Le 20 mars 2016

Mme Marie-Claude Bibeau
Ministre du Développement international

Madame la ministre,

En tant que vice-présidents des Artistes pour la Paix, nous tenons à vous remercier pour la pertinence du message que vous avez adressé aux Nations-Unies le 15 mars dernier, à partir de vos riches expériences internationales.

Votre message, proche des engagements humanitaires de l’ONU, est en phase avec nos idéaux féministes, tels que renforcés le 13 janvier dernier par notre conseil d’administration, qui les a nommément intégrés à notre mission[1].

Les APLP sont extrêmement attachés à ce que le gouvernement canadien s’éloigne des « solutions » guerrières, toujours coûteuses en sacrifices humains et en matériel technologique qui se retournent le plus souvent contre l’intention première. Notre opposition aux F-35 et aux drones armés envisagés par l’armée canadienne, ainsi qu’aux blindés vendus à l’Arabie Saoudite, est inébranlable. Nous soutenons plutôt le retour canadien aux missions de paix de l’ONU[2].

Sachant que votre discours du 15 mars préconise courageusement des actions qui heurteront certains conservatismes religieux intégristes, nous voulons vous assurer par ce message de notre soutien. Et nous osons espérer que votre présence au Conseil des Ministres réussira à y renverser l’immense déséquilibre entre nuisance internationale financée et aide internationale trop chichement appuyée.

Avec nos hommages,

Judi Richards et Pierre Jasmin, vice-présidents

Cc Prime Minister/Premier ministre [mailto:pm@pm.gc.ca]
Cc Helene.Laverdiere@parl.gc.ca
Cc min.dfaitmaeci@international.gc.ca [

En pièce jointe, un texte écrit par Pierre Jasmin en 2010, hélas encore d’actualité

[1] Promouvoir l’idéal d’une paix durable, obtenue pacifiquement, en misant sur le désarmement, l’éducation, la justice sociale, le féminisme, le rejet de toute forme de discrimination, l’ouverture à l’autre, le respect de la nature et la foi en l’Art comme vecteur de Paix.

[2] Deux ouvrages sur la modernisation des Casques bleus de l’ONU par un collègue de Pugwash Canada, Walter Dorn, professeur au Collège militaire royal du Canada & Collège des Forces canadiennes. Internet: www.walterdorn.net Auteur de: Keeping Watch: Monitoring, Technology and Innovation in UN Peace Operations and Air Power in UN Operations: Wings for Peace


 

Une lettre des APLP datée de mai 2010

VOYAGES COURAGEUX ET EXEMPLAIRES

Depuis un mois, avec une fascination que j’ose qualifier de complice vu l’amitié dont elle m’honore avec son conjoint Jean-Daniel Lafond à titre de pianiste et de président des Artistes pour la Paix, je suis à travers la presse les voyages courageux et exemplaires que la Gouverneure Générale accomplit à travers le monde.

Exemplaires, parce qu’ils nous rappellent avec nostalgie la diplomatie canadienne de l’époque de Lloyd Axworthy qui osait naviguer selon des principes (ce qui nous avait valu entre autres le Traité d’Ottawa sur les mines anti-personnel 1997), et non selon les pragmatiques stratégies d’affaires poursuivies par ses successeurs aux Affaires étrangères, quand ce ne sont pas de secrets deals d’uranium avec l’Inde (aussi bien en parler, puisque nous sommes à six jours de l’ouverture par l’ONU de la révision du Traité de non-prolifération Nucléaire à New York).

Exemplaires parce que l’autorité suprême canadienne, selon la constitution, ose quitter sa représentation cérémoniale guindée comme elle l’a fait pendant tout son mandat pour prendre à bras le corps les vrais problèmes de millions de gens qui meurent de faim, c’est-à-dire agir selon ce qui devrait constituer la priorité de tout gouvernement soucieux d’humanité. Paradoxal, non? Que celle que notre plus grand écrivain québécois, Victor Lévy-Beaulieu, qualifie de Reine-Nègre avec le court mépris accordé à la fonction de représentante de la Reine d’Angleterre, aille justement au-delà de ses fonctions protocolaires pour s’attaquer précisément au scandale séculaire de l’excessive Tiers-Mondialisation de l’Afrique, scandale justement et splendidement dénoncé par l’extraordinaire et foisonnant Bibi de l’auteur de Trois-Pistoles !

