Nos démocraties représentatives démontrent à elles seules qu’il faut beaucoup moins de meneurs que de suiveurs (exemple, au Québec, 64000 de population pour un député). Pourquoi ?

Je pense que la volupté de la soumission est plus grande que celle de la domination. La soumission est un bonbon en soi, c’est ensuite que le dominateur utilise cette « passion ».

S’abandonner à une impulsion, une sensation, un psychotrope, une distraction, n’est-ce pas l’essence du plaisir ! Le plaisir n’est-il pas une certaine soumission ! Déjà notre famille nous a appris qu’il est plus facile et plus doux de se soumettre que de se rebeller, la récompense affective vaut mieux que la punition. Les religions ont su cultiver le plaisir de la soumission, de l’adoration, et même du sacrifice au « Maître des cieux ». Et puis, c’est un énorme défi que de lutter contre des conditionnements et tellement plus agréable de s’y soumettre. S’ajoute la volupté d’appartenir à un groupe, à une foule, à un peuple. La joie est réservée à celles et ceux qui montent la montagne de leurs aspirations souvent à contre-sens des chemins très fréquentés. Le plaisir est pour la descente dans le sillon des impulsions ou des conditionnements, le résultat d’une certaine suspension de notre conscience, de notre sens critique et de notre volonté. Au fond, c’est pour canaliser sur lui tout ce plaisir du laisser-aller que les « Césars » s’autoproclament chefs. L’homme dominateur est au fond le « supra-soumis » à ses propres impulsions, aux forces de son inconscience et même, à ses perversions violentes. Il incite à glisser en bas dans son toboggan.

cheval-Frédéric Lesmerises

Photo : Frédéric Lesmerises

Évidemment s’ajoute à cette volupté de la soumission, la peur du rejet. Le loup qui veut quitter la meute doit faire face à la forêt, trouver seul sa nourriture, affronter tous les dangers… La plupart du temps, c’est la meute elle-même qui risque de l’attaquer. L’angoisse séculaire de la solitude nous refoule dans la sphère du contrôle social.

Dans cette glissade du plaisir et de la lâcheté, il arrive un moment où on se sait manipulé. Évidemment, on ne se l’avoue pas, mais on goûte la volupté de ne pas décider. Acheter en faisant du lèche-vitrine, ou après avoir surfé sur le web fait partie de cet abandon. En gros, pour la classe qui a une marge de manœuvre au-dessus des besoins essentiels, acheter est un acte de soumission.

Les GAFAM (Google, Appel, Facebook (Méta), Amazon, Microsoft) ont réussi le tour de force d’élever au-dessus du pouvoir des États (démocratique ou dictatorial, qu’importe) une puissance mondiale de structuration des sociétés par monopoles, algorithmes souterrains, partages de contenus fondés sur le réflexe du perroquet, vitesse de réitération des opinions, consommation impulsive grâce au crédit immédiat, vente de données à des fins commerciales ou politiques… L’essentiel vient de l’illusion de décider (micro décisions) sur un échiquier comportemental prédéfini, c’est comme entrer dans un grand centre de programmation.

Nous y reviendrons, car c’est sans doute la plus grande attaque contre les démocraties chancelantes. Elle prépare le terrain pour les démolisseurs de démocratie tels Trump et tant d’autres. Et nous avons les nôtres au Canada et au Québec.