Anaïs Barbeau-Lavallette, APLP 2012. Photo Toma Iczkovit

Anaïs Barbeau-Lavallette, APLP 2012. Photo Toma Iczkovit

L’École de la montagne Rouge reçoit un Prix Hommage et Magnus Isaacson est honoré à titre posthume

Tout juste débarquée de l’avion qui la ramenait d’Allemagne, la réalisatrice que le conseil d’administration avait secrètement choisie deux mois auparavant comme artiste pour la paix de l’année 2012 fut accueillie par une ovation en la Chapelle Historique du Bon-Pasteur.

Le vice-président Pierre Jasmin a souligné la vive sensibilité face au drame palestinien démontrée par son film Inch’Allah. Très préoccupée par les problèmes de paix au Moyen-Orient, Anaïs a effectué six séjours en Palestine, dont des mois d’études à l’université de Bir-Zeit. Son regard terriblement lucide, mais à la fois tendre et équilibré sur le conflit israélo-palestinien dans toute sa dimension humaine, en particulier dans la façon dont il bouleverse le quotidien des femmes, n’a pas seulement séduit les Artistes pour la Paix puisqu’au même moment le prestigieux prix international FIPRESCI lui était décerné, honneur accordé par la Presse Internationale au meilleur film de la section Panorama du Festival de Berlin. Anaïs s’est montrée émue que les APLP aient relevé, tout comme le public berlinois, son souci d’empathie face aux victimes des deux côtés du conflit « dans un film peut-être dur à recevoir, peut-être confrontant, mais qui participe à un dialogue. Ca me fait du bien de recevoir ce merci-là« . On se souviendra qu’Anaïs avait aussi tourné Se souvenir des cendres – regards sur Incendies (de Denis Villeneuve, film basé sur une pièce écrite par l’APLP 2008 Wajdi Mouawad), documentaire qui avait gagné le prix Gémeaux 2011.

En 2010, un premier prix Gémeaux lui avait été accordé pour un autre de ses documentaires, Les petits géants, sur des enfants des quartiers défavorisés qui montent un opéra de Verdi. Ayant porté ce même regard affectueux sur les enfants de bidonvilles sud-américains, la mère de deux jeunes fils a récemment mis en scène des enfants d’Hochelaga-Maisonneuve dans son livre Je voudrais qu’on m’efface et son film le ring (2007), mis en musique par Catherine Major, deux oeuvres-phares sur notre propre Quart-Monde. Yvon Deschamps, qui a longtemps exprimé cette dure réalité par un humour à portée sociale et sa conjointe Judi Richards qui s’est consacrée à d’innombrables oeuvres de charité étaient justement présents pour féliciter la lauréate.

Les APLP ont tenu aussi à rappeler sa campagne de clips « unissons nos voix » avec Émile Proulx-Cloutier pendant la campagne électorale fédérale de 2008, ainsi que sa solidarité exemplaire avec les autochtones du wapikoni mobile de sa mère, Manon Barbeau. C’est pourquoi Chloé Sainte-Marie lui a généreusement offert un chant innu, précédé d’un poème de Patrice Desbiens, fort appréciés par le public chaleureux qui remplissait la salle.

Enfin, c’est une oeuvre représentant des enfants par Geneviève LeBel intitulée On a faim, inspirée par les émeutes de la faim aux Philippines, qui a récompensé Anaïs Barbeau-Lavalette, cette personnalité qui a par son art illustré un enjeu fondamental de paix internationale, sans renier son humanisme ni son attention aux plus humbles: autochtones, enfants défavorisés et chômeurs.

Lien vers la bande annonce du film Inch’Allah

Magnus Isaacson (1948-2012), cinéaste-documentariste engagé (Photo ONF)

Magnus Isaacson (1948-2012), cinéaste-documentariste engagé (Photo ONF)

Un prix hommage posthume au cinéaste-documentariste engagé Magnus Isaacson (1948-2012) a été décerné en présence de sa veuve, madame Jocelyne Clarke, encadrée par Marguerite Bilodeau, une des mémés déchaînées et ex vice-présidente des APLP, et par son collaborateur de tant de documentaires, Martin Duckworth APLP2002. Trois de ses œuvres réalisées au sein de l’Office National du Film, Uranium (1990), dont on a vu un extrait, Tension (1996, sur les Cris face au projet hydroélectrique de la Baie James) et La bataille de Rabaska (2004, sur la contestation contre un port méthanier) exprimaient son ardente indignation face au non-respect de l’écologie par des gouvernements. Magnus terminera sa vie en travaillant sur des sujets de justice sociale : Vue du sommet (2002, regard sur les manifestants contre le Sommet des Amériques), L’Art en action (2009, sur l’ATSA APLP2008), Les mémés déchaînées (2010, sur les militantes pacifistes connues sous le nom de Raging Grannies) et Ma vie réelle (2012, sur cinq jeunes de Montréal-Nord).