Car Michaëlle Jean ne se contente pas de faire de la figuration ou de prononcer des fatwas ex cathedra à l’abri de Rideau Hall. Elle s’implique courageusement « en pénétrant les bidonvilles, où même les ONG craignent d’aller, à la rencontre des admirables mères haïtiennes », nous raconte le maire de Port-au-Prince interviewé hier soir par Guy A. Lepage à Tout le monde en parle. Au pays, elle va à la rencontre des autochtones les plus démunis. Et en Afrique, la voilà qui ne craint pas :

  • au Sénégal de dénoncer devant les autorités confuses l’esclavage des enfants soumis à certains imams sans scrupules.
  • en République Démocratique du Congo, de dénoncer, toujours courageusement devant les autorités, les viols odieux que la guerre au Sud-Kivu entraîne : les dignitaires de ce pays se partagent alors entre femmes qui applaudissent cette dénonciation avec enthousiasme et hommes qui n’osent pas se solidariser et retiennent leur approbation. Par honte, pudeur ou lâcheté? Par atavisme coupable ? Que de chemin à parcourir…
  • au Rwanda, de présenter des excuses au peuple rwandais (et non à son gouvernement, car la main du diable qu’a serrée le général Dallaire n’est peut-être pas celle qu’il pensait), au nom du Canada qui, comme le reste de la communauté internationale, a failli au devoir de secourir la population lors du génocide de 1994 et cela, malgré les appels et avertissements lancés désespérément par le même Général Roméo Dallaire.

 

Et l’espoir, sans doute irrationnel, naît car on se prend à imaginer dans un futur rapproché la première dame des États-Unis Michelle Obama ou la chancelière de l’Allemagne Angela Merkel développer de telles solidarités auprès des millions de femmes qui travaillent désormais grâce aux microcrédits, pour que l’humanité triomphe des froids traités d’affaires conclus par les sociétés minières sans scrupules dénoncées par Noir Canada (éditions Écosociété).

La justice sociale et les combats pour l’égalité de la femme et contre le racisme et l’excision tels que menés par la gouverneure générale inspirent l’humanité dans son chemin vers la paix…

Pierre Jasmin

De: Lafond, Jean-Daniel
Date: lun. 2010-04-26 09:51
À: Jasmin, Pierre
Objet : RE: message de solidarité Pierre Jasmin

Cher Pierre,

Que de textes justes que la passion de la justice et l’intégrité exaltent.

En ce sens les considérations sur les voyages de la GG répercutent ce pour quoi nous nous battons en accord explicite avec nos deux devises, briser les solitudes pour la Gg et L’humanité pour patrie en ce qui me concerne.

C’est cette conviction qui me relie depuis les débuts aux Artistes pour la paix dont tu te fais le héraut parfait, puissant et sensible (comme ton jeu pianistique à fleur de peau).

Il est tout à fait convenable (et j’ajoute nécessaire) que tu prennes la plume pour exprimer sur la place publique ce que tu penses et ce qui nous relie en outre (en plus, en marge – mais la marge est dans la page) de l’amitié.

Et bravo pour l’appui donné par les Artistes pour la Paix à la campagne courageuse et essentielle de Mme Atwood et du PEN.


Marie-Claude Bibeau, ministre du Développement international. Photo : Sam Garcia, Embassy

Marie-Claude Bibeau, ministre du Développement international. Photo : Sam Garcia, Embassy

Pour référence, voici le discours de Mme Bibeau.

Discours de la ministre Bibeau sur la santé sexuelle et génésique et les droits connexes des adolescentes

Le 15 mars 2016 – New York, New York

Nous savons que la santé sexuelle et génésique n’est pas simplement une question de santé : elle concerne également les droits de la personne et l’égalité entre les sexes.

Les femmes et les filles sont souvent les personnes les plus marginalisées, les plus pauvres et les plus difficiles à atteindre dans les collectivités.

En tant que femme, et en ma qualité de ministre, je veux m’assurer que nous faisons tout en notre pouvoir pour aider les femmes et les filles à vivre dans la dignité, sans aucune contrainte, discrimination ou violence.

