En saluant Michaëlle Jean

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Cette affiche sert une salutaire vérité à tous les complotistes anti-scientifiques, mais aussi, avec son symbole autochtone de la tortue, contre les politiciens qui, en défendant encore le complexe militaro-industriel, refusent de voir les vérités anticolonialistes de la Journée nationale autochtone et de la défaite en Afghanistan. Photo Sean Kilpatrick/PC

Trois points de vue

D’une amie des autochtones

michaelle_jeanLa perspective la plus généreuse ouverte à cette toute première Journée nationale de vérité et de réconciliation fut celle publiée par La Presse par Michaëlle Jean, gouverneure générale du Canada entre 2005 et 2010, à la tête depuis lors de la Fondation qui porte son nom, présidée par son mari, le cinéaste et auteur Jean-Daniel Lafond, qui veille à orienter les dons de la Fondation en grande partie vers les artistes autochtones. Voici le discours inspiré de notre grande et sage amie Michaëlle dont nous saluons en annexe la nouvelle vocation [1] :

QUAND SONNE L’HEURE DE VÉRITÉ, PRENONS LE TEMPS DE RÉFLÉCHIR

« En cette Journée nationale de la vérité et de la réconciliation, nous nous rassemblons. Nous unissons nos voix pour dire que nous ne cessons de penser à ces enfants autochtones qui ont été arrachés à leurs parents, leurs familles, leurs communautés pour être internés dans ces infâmes écoles résidentielles. Par milliers et sur plusieurs générations, ils ont été violemment dépossédés de leurs langues, de leur mémoire, de leurs liens affectifs si essentiels, de leur riche patrimoine matériel et immatériel, de leurs traits de civilisation et de leur culture, leur liberté, leur dignité, leur identité et leur fierté.

De ces établissements de la ségrégation, nombre de ces enfants ne sont pas revenus vivants, morts des mauvais traitements qui leur ont été infligés et du chagrin aussi d’avoir été déracinés de tout ce qui les ancrait dans leur existence et à cette terre de leurs origines. Les sépultures, longtemps tenues secrètes, de ces petits dont les parents avaient perdu toute trace remontent à la surface, comme autant de cris de détresse et d’appels au secours. Nous sommes solidaires et serrons contre nos cœurs celles et ceux qui ont survécu à cette épreuve dont on ne sort pas indemne et qui en portent encore les stigmates et le traumatisme. (…)

Faire du 30 septembre une journée fériée de la vérité et de la réconciliation ne suffira pas et ne doit pas servir à tourner la page ou à apaiser nos consciences. Elle doit être une journée de réflexion, de dialogue, de partage, de sensibilisation, d’éducation et d’action. Il nous faut consciencieusement nous prêter collectivement à l’exercice de vérité. (…)

Que nous soyons autochtones ou allochtones, cette histoire nous concerne, elle heurte la confiance que nous placions en ces hautes institutions religieuses et des gouvernements fédéral, provincial, municipal qui se sont rendus complices de ces abus, mensonges, silences et négligences criminelles. Elle dit aussi combien l’indifférence générale a permis que ces crimes se commettent et perdurent jusque dans les années 1990 [et madame Jean demande à la Justice de ne pas hésiter à poursuivre les coupables]. »

Du Gouvernement du Canada

Les élections générales du 20 septembre commandées par Justin Trudeau n’ont rien changé à la composition de la Chambre des Communes. Elles ont donc élu 219 députés (Libéraux non majoritaires + Bloc Québécois + Nouveau Parti Démocratique + Parti Vert), membres de partis totalement en faveur de changer la mentalité coloniale du Canada et de son fondateur John A. Macdonald, raciste envers le métis Louis Riel, envers les Québécois et envers les autochtones à qui furent imposés les pensionnats les séparant de leurs enfants. Et ce n’est pas faire preuve d’un optimisme béat envers la nature humaine que de croire que sans doute le parti conservateur du modéré O’Toole aurait agi de même, s’il avait doublé ses 119 députés. On ne peut en dire autant du Parti Populiste du Canada qui a réussi à doubler ses voix, mais en ne réussissant fort heureusement à n’élire aucun député.

Des Artistes pour la Paix

Dès 1983 à l’origine de notre organisme, le but primordial fut de travailler à la réconciliation ; à notre trentième anniversaire, on l’avait rappelé avec Florent Vollant, Chloé Sainte-Marie, Élisapie Isaac et Richard Séguin. « Je m’interroge sur la pertinence de limiter la stratégie de reconnaissance de la mémoire à des monuments », a écrit récemment André Jacob dans un article intitulé Pour des musées de la mémoire pour les Premières Nations : il faisait ainsi la distinction entre monuments, comme les statues déboulonnées de MacDonald, et les musées vivants.

