La conscience est l’organe de l’esprit qui permet d’introduire de l’avenir désiré (du rêve) dans la trame du temps. Ainsi la juste introduction d’un peu d’avenir désirable dans la chaîne des causes et des effets donne une valeur d’existence à la liberté. Sinon, la liberté ne vaudrait rien. De cette façon, l’avenir s’ouvre comme le champ de possibles que la liberté peut réaliser, mais une fois réalisés, une fois devenus des faits, ils sont emportés dans le temps causal de l’entropie et de l’évolution. Il est vrai qu’on imagine souvent l’ordre temporel comme un ordre nécessaire et totalement déterminé, mais c’est à condition d’imaginer le monde dans lequel nous sommes comme une grosse machine et non comme un organisme vivant.

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En s’imaginant le monde mécanique, cela simplifie grandement nos approches scientifiques et nous apporte des résultats rapides qui semblent confirmer que nous avons raison de le traiter de machine. Mais, si on lève les yeux, on voit le ravage écologique auquel cette attitude nous mène. Voyant la nature comme mécanique, on imagine que nos actions agiront elles-mêmes de façon automatique comme si on programmait un système d’engrenage. Ensuite, il suffit d’oublier la plus grande partie des conséquences et on croit progresser.

Le triple sens du temps (causal, entropique et créatif) non seulement rend possible la liberté, mais il la contient et surtout, nous force à l’exercer à tout moment. Le temps de la nature ne cesse de nous placer dans des situations de choix qui nous obligent à l’exercice de la liberté, et cela, à une vitesse qui ne nous laisse pas toujours le loisir de la plus profonde réflexion. Nous devons apprendre sur le tas, le plus vite possible et à la dure. La nature ne nous fait pas de quartier sur les conséquences prévisibles et imprévisibles de nos actions. On peut dire du temps qu’il met en lumière toutes les modalités de notre liberté forcée à l’apprentissage, à la réflexion et à la sagesse pour éviter que nos actions individuelles et collectives engendrent notre malheur.

1° Notre volonté se trouve toujours associée au temps causal déterministe, inertiel (ralenti par la masse) et sujet à l’usure (entropique). Ce temps imprègne nos corps et nos mouvements d’un besoin d’efforts; il tend à réduire notre concentration cérébrale et à détruire nos ouvrages.

2° Nos actions se trouvent toujours engagées dans l’évolution de la nature organique et non dans une simple mécanique entropique. Ce temps nous oblige à apprendre sur les possibles insertions de nos œuvres dans l’écologie locale et globale du monde.

3° Nos actions sont aussi forcément engagées dans le temps social et impactées par lui. Nous n’arrivons pas au début de l’histoire humaine, nous ne sommes pas seuls à exercer notre liberté, et la culture nous conditionne fortement et pas toujours dans un sens adaptatif.

4° Nos actions, dès qu’elles entrent dans le passé, deviennent irréversibles, ne disparaissent pas du tout, au contraire, elles se retournent vers nous et nous obligent à des adaptations ou à des changements de trajectoire.

5° L’avenir même dans lequel nous nous engageons est le champ des possibles entre lesquels nous avons à faire des choix en fonction de ce que nous avons déjà fait, de nos apprentissages et de l’incontournable adaptation à la nature. Dans ces choix, nous n’avons pas le choix de choisir entre nos désirs désirables et nos désirs indésirables.

Dans tous les cas, notre aspiration est de « valoriser » le temps au lieu de seulement le subir.