Il sera impossible d’atteindre cet objectif si les femmes n’ont pas accès à des méthodes contraceptives et si elles ne peuvent pas planifier et espacer les naissances comme elles le souhaitent.

Elles ont besoin de services pour assurer leur propre santé sexuelle et génésique. Elles doivent être informées sur ces services et être libres de s’en prévaloir. C’est particulièrement vrai pour les adolescentes qui vivent dans des zones de guerre. Dans le meilleur des cas, leur santé est négligée, et dans le pire, elles sont victimes de violences sexuelles. C’est pourquoi, dans sa réponse au conflit en Syrie et en Iraq, le Canada fournit notamment une aide distincte aux victimes de violences sexuelles.

Outre le manque d’accès à des soins et à des services de santé, les femmes et les filles n’ont pas la possibilité de s’instruire et de travailler. Elles se heurtent également à des obstacles culturels et sociaux. Dans de nombreux cas, elles sont victimes de violence sexuelle et sexospécifique ainsi que de pratiques préjudiciables, comme la mutilation génitale et les mariages précoces et forcés, dont les conséquences sont lourdes et profondes.

Nous devons favoriser des stratégies qui maintiennent les filles à l’école. Plus une fille est éduquée, moins elle risque d’être l’objet d’un mariage précoce et d’avoir des grossesses indésirées et des maladies transmises sexuellement.

Un des moments forts de mon récent voyage en Jordanie a été la visite d’un centre Makani, qui offre des services d’éducation, d’acquisition de compétences et de soutien psychosocial aux Jordaniens non scolarisés ainsi qu’à de jeunes réfugiés. Il était inspirant d’être témoin de leur optimisme et de leur positivisme face à l’avenir, attribuable au fait qu’ils disposaient maintenant d’un espace et de temps pour apprendre.

En décembre dernier, je me suis rendue dans une clinique populaire de traitement du VIH au Vietnam financée par le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, l’un de nos principaux partenaires en matière de santé.

Pendant ma visite, j’ai rencontré une femme séropositive tenant dans ses bras son bébé séronégatif. Elle m’a parlé du fait que la clinique avait changé sa vie et celle de sa petite fille, grâce au traitement antirétroviral qu’elle a pu y recevoir.

C’était merveilleux de constater à quel point la mise en commun de ressources pouvait changer les vies de ces personnes, trop souvent oubliées ou laissées pour compte.

La semaine dernière, le Canada a démontré son engagement en annonçant un soutien institutionnel au budget de 2016 du Fonds des Nations Unies pour la population [FNUAP], ainsi qu’à son programme d’approvisionnement en contraceptifs. Nous avons aussi annoncé une contribution à un projet mené par le FNUAP au Honduras pour prévenir les grossesses chez les adolescentes, et à un autre de ses projets au Soudan du Sud pour former des sages-femmes et d’autres fournisseurs de soins de première ligne. Notre stratégie à l’égard de la santé des femmes doit se fonder sur une vision globale qui tient compte des faits et non sur une idéologie ou une vision à court terme. C’est la direction que nous prendrons.

En tant que membre du Groupe consultatif de haut niveau pour « chaque femme, chaque enfant » mis sur pied par le secrétaire général des Nations Unies, il me tarde de discuter avec nos partenaires de la santé des femmes et des adolescentes, y compris leurs besoins en matière de santé sexuelle et génésique.

Nous devons faire preuve de créativité dans notre façon de faire et agir collectivement.

C’est pourquoi le Canada contribue au Mécanisme de financement mondial à l’appui de l’initiative « chaque femme, chaque enfant » — un modèle novateur qui rassemble des prêts de la Banque mondiale et des investissements du secteur privé dans le but de financer des systèmes de santé complets et des services de santé essentiels souvent sous-financés comme la nutrition ou la planification familiale.

En comblant les lacunes en matière de santé et de droits, nous pouvons non seulement sauver des vies, mais aussi habiliter les femmes et les adolescentes à devenir des agents de changement dans leurs collectivités et dans le monde entier.

La santé génésique et la santé des mères, des nouveau-nés, des enfants et des adolescents figurent parmi les priorités du Canada. Nous collaborerons avec des partenaires clés à la mise en œuvre du Programme pour 2030 et maintiendrons le cap vers l’atteinte des Objectifs de développement durable, notamment ceux concernant la santé sexuelle et génésique des femmes et des filles ainsi que les droits s’y rattachant.

