Un jour, mon premier cheval, une grosse jument percheronne, a tout donné pour hisser un traîneau chargé de bois afin que ma famille puisse se chauffer l’hiver. Nous vivions alors dans un camp forestier par choix. Ce jour-là, ma jument m’a arraché les larmes des yeux. Je découvrais sa valeur inestimable. Lorsque tout à coup, on découvre la valeur d’un être, une plante, un chat, un cheval, un enfant, un ami, on ne peut imaginer lui manquer de respect, le trahir, être injuste…

Ce n’est pas parce qu’on a la « valeur » du respect qu’on respecte les êtres, c’est parce qu’on a découvert la valeur des êtres qu’on les respecte. Sinon, le respect n’est qu’un conditionnement social qui peut s’effondrer à la moindre occasion. La justice n’est pas une valeur. La découverte de la valeur d’une personne, puis d’une autre, puis d’une autre, fait que je n’accepterais jamais une injustice.

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Seuls les êtres valent quelque chose, les notions éthiques ne tiennent le coup que par la découverte de la valeur des êtres. Et dès qu’on rencontre véritablement un être, c’est plus fort que nous, on l’aime, c’est-à-dire qu’on lui accorde une valeur inestimable, en réalité une valeur fondamentalement incalculable.

Le monde est neutre au départ, il m’est donné neutre. Mais il y a en moi une source qui le remplit de valeur. Et sans la valeur, tout est neutre et sans valeur. Immerger dans l’être, je m’y ennuie. Tant que je n’ai pas accordé de valeur aux êtres, je n’ai pas de valeur à mes propres eux, je ne suis qu’un tas d’organes chargés d’hormones.

Lorsque tout est neutre, le mal n’existe pas. Si un enfant et un grain de poussière ne sont ni l’un ni l’autre remplis de valeur, écraser un grain de poussière ou écraser un enfant c’est pareil. Il n’y a alors aucun mal à faire travailler des enfants douze heures par jour dans le fond d’une mine de charbon. Un enfant et un montant d’argent peuvent s’équivaloir.

Le sentiment du mal n’arrive à la conscience qu’avec la valeur des êtres qu’on découvre, rencontre par rencontre. Le sentiment du mal est donc la plus grande preuve de l’émergence de cette illumination de l’être qui en donne la valeur par la puissance de notre conscience.

C’est pourquoi les anciens disaient que le mal est la plus grande preuve de Dieu. Qui n’aime pas ne ressent pas le mal. Et dans toutes les grandes traditions, l’amour est la divinisation du monde accomplie par la participation des âmes.