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La visite du pape François porte essentiellement sur les rapports de l’Église catholique avec les nations autochtones canadiennes, mais son passage au Québec ouvre la porte au rappel de la signification du 28 juillet, jour du droit universel à l’eau, enjeu fondamental longuement développé dans son Encyclique Laudate Si. Son constat lapidaire mérite une attention particulière : « Tandis que la qualité de l’eau disponible se détériore constamment, il y a une tendance croissante, à certains endroits, à privatiser cette ressource limitée, transformée en marchandise sujette aux lois du marché. En réalité, l’accès à l’eau potable et sûre est un droit humain primordial, fondamental et universel, parce qu’il détermine la survie des personnes, et par conséquent il est une condition pour l’exercice des autres droits humains. Ce monde a une grave dette sociale envers les pauvres qui n’ont pas accès à l’eau potable, parce que c’est leur nier le droit à la vie, enraciné dans leur dignité inaliénable. Cette dette se règle en partie par des apports économiques conséquents pour fournir l’eau potable et l’hygiène aux plus pauvres. » la position du pape François dans Laudate Si s’avère tout aussi significative et importante que « le manifeste de l’eau » sous la signature de Ricardo Petrella en 1997 pour l’Agora des habitants de la terre.

Pourquoi le 28 juillet ? Le 28 juillet 2010, le gouvernement du Venezuela a présenté une résolution appuyée par 121 États, la très grande majorité de pays du Sud, pour qu’une journée soit consacrée au rappel de la reconnaissance formelle du droit universel à l’eau. Cette résolution n’a pas été un coup d’épée dans l’eau. Au contraire, elle a fait des vagues. Malheureusement, les pays développés, les États-Unis en tête, suivis par 11 pays de l’Union européenne, ont exprimé leur opposition; par la suite, ces pays dominants ont adopté la stratégie du silence et de l’oubli ou ont tenté par tous les moyens d’empêcher la reconnaissance de ce droit de prendre racine. Ils ont plutôt récupéré le sens de cette résolution en mettant de l’avant l’accès à l’eau sur une base équitable à prix abordable. En d’autres termes, ils pourraient parler d’une position claire pour la marchandisation de l’eau. Le droit universel à l’eau ne se dévleoppe donc pas sur une mer étale.

Les pays du Sud n’ont pas cessé de réclamer cette reconnaissance. C’est en Argentine, pays d’origine du pape François, que la relance du 28 juillet a repris le bâton de pèlerin, lorsqu’à la demande de l’Agora des habitants de la terre, le conseil municipal de Rosario (deuxième plus grande ville de l’Argentine) a adopté une résolution le 23 juin 2022, réinvitant les villes du monde à souligner le 28 juillet comme jour du droit universel à l’eau. Le mouvement suit le courant comme un fleuve tranquille, mais non moins vivant dans plusieurs régions du monde, dont le Québec.

Laudate Si, le pape dénonce les abus de la consommation de l’eau et toutes les interventions humaines dans les industries, l’agriculture, la pêche, la surconsommation et tous les effets délétères et funestes de la marchandisation de l’eau. L’Encyclique explique en long et en large les effets dramatiques de la privatisation et de la pollution de l’eau, en particulier dans les pays du Sud. Pendant ce temps, dans les pays dits développés, la négation des problèmes et l’ignorance contribuent encore à laisser libre cours à une consommation débridée comme si toutes les cascades de catastrophes ne suffisaient pas à forcer un changement de cap. Pourtant, rappelle le pape François : « il est prévisible que le contrôle de l’eau par de grandes entreprises mondiales deviendra l’une des principales sources de conflits de ce siècle. (…) Nous avons besoin de renforcer la conscience que nous sommes une seule famille humaine. Il n’y a pas de frontières ni de barrières politiques ou sociales qui nous permettent de nous isoler, et pour cela même il n’y a pas non plus de place pour la globalisation de l’indifférence. »

La reconnaissance du droit universel à l’accès à l’eau devient le socle d’un développement durable pacifique. La parole du pape François est remplie de sagesse en soulignant l’urgence de reconnaître et d’appliquer le droit universel à l’eau.