Les femmes et les filles doivent être au cœur de nos efforts, et nous devons veiller à faire entendre leurs voix. Je puis vous assurer que ces dernières sont au cœur de mes priorités à l’heure où nous procédons à l’examen de nos programmes de développement. J’écouterai avec attention vos échanges afin que vos préoccupations et vos priorités puissent inspirer l’examen de notre programme de développement à long terme.

 

Bibeau: Women need access to contraceptives

‘Our approach to women’s health must rely on a global vision that considers the facts, not ideology.’
Marie-Claude Bibeau

The following is the address by International Development Minister Marie-Claude Bibeau at the UN in New York on March 15.

Canada sending team of ministers to UN status of women meetings

We know that sexual and reproductive health is not only a matter of health. It’s also about human rights and gender equality.Women and girls are often the most marginalized, the poorest and the hardest-to-reach people in communities.

As a woman, and as a minister, I want to make sure that we do what we can to support women and girls to live their lives with dignity, free of coercion, discrimination and violence.

This cannot be achieved if women do not have access to contraceptives. If they are not allowed to plan and space births as they choose.

They need services that ensure their own sexual and reproductive health. They need to be informed about these services and they must be free to access them. This is particularly true for adolescent girls who live in conflict and fragile zones. In this situation, at best, their health is being neglected and, at worst, they are victims of sexual violence. That is why Canada’s response to the conflict in Syria and Iraq, for example, includes specific assistance to victims of sexual violence. In addition to a lack of access to health care and services, women and girls face a lack of educational and economic opportunities. They also face cultural and social barriers. And they are subject, in many cases, to sexual and gender-based violence and harmful practices, such as female genital mutilation and child, early and forced marriage. The effects of these practices are profound and far-reaching. We need to support strategies that keep girls in school. The longer a girl stays in school, the lower the risk of early marriage, unwanted pregnancies and sexually transmitted diseases.

One of the highlights of my recent trip to Jordan was a visit to a Makani Centre, which provides education, skills development and psycho-social support to out-of-school Jordanian and refugee children and youth. It was inspiring to witness their optimism and their hopes for the future, simply because they now had the time and space to learn.

Last December, I visited an inner city HIV clinic in Vietnam supported by the Global Fund to Fight AIDS, Tuberculosis and Malaria—one of our key health partners. While I was there, I met an HIV-positive woman holding her HIV-negative baby in her arms. She spoke to me about the difference this clinic had made in her life and that of her daughter, thanks to the antiretroviral treatment she was able to access at the clinic. It was wonderful to see our pooled resources making a difference in the lives of those too often forgotten or left behind.

Last week, the Canadian government demonstrated its commitment by announcing institutional support to the UN Population Fund’s [UNFPA’s] 2016 budget, and its contraceptive supplies program. We also announced a contribution to a UNFPA project in Honduras to prevent teenage pregnancies, and to a project in South Sudan to train midwives and other front-line health care providers. Our approach to women’s health must rely on a global vision that considers the facts, not ideology.

That is the direction we are taking. As a member of the UN Secretary General’s High-Level Advisory Group for Every Woman Every Child, I look forward to working with our partners to address the health of women and adolescents, including their sexual and reproductive health needs. We need to think creatively and collectively about how to do this. This is why Canada contributes to the Global Financing Facility in support of Every Woman Every Child—an innovative model that leverages lending from the World Bank and private sector investments to fund comprehensive health systems and often underfunded, critical health investments, such as nutrition or family planning. Closing existing gaps in health and rights will not only save lives, it will empower women and adolescent girls to be transformative forces in their communities and the world.

Reproductive, maternal, newborn, child and adolescent health is a priority for the Government of Canada. We will work with key partners on Agenda 2030 and maintain international momentum around the Sustainable Development Goals, including the sexual and reproductive health and rights of women and girls. They need to be at the centre of all we do, and we must listen to them. I can assure you that their voices are at the heart of my attention as we review our development programs. I will be listening very carefully to what you have to say to ensure that your concerns and priorities contribute to the review of our long-term development agenda.