rôle de Michel Bastarache fut simplement d’identifier les victimes, puis de les rencontrer individuellement afin d’évaluer la gravité des geste commis, le tout restant hélas confidentiel pour éviter le scandale, et les sommes plutôt dérisoires, ce que dénonce à mi-mots le film de Renée Blanchar.

Nul doute que le tout est appelé à évoluer rapidement, alors que s’allonge la longue liste d’affaires de pédophilie touchant l’Église catholique ailleurs au Canada, aux États-Unis et dans d’autres pays du monde dont la France, qui nous a donné le chef d’œuvre du cinéaste Ozon Grâce à Dieu en 2019.

Un rapport sans langue de bois « Rêves brisés, vies brisées »

« L’auteur du rapport ne croit pas que l’excuse de la pomme pourrie au sein du panier tienne la route. Il le répète : c’est un problème culturel. Il y avait une culture vraiment toxique.

On voit par ces mots vigoureux que le juge Bastarache a appris de ses atermoiements de 2010 en déposant en novembre 2020 un rapport accablant sur le harcèlement sexuel au sein de la Gendarmerie royale du Canada (GRC), le résultat de plus de deux ans et demi de travail et de 640 entrevues. Alors qu’il s’attendait à réviser 1000 plaintes provenant de femmes dans le cadre de son enquête, il en a reçu plus de 3000. Celui qui croyait à du harcèlement mineur au sein du corps policier fédéral a découvert plutôt un harcèlement systémique. Les hommes dans la GRC se voyaient capables de discriminer, mais aussi de harceler physiquement les femmes. Des agissements qui prenaient très souvent la forme de violence, mettant ainsi en péril la santé et la sécurité des victimes.

La nouvelle ministre de la Défense Anita Anand a agi hier en faisant en sorte que les victimes de harcèlement sexuel dans l’armée canadienne soient maintenant jugées dans les tribunaux civils, pour éviter le même relativisme criminel appliqué par les tribunaux militaires qu’au sein de la GRC dont la Commissaire a hélas rejeté la suggestion du juge Bastarache d’une enquête indépendante externe.

Michel Bastarache est d’avis qu’il faut davantage de sanctions pour éviter qu’une telle culture continue d’exister. Il n’y a pratiquement pas de sanctions pour les hommes qui sont déclarés coupables de harcèlement, même lorsqu’il y a eu des griefs, explique-t-il. Il y a eu 15 études précédentes et le gouvernement n’a toujours pas réussi à régler le problème au sein de la GRC. À un certain moment, il y avait près de 1000 femmes en congé de longue durée pour des raisons psychologiques en raison de harcèlement, rappelle-t-il. Quant aux femmes qui se sont identifiées comme LGBTQ2S+, elles « ont également été victimes d’ostracisme, de commentaires péjoratifs, d’agressions sexuelles et de révélation de leur orientation sans leur consentement », ajoute le rapport.

Un juge respecté par les Artistes pour la Paix

Notre co-présidente d’honneur Antonine Maillet a rédigé la préface d’une autobiographie parue il y a deux ans de l’Acadien Bastarache, dédiée à ses deux enfants morts à 3 et 17 ans d’une maladie incurable.

Rappelons que c’est la courageuse Commission Poirier-Bastarache qui mena en 1982 à la reconnaissance de l’égalité des deux langues officielles au Nouveau-Brunswick, un principe peu respecté par le gouvernement Higgs conservateur actuel.

Choyé par les Libéraux fédéraux, le juge Bastarache a néanmoins été parmi les mille récipiendaires du prestigieux Ordre du Canada qui ont uni leurs voix pour appeler le gouvernement Trudeau à négocier à l’ONU aux côtés de 140 pays l’annihilation des bombes nucléaires (TIAN), affirmait feu Murray Thomsondirector emeritus Pugwash Canada, O.C. »

Parmi les signataires au cours des dernières années, mentionnons :

  • Frédéric Back, OC, C.Q., D.h.c, RCA, Montréal. Prix Hommage 2010 des Artistes pour la Paix. Cinéaste d’animation écologiste et pacifiste gagnant de deux Oscars.
  • Michel Bastarache, CC, LLL, LLB, DES. Ex-juge de la Cour suprême du Canada.
  • Colette Boky, OC, Montréal. Prix du Québec Denise Pelletier, professeure à l’UQAM, membre des Artistes pour la Paix.
  • David Cronenberg, OC, LLD., Toronto. Producteur et réalisateur de films.
  • Léo A. Dorais, O.C., Ph.D., Ottawa. Recteur fondateur, Univ. du Québec à Montréal.
  • Margie Gillis, C.M., C.Q. Montréal. Danseuse et chorégraphe, co-fondatrice des Artistes pour la Paix en 1983 et prix hommage APLP2011.
  • Pierre J. Jeanniot, OC, CQ, B.Sc, LLD., Montréal. Directeur général émérite de l’IATA; ancien président et chef de la direction d’Air Canada et chancelier de l’UQAM.
  • Viola Léger, OC, sénatrice, comédienne interprète de La Sagouine d’Antonine Maillet.
  • Joseph Rouleau, OC., Montréal. Vice-président des Artistes pour la Paix 1984-1986 et président d’honneur du Concours international de Montréal, après avoir présidé les Jeunesses musicales du Canada.
  • John Turner, PC, C.C., c.r., MA, LLD., Toronto. Avocat, ex-premier ministre du Canada.

 

Les noms suivants s’y ajoutaient :

  • les cinéastes Atom Egoyan, Rock Demers, Arthur Lamothe, Alanis Obomsawin et Norman Jewison;
  • les écrivains Margaret Atwood, Charlotte Gray, Marguerite Lescop et Michael Ondaatje;
  • les artistes Marcel Barbeau, Alex Colville et Michael Snow;
  • l’environnementaliste David Suzuki;
  • des ex-ministres tels Paul Gérin-Lajoie et Flora MacDonald;
  • les musiciens Liona Boyd, Bruce Cockburn, Angela Hewitt et Anton Kuerti;
  • les comédiens Christopher Plummer et Jean-Louis Roux;
  • le sénateur Roméo Dallaire;
  • l’ex-directeur des relations extérieures pour Expo 67 Yves Jasmin etc…