Avec grand plaisir, on a entendu Élisapie Isaac chanter en Inuktitut lors de l’intronisation de la gouverneure générale Mary May Simon et on l’a retrouvée hier comme animatrice de la toute première Journée nationale de la vérité et de la réconciliation à Radio-Canada.

Mais outre ces émissions soigneusement formatées pour ne blesser aucune oreille sensible blanche, quand a-t-on écouté les autochtones nous parler de leurs vérités, de ce qui les blesse [2], étape obligée [3] avant de passer à l’étape de réconciliation ? Les Artistes pour la Paix remarquent que dans son discours, Michaëlle Jean répète avec sagesse le mot vérité et semble craindre comme nous que nous soyons obligés de brûler les étapes longues et difficiles menant à la réconciliation, le mot pourtant clamé par nos médias complaisants et nos politiciens sourds et aveugles. Elle termine son témoignage si important ainsi : La Fondation Michaëlle Jean soutient avec émotion cette initiative et appelle à la mobilisation de tous nos efforts pour que la vérité triomphe.

Il y a à peine trois mois, nous étions à expliquer l’origine du chandail orange inconnue de tous, et ô surprise agréable, en allant faire un tour à l’Université Bishop’s à l’invitation de INDIGENOUS CULTURAL ALLIANCE, on apercevait, comme à l’Université de Sherbrooke, des centaines d’étudiantEs portant fièrement ce chandail orné qui de la maxime La vie des enfants compte, qui du Principe de Joyce, victime du racisme d’infirmières, qui du fameux idle no more ou Finie l’inertie, un film si nécessaire d’Alanis Obomsawin qui siégeait sur notre C.A. dès les années 80 !

La jeunesse vous presse d’agir, messieurs les chefs de gouvernement conservateurs dans les provinces d’Alberta, de Saskatchewan et hélas du Québec, dont le premier ministre François Legault refuse, pour ne pas déplaire à ses électeurs de droite catholique, de consacrer le 30 septembre comme fête fériée des autochtones et surtout refuse obstinément de reconnaître la réalité du racisme systémique : les trois partis d’opposition de l’Assemblée nationale le pressent pourtant d’accueillir cette réalité, même si la vérité fait mal avant de nous guérir (et je ne fais pas allusion à la piqûre indolore du vaccin).


[1] Michaelle est co-présidente de l’UNFPA, agence directrice des Nations Unies en charge des questions de santé sexuelle et reproductive. Elle vient de rentrer de New York (ONU). Sa mission dont on remarque l’importance en ce moment au Texas conspué par 600 manifestations nationales américaines, est de créer un monde dans lequel chaque grossesse est désirée et chaque accouchement sans danger. Un monde dans lequel chaque jeune réalise pleinement son potentiel.

L’UNFPA soutient:

  1. Les soins de santé reproductive pour les femmes et les jeunes gens dans plus de 150 pays , abritant plus de 80 % de la population mondiale.
  2. La santé des femmes enceintes, en particulier 1 million d’entre elles souffrant chaque année de complications potentiellement mortelles.
  3. Un accès fiable aux contraceptifs modernes bénéficiant à 20 millions de femmes chaque année.
  4. La formation de milliers de travailleurs de la santé, afin de garantir qu’au moins 90% des accouchements sont supervisés par des assistants qualifiés.
  5. La prévention de la violence basée sur le genre, qui touche une femme sur trois.
  6. L’abandon de la mutilation génitale féminine, qui porte préjudice à 3 millions de jeunes filles chaque année.
  7. La prévention des grossesses adolescentes, dont les complications connexes sont la principale cause de mortalité des jeunes filles âgées de 15 à 19 ans.
  8. Les efforts visant à mettre fin aux mariages d’enfants, qui pourraient concerner environ 70 millions de jeunes filles au cours des 5 prochaines années.
  9. La distribution de fournitures pour accouchement sans danger, de kits de dignité et d’autres fournitures vitales pour les victimes de conflits et de catastrophes naturelles.
  10. Les recensements, la collecte et l’analyse de données, qui sont essentiels à la planification du développement.

[2] Racismes et religions http://www.artistespourlapaix.org/?p=20381

[3] Ces vérités nous blessent tous comme l’émission INFOMAN l’a rappelé sur un mode humoristique relatée dans http://www.artistespourlapaix.org/?p=20910