Trois points, dont l’un divergent, sur les manifestations à Montréal du 8 octobre.

extinction_rebellion_1

Trois militants sur la structure du pont Jacques-Cartier ont été rejoints par des policiers qui les ont ramenés au sol. Photo Jacques Nadeau, le Devoir

1Les arguments du mouvement Extinction-Rébellion touchent au but avec pertinence lorsqu’ils dénoncent le manque d’actions significatives dans la lutte contre les changements climatiques. Au matin du 8 octobre, leur but était de déployer sur les hauteurs du pont Jacques-Cartier une banderole dénonçant l’expansion du pipeline Trans Mountain, financée à un coût extrême par le gouvernement Trudeau, mais aussi le projet de terminal gazier Énergie Saguenay, soutenu par le gouvernement Legault, nous informent Alexandre Schields et Milène Crête du Devoir. Une militante du mouvement a justifié son action qui peut sembler extrême, mais qui est une action réaliste : « Il faut déranger maintenant le quotidien, car ce quotidien est en train de nous tuer. On n’est pas des farfelus. On veut juste un futur. Ceux qui vivent dans un monde de licornes, ce sont ceux qui pensent qu’on peut continuer de vivre sur une planète avec des ressources finies et une croissance accélérée. C’est impossible, il faut décroître, c’est une urgence. » Selon François Léger-Boyer, porte-parole d’Extinction Rebellion, « notre plan d’action c’est d’agir et de perturber l’ordre social pour que les autorités en place nous écoutent, car on se dirige vers une catastrophe climatique inimaginable ».

Ce sont des arguments que Dominic Champagne, initiateur du Pacte de la transition, présent à la deuxième manif par Extinction-Rébellion en après-midi devant la Cathédrale Marie Reine du Monde (et qui s’est soldée en soirée par quarante arrestations de personnes refusant de quitter la rue pour des trottoirs), ne renie nullement. Il critique plutôt les propos du ministre québécois de l’Environnement Benoit Charette. « Ce qui est condamnable, c’est son inaction et son ignorance. S’il était instruit, s’il nous inspirait confiance, nous ne serions pas là aujourd’hui », a-t-il dit. « Après avoir réuni plus d’un demi-million de personnes, le 27 septembre, on se serait attendus à ce qu’il y ait un minimum d’évolution et de respect dans le discours politique. Mais, visiblement, ce n’est pas le cas. Rien n’est convaincant », a ajouté M. Champagne. « Avec ses 15 tonnes par habitant, le Canada est un des plus grands émetteurs de carbone au monde. À titre de comparaison, les émissions annuelles de CO2 par habitant sont de 6,5 tonnes aux Bahamas, où l’ouragan Dorian vient de semer la désolation, de 0,5 tonne au Bangladesh, où la hausse du niveau de la mer a déjà commencé à inonder les zones côtières, et de 0,3 tonne au Mozambique, où le cyclone Idaï a fait des centaines de morts en mars. Ne soyons pas égoïstes… »

extinction_rebellion_2

Dominic Champagne harangue les manifestants en après-midi.

Interrogé lors d’un point de presse en matinée, le candidat libéral et ancien militant écologiste Steven Guilbeault n’a pas voulu condamner le geste d’éclat mené sur le pont Jacques-Cartier. « Dans les sociétés pluralistes et démocratiques, la désobéissance civile est acceptée comme un geste de protestation, a-t-il dit. Quand on pose des gestes de désobéissance civile, c’est inspiré de ce qu’ont fait Gandhi ou Martin Luther King. » À titre de membre de Greenpeace, M. Guilbeault avait lui-même escaladé en 2001 la tour du CN, à Toronto, afin de dénoncer l’inaction fédérale en matière de lutte contre les changements climatiques. Le Canada était alors dirigé par un gouvernement libéral.

winona_laduke

2Certains commentateurs à la solde de médias bien financés par la droite militariste sont allés jusqu’à dénoncer en termes agressifs ce qu’ils estiment être de l’éco-terrorisme. Wô ! On se calme. Le mot terrorisme pour moi s’associe à l’armée islamique (ISIS), aux racistes de l’extrême-droite blanche américaine armée jusqu’aux dents, coupables de fusillades qui ciblent des Mexicains ou des Noirs et au complexe militaro-industriel-médiatico-académique-pétrolier qui consacre l’essentiel des richesses nationales à de l’armement nucléaire et autre et qui censure l’opposition légitime des Premières Nations voulant protéger leurs terres et leur eau contre les pipelines et les déversements de pétrole.

3Le mouvement Extinction-Rébellion a pris naissance il y a un an en Grande-Bretagne. S’ils sont accusés et reconnus coupables, les « coupables » montréalais pourraient être emprisonnés, accusés de méfaits, vu les nombreux retards subis par les automobilistes et les risques encourus par les intervenants qui ont dû grimper à leur « secours ». Ne voilà-t-il pas un problème de taille ? Ce mouvement tire ses mots d’ordre de l’étranger. Le quartier-général de Londres sait-il que cette action survient moins de deux semaines avant des élections où trois partis veulent faire entendre raison écologique à trois autres partis de droite qui ne veulent rien entendre ? L’énergie de ces protestataires ne serait-elle pas mieux utilisée à faire du porte à porte démocratique pour informer la population désinformée par les médias de droite, à travailler dans les comtés où le Bloc Québécois, le NPD ou possiblement le Parti Vert ont encore de bonnes chances de remporter, quand ils sont en première ou deuxième position dans les projections électorales, enfin à voter pour le Parti Libéral, lorsqu’il est en deuxième place dans des comtés détenus par le Parti Conservateur ?

Le 22 octobre, peut-être serons-nous effectivement rendus à une situation où il ne nous restera que la rébellion comme arme de changement radical : elle nous fera descendre dans les rues pour saboter le capitalisme aberrant qui pour faire de l’argent, détruit la planète. Je retourne à la rédaction des documents accompagnant ma lettre au Secrétaire-Général de l’ONU qu’il faut appuyer en ces temps de guerre où Erdogan, dirigeant de la Turquie, a besoin d’une « bonne » guerre contre les Kurdes pour maintenir son pouvoir dictatorial, encouragé par l’aberrante politique extérieure du président Trump.