Voir le film « URANIUM » par Magnus Isaacson

Le logo de l'École de la montagne rouge

Le logo de l’École de la montagne rouge

Enfin, le président des APLP Daniel-Jean Primeau était fier d’attribuer un prix Hommage à l’École de la Montagne Rouge, ces étudiants en design graphique de l’UQAM qui ont donné au printemps Érable sa spectaculaire signature visuelle. Le collectif a démontré dans une expérience terrain généreuse que l’art attise l’esprit ludique et pacifiste en temps de crise et a ainsi inspiré les autres générations à participer aux changements de société. Quatre d’entre eux étaient présents, tout sourires, avec quelques-unes de leurs pancartes imaginatives et colorées.

Tirant sa source du refus de la marchandisation de l’éducation et de la contestation contre la hausse draconienne des frais de scolarité décrétée par les Libéraux, le mouvement a « fermé boutique » en septembre, non sans avoir participé à soulever plusieurs enjeux de société au profit du bien commun du Québec entier: l’École de la Montagne Rouge a contribué au succès d’événements rassembleurs, tel le Jour de la Terre du 22 avril 2012 animé par Frédéric Back et Dominic Champagne, notre APLP2011, événement où amiante, gaz de schiste et centrale nucléaire furent populairement dénoncés par plus d’un quart de million de manifestants.

Les Artistes pour la Paix (APLP) ont choisi le 14 février, fête de l’amour, pour honorer chaque année depuis 1988 un artiste ou un collectif d’artistes dont l’art et la vie témoignent en faveur de la paix, du respect écologique et de la justice sociale : par exemple, les artistes Dan Bigras, Myra Cree, Josée Lambert, Marquise Lepage, Pascale Montpetit, Wajdi Mouawad et Luc Picard, ainsi que l’ATSA (Annie Roy et Pierre Allard étaient présents à la fete).

Domlebo, maître de cérémonie avec toujours le mot juste et attentionné et la mimique appropriée, a prononcé les derniers remerciements aux trois lauréats, à l’Agence Papineau-Couture, particulièrement Letitia Arriva qui a distribué les communiqués et assuré une liaison avec la presse, à Guy Soucie et à ses collaborateurs de la Chapelle historique du Bon-Pasteur dont Pascal Boudreault à la technique, à Marguerite Bilodeau à la harpe, à Louis-Dominique Lévesque et Les Clowns du Carroussel pour les fleurs; il a souligné le travail dans l’ombre de la cinéaste Manon Cousin et de Diane Croteau, assistée en cuisine et au salon par la dévouée Michèle Soucy, par Alain Lalonde, André Cloutier,  Romain Pollender, Marcel Saint-Pierre et Anithé de Carvalho, sans oublier Claudia Léger qui avait entraîné plus tôt dans l’après-midi plusieurs de ses collègues du conseil d’administration des Artistes pour la Paix dans une danse aux échos de solidarité avec les femmes de l’Inde et du monde entier (One billion rising).

Lien vers le texte de présentation prononcé lors de la remise du prix Hommage à l’École de la Montagne rouge

Photo de groupe APLP 2012 - 14 février 2013

Les personnes ayant contribué aux hommages
ainsi que les récipiendaires.
Rangée arrière:
Jocelyne Clarke (conjointe du regretté Magnus Isaacson), Marguerite Bilodeau (autrefois vice-président des APLP, auteure-compositrice-interprète et « Mémé déchaînée »), Anaïs Barbeau-Lavallette (APLP2012 — accompagnée de son fils Manoé), Pierre Jasmin (pianiste, vp APLP), Martin Duckworth (cinéaste et ami de Magnus), Chloé Ste-Marie (chanteuse et comédienne, APLP 2010), Daniel-Jean Primeau (sculpteur et restaurateur patrimonial, président APLP), Guillaume Lépine (instigateur de l’École de la montagne rouge)
Rangée avant:
Deux membres de l’ÉDLMR: Pierre-Olivier Hivon-Forest et Eliot B. Lafrenière, domlebo (auteur-compositeur-interprète et maître de cérémonie), Justin Lapointe de l’ÉDLMR)