Je crois qu’on n’a pas bien mesuré l’irruption de l’inconscience comportementale que suppose une attaque invasive visant l’assimilation et sans limites de violence. On réagit presque toujours comme s’il s’agissait d’une démarche rationnelle comme celle d’un pilleur qui veut s’enrichir. Mais je le répète, une telle attaque est plus proche du viol que du vol, elle est un acte, non de colère, mais de haine, et presque toujours d’une haine de soi projetée sur l’autre.

Ensuite la victime est bien obligée de se défendre. Et alors une rhétorique d’égalisation apparaît : le mot « guerre » devient un terme générique par lequel l’attaquant et l’attaqué deviennent également « ennemis » l’un de l’autre et, soudain, la « violence » de l’un vaut la violence de l’autre. On parle de deux belligérants, de deux armées, de deux combattants. On se sent dans un conflit entre deux adversaires moralement (ou immoralement) égaux.

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Michel Casavant

Cependant, l’attaque est un comportement de haine accumulée, organisée, intentionnelle, stratégique, ce qui ne veut pas dire consciente, mais seulement rationalisée. Au contraire, c’est un comportement de refoulement et de défoulement, un comportement d’inconscience. Pour le comprendre, il faut revenir à ce qu’est la conscience, un bien grand mystère qui comporte au moins sept dimensions : (1) L’entendement avant la rationalité (la conscience dans le sens d’un savoir avant la science) : l’intuition. Cette dimension permet de relativiser la science en fonction de l’immensité de l’ignorance et de la grandeur du mystère de la réalité. (2) La perception de soi dans la totalité (la conscience dans le sens de se savoir avec et dans la totalité) : le rapport fonctionnel entre le tout et ses participants dont nous constituons une infime partie. (3) La perception de sa propre présence dans la présence totale : le rapport existentiel entre le tout et ses participants qui nous permet de saisir notre communion de nature avec la totalité de la réalité. (4) La pensée de deuxième niveau : l’intelligence réflexive et la perception des finalités. (5) La perception de la valeur de l’être humain, des êtres vivants, de la vie, bref, la transcendance des êtres réels sur les idées morales. (6) Le lien entre nos actes personnels et collectifs et leurs conséquences. (7) La perception de ce qui se passe dans notre inconscient personnel et collectif.

Si l’attaque invasive d’une violence illimitée est un acte de haine qui vient des souterrains de l’être humain, la défense, elle, se doit d’être un acte de la conscience. Elle ne vise pas seulement à se protéger soi-même, mais surtout, elle vise à faire voir que l’attaquant constitue un danger global contre la conscience et contre l’ordre éthique et moral du monde. L’attaquant constitue une volonté d’entraîner l’être humain dans les sous-bassement de ses angoisses et de ses souffrances les moins assumées. Pour l’humanité, c’est une très grande occasion de devenir meilleure que chaque fois, nous ratons en passant de la défense consciente à la mêlée désorganisée. Toutes les anciennes techniques d’autodéfense sont fondées sur la différence morale entre l’attaquant et l’attaqué qui, lui, porte la responsabilité et le devoir fondamental de défendre la justice en plus de se défendre lui-même. C’est pourquoi tous ceux qui se sentent consciemment concernés par la justice doivent se tourner vers l’Ukraine pour une défense franche, frontale, déterminée et massive, car c’est la solution qui engendre le moins de souffrances et qui seule peut arriver à une paix réelle à long terme.