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La foret tropicale amazonienne, composante essentielle de l’écosystème planétaire, est plutôt considérée par le gouvernement Bolsonaro comme un obstacle sur le chemin du développement agricole et minier du Brésil.

Le responsable des Affaires stratégiques de l’administration Bolsonaro, Maynard Santa Rosa, annonçait récemment le nouveau plan de méga-infrastructures comprenant un barrage sur la rivière Trombetas, un pont sur l’Amazone à Obidos et le prolongement de la route BR-163 sur 480 km à travers la jungle, de Santarem jusqu’à la frontière du Surinam au nord. Le mégaprojet est baptisé Barao do Rio Branco, du nom de José Maria da Silva Paranhos Jr., Baron de Rio Branco, considéré comme le « père de la diplomatie brésilienne » (1845-1912).

Maynard Santa Rosa est un général à la retraite, parmi les sept militaires que compte ce gouvernement. Dans son allocution sur la radio officielle Voz do Brazil, il a été avare de détails, ne citant aucun chiffre, budget, source de financement, études d’impacts ou échéancier. Il a par contre précisé que le pont sur l’Amazone serait bâti dans l’État de Para, afin de démarrer le développement de cette région “désertique et improductive” alors qu’il s’agit de foret tropicale.

“L’Amazone a une population de 10 millions de personnes qui vivent sous le niveau de pauvreté. Nous devons intégrer cette vaste latifundio (terre en friche) au système national de production et fournir des emplois et des revenus à la population” a-t-il déclaré.

Le barrage devrait augmenter la capacité du Brésil en matière de traitement de l’aluminium et régler le problème de l’approvisionnement en électricité de villes comme Manaus et Boa Vista. La route BR-163, qui sert surtout au transport routier de soya à travers le Mato Grosso vers les terminaux fluviaux de Mirituba et Santarem, relierait cette ville à la frontière du Surinam. Il s’agit d’une étendue de jungle peu habitée et on s’interroge sur les possibles avantages pour l’exportation du soya… le général Santa Rosa n’ayant pas offert de précisions.

Aucune mention des possibles conséquences sur les populations autochtones et Quilombos – les descendants d’esclaves évadés – qui vivent dans la région décrite à tort comme “désertique”, en réalité la plus grande étendue de forêt tropicale au monde.

Selon Lucia Andrade, coordonnatrice de la Commission Pro-Indiens, une OGN brésilienne pour la défense des droits autochtones, le projet pose un risque pour “une région de l’Amazone qui abrite une mosaïque de territoires autochtones et quilombos ainsi que des aires de conservation de grande importance, pas seulement pour les populations locales mais pour la planète entière. La qualifier de latifundio improductive est une erreur grave”. La région de la Trombetas comprend 4 réserves autochtones, 8 communautés quilombos et 5 aires de conservation.

Plusieurs communautés quilombos de l’État de Bahia se sont regroupées au sein du Conseil Quilombo de la vallée de l’Iguape, pour tenter de faire entendre leur voix collective. Mais la partie est dangereuse : on compte 57 morts violentes chez les activistes et défenseurs de l’environnement, en 2017 seulement selon un rapport de Global Watch. La situation ne s’améliorera pas si on se fie à la politique de libéralisation des armes à feu de Bolsonaro, qui ne manquera pas de fournir des munitions aux nombreux conflits ruraux entre émissaires de l’agri-business et populations autochtones.

La constitution brésilienne de 1988 rejette la vieille notion que la forêt amazonienne est un obstacle au développement du pays. Cependant, le ministère de l’environnement brésilien vient de voir l’octroi des permis lui échapper, transféré au ministère de l’Agriculture. Il demeure que si le projet doit avoir des impacts environnementaux majeurs, il devra être approuvé par le Congrès National. Ce serait le cas si le barrage devait inonder des territoires autochtones. De plus, les communautés autochtones devraient être consultées en vertu du droit brésilien et international. Le Brésil est en effet signataire du Indigenous and Tribal Peoples Convention (no. 169) de l’Organisation mondiale du travail (cliquez ici).

On s’attend à ce que le mégaprojet soit officiellement annoncé d’ici deux mois par décret présidentiel. Ce qui court-circuiterait toute velléité d’enquête du Congrès. Cependant, le président doit obtenir l’aval du Congrès dans les 90 jours ou le projet sera annulé.

Si ce projet voit le jour, il y a fort à parier que le choc sera brutal pour les communautés autochtones. Les mesures draconiennes de ce type de développement agressif à grande échelle portent atteinte à leurs droits ancestraux. Même si on les juge pauvres et peu développés, on leur impose des solutions agressives propres à des conceptions néolibérales du développement. Au profit de qui ? Aux communautés habitant le territoire ? Pas du tout. Les bénéficiaires drapés de fausses promesses seront les grands propriétaires terrains et les entreprises de transformation des matières premières tirées des terres fertiles. Ils s’acharnent à imposer leurs machines géantes à l’œuvre dans la destruction de l’Amazonie. Les dégâts seront irréversibles pour les habitants de ces régions et pour l’environnement. Les promesses d’emplois et de lutte à la pauvreté ne sont que leurres pour maquiller les objectifs véritables que sont le développement sauvage d’une région riche de ressources naturelles. Et que dire du fait que l’Amazonie s’avère une source de régénérescence de la qualité de l’air.

En coulisse, la bourgeoisie anime son valet de service, Jair Bolsonaro, pour faire avaler des politiques d’agression contre des populations autochtones sans défense et jamais consultées. Les puissants intérêts économiques actifs en Amazonie créent les conditions d’éclosion d’une guerre civile entre des peuples déjà faibles et des détenteurs de capitaux puissants qui ne voient que leurs intérêts à court terme. Plusieurs communautés autochtones ont déjà presque été rayée de la carte par les béliers mécaniques, les grues et les charrues géantes. Quand des gens s’opposent, les milices privées au service des oligarques de l’agriculture n’hésitent pas à réprimer voire à assassiner les dirigeants locaux. En bref, la paix sociale est sérieusement menacée dans cette région trop souvent oubliée dans les grands débats internationaux.