Àjuste titre, dans son éditorial du Devoir du 22 mars, Guy Taillefer souligne en rouge « la banalisation de la violence dans les relations internationales ». À ce stade-ci du conflit Russie-Ukraine, dans les discours officiels, force est de constater que le discours guerrier domine en tout. En boucle et en continu, les médias relaient une masse d’informations que l’on peut regrouper sous divers angles: 1) un fatras de scènes au contenu violent ou à caractère dramatique sensationnel avec des protagonistes susceptibles d’attirer la pitié; 2) les dirigeant.e.s politiques rabâchent ad nauseam la menace extérieure et suscitent la peur; 3) les assertions ciblées, voire hystériques, destinées à diaboliser Vladimir Poutine de mille façons et le faire juger par le tribunal de l’opinion publique; 4) les impératifs de la défense commanderaient la croissance des budgets militaires.

Ces lignes d’information se reflètent dans le consensus populaire sur la nécessité de répondre à la violence par la violence. Bien sûr, l’aide humanitaire doit occuper une place prépondérante à la lumière des exactions commises contre la population ukrainienne, mais pourquoi laisser parler les canons sans entreprendre des pourparlers de paix en toute urgence? À l’exception de quelques « experts », peu de gens parlent de la recherche de la paix. La culture guerrière reste dominante.

Dans le contexte actuel, cette banalisation de la violence soulève un malaise éthique. On semble oublier que la recherche de la paix passe par d’autres voies que l’augmentation exponentielle en continu des armes dans le conflit en cours. La pensée unique fondée sur la haine de l’ennemi et la soif de victoire repose sur une vision manichéenne et simpliste du monde à savoir que nous sommes du bon côté de l’histoire, celui des sempiternels gagnants depuis des siècles marqués par le colonialisme occidental seriné comme modèle du développement, de la démocratie et du paradis de la liberté.

Pour une culture de la paix.

Au début du XXe siècle, en raison du drame inoubliable de la guerre mondiale de 1914 -1918, plusieurs penseurs et éthiciens ont lancé l’idée du développement de la culture de la paix par l’éducation de masse, pourtant ce n’est qu’en 1998 que l’Assemblée générale des Nations unies (résolution A /52/13) a poussé plus loin l’idée de travailler à bâtir une culture de la paix définie ainsi : « la culture de la paix est un ensemble de valeurs, d’attitudes et de comportements qui rejettent la violence et préviennent les conflits en s’attaquant à leurs racines par le dialogue et négociation entre les individus, les groupes et les États. » L’UNESCO, porteuse du dossier, spécifie que la culture de la paix implique un ensemble de responsabilités éthiques sur le plan social et politique.

Dans cette perspective, pourrait-on dire que le conflit en Ukraine aurait pu être évité? Peut-être bien. Si nous pouvions réécrire l’histoire, émettons l’hypothèse suivante : si, après le démantèlement de l’URSS, l’OTAN (alliance militaire, ne l’oublions pas) avait décidé de maintenir un dialogue permanent avec la Russie au lieu d’entrer dans une dynamique d’assemblement des pays limitrophes de la Russie dans ses rangs, la situation de l’Ukraine serait peut-être différente aujourd’hui. D’ailleurs, cette stratégie de conquête de la part de l’OTAN était contraire à l’entente entre les États-Unis, l’OTAN et l’ex-président de l’URSS, Mikaël Gorbatchev.

Mais il ne s’agit là que de spéculations théoriques. Un fait demeure, le maintien des bases militaires de l’OTAN, notamment en Lettonie et en Ukraine, démontre clairement que l’OTAN a toujours considéré la Russie comme un ennemi contre lequel il fallait se défendre. Dans cet esprit, l’escalade des tensions a ressemblé à la dynamique de la guerre froide et a conduit lentement, mais sûrement à des préparatifs de guerre des deux côtés.

Considérant la dynamique actuelle sur le champ de bataille, il s’avère très urgent de prendre le risque de la paix par la négociation. La paix a beaucoup plus de sens pour tout le monde que la violence armée.