Une immense plaque tectonique s’est formée après l’effondrement de l’URSS par réaction de survie. Actuellement, l’OCS (Organisation de coopération de Shanghai) vise à assurer la sécurité collective de ses adhérents : la Chine, la Russie (et plusieurs de ses satellites), l’Inde, le Pakistan et l’Iran. Elle représente plus de 50 % de la population mondiale et une puissance économique et militaire presque équivalente. Elle vise à maintenir un équilibre stratégique global favorable à l’expansion de son modèle appelé « solution chinoise ». La « solution chinoise » peut se résumer ainsi : si vous désirez une économie capable de répondre d’abord aux besoins premiers de tout le monde sans empêcher l’enrichissement sélectif de quelques-uns, il faut une planification stratégique à long terme… Pour que cela fonctionne, il faut un gouvernement fort et stable à long terme pour que l’intérêt collectif prime sur le développement personnel. Le bien collectif avant la liberté individuelle. L’État avant la personne.

Michel_Casavant

Oeuvre de Michel Casavant

Sur l’autre plaque tectonique, nous retrouvons les démocraties libérales : des pays politiquement démocratiques, mais économiquement « libéraux » (dont l’économie est libre par rapport au pouvoir politique et soumise à la loi du plus de profit possible). La libre concurrence sans planification globale de l’économie. La personne avant l’État. Ce modèle, plutôt « anarchique » du point de vue économique, a toutes les chances du monde d’engendrer la pauvreté extrême des travailleurs non spécialisés et des travailleurs de réserve (chômeurs et exclus de la société).

Ces deux plaques ont pour base deux visions de l’être humain et de la société. Pour la « solution chinoise », la société est une sorte de totalité et les individus en sont les composantes. Mais cette totalité n’est pas vue comme un corps organique, mais mécanique. On peut donc planifier sur papier la chaîne des besoins et la chaîne des productions pour répondre aux besoins de base de tout le monde. C’est du moins l’idéologie du modèle. Pour les « démocraties libérales », l’État est inquiétant, il risque d’exercer une violence verticale et d’assujettir les individus à une autorité trop puissante. Il vaut mieux l’équilibre des forces horizontales qu’un État fort. La violence horizontale est moins dangereuse que la violence verticale. On croit que l’épanouissement de chacun est la finalité de la société, et on est prêt à accepter les conséquences d’une non-planification globale de l’économie. C’est du moins l’idéologie du modèle.

Dès qu’on regarde l’un et l’autre de ces modèles, on se rend compte de leur inadaptation soit à la nature humaine (qui ne se perçoit pas un moyen, mais une fin), soit à l’organicité des sociétés (qui ne sont pas des mécanismes, mais des organismes). Aucune des deux solutions n’a d’avenir : dans un cas le tout domine les parties, dans l’autre les parties dominent le tout. Ce sont deux modèles sclérosés par des idéologies (idées séparées de leurs conséquences dans le monde réel). Les deux modèles doivent donc évoluer en interconnexion et avec la réalité pour arriver à une solution adaptative et donc viable. On évolue par la confrontation pacifique des différences. C’est pourquoi je pense que la société civile doit se réveiller, cesser d’être passive devant l’oppression « totalitaire » ou « libérale ». Si la société civile ne se réveille pas, ces deux modèles risquent de se fracasser l’un sur l’autre en nous entraînant dans leurs pertes. Leur dynamique doit passer de la guerre militaire à la compétition adaptative comme dans le monde écologique. Ce sera la première étape. L’étape suivante sera d’apprendre l’un de l’autre. Dans le prochain bloque : Où se situe le Canada par rapport à l’enjeu de l’Ukraine et que peut-il faire ?