Toute liberté particulière est solidarité avec le Tout. On ne peut pas créer entre la nature et nos valeurs une contradiction à long terme, on est forcé à l’harmonie.

La liberté nous fait voir :

(1) Jusqu’à quel point, il nous faut savoir être de petits créateurs dans le grand créateur. Ne jamais oublier que nos actions font du présent qui devient du passé et que ce passé conditionne le futur.

(2) Jusqu’à quel point, il nous faut comprendre que les valeurs ne sont jamais des cibles à atteindre, des formes pour mouler le présent et le futur mais du levain qu’on insère dans le réel pour qu’il s’ajuste à lui.

C’est pourquoi chaque valeur n’est accessible à la pensée que par le négatif, par exemple, il est facile de dénoncer l’injustice, mais impossible d’énoncer la justice; facile de dénoncer le mensonge, mais impossible d’énoncer la vérité… Les valeurs n’ont de valeur qu’en faisant face à leurs résultats concrets.

bedard_25nov2022

Heureusement que la nature résiste à la liberté pour exiger l’harmonie. Il ne s’agit ni de vaincre la nature ni de se laisser vaincre par elle, mais de se rendre docile à elle en la rendant docile à nous dans la recherche d’une harmonie qui dépasse si possible celle déjà donnée. Ce qui, reconnaissons-le, est un défi énorme pour des esprits aussi petits que les nôtres dans une nature aussi vaste et complexe que celle qui nous est donnée.

La liberté nous permet de transfigurer la nature, mais surtout elle permet à la nature de nous transfigurer. L’idée est de tenter de dépasser la nature sur le plan des valeurs sachant qu’elle nous dépasse de beaucoup sur le plan de son harmonie totale. Aucune action de la liberté ne peut aboutir sans la coopération de la nature. Et c’est pour cela que la possibilité se trouve toujours dans chaque être fini dans la rencontre de la liberté et de la nature. Aussi, à l’égard du possible, la conscience doit se tourner vers la nature non pas seulement avec sa faculté de connaître, de calculer et de vouloir, mais encore avec sa faculté d’apprentissage et de sagesse, de patience et d’espérance.

Nous participons de la nature, nous lui empruntons ses valeurs et nous la faisons participer à nos valeurs.

Nous devons faire face au fait que nous sommes destinés à être les éthiciens de la nature malgré que nous en sommes ses tributaires.