La poésie de M. C. Blais portée par Lambert

Par Pierre Jasmin, artiste pour la paix 21 avril 2024

Un cœur habité de mille voix

Une équipe solidaire d’actrices – Jean Marchand ne m’en voudra pas de ce féminin incluant son rôle de pianiste trans vieillissant, au côté des remarquables Élisabeth Chouvalidzé, Nadine Jean, Louise Laprade, Sylvie Léonard, Christiane Pasquier… – s’est mise au service du dernier chef d’œuvre de l’artiste pour la paix Marie-Claire Blais[i] (1ère photo): chacun de ses mots porteurs d’un lourd passé de militance ardue pro-femmes, pro-gaie et pro-trans[ii] raconte une lutte qui ne saura triompher que « lorsqu’ils chanteraient de leurs voix unies, ô que ma joie demeure » – mots tirés de son cycle Soifs (Boréal, de 1995 à 2022).

Cette citation est mise en exergue dans Que ma joie demeure[iii] par Kevin Lambert (2ème photo), à trente-et-un-ans prix Décembre et surtout prix Médicis 2023 (Marie-Claire l’avait été à 27 ans pour Une saison dans la vie d’Emmanuelle et Dany Laferrière en 2009 pour sa dernière œuvre si bien travaillée, L’énigme du retour). Son sujet en est l’architecture, un art riche que son héroïne aurait voulu au service de tous, illusoirement même des pauvres.  Le chef du Bloc québécoisYves-François Blanchet, avait salué le romancier : « Avec Kevin Lambert, nous assistons à l’émergence fulgurante d’une carrière qui promet de marquer la littérature québécoise et de langue française comme peu de Québécois l’ont fait, et avec le courage de soulever des réflexions nécessaires. Bravo ! » Ces réflexions quoique nécessaires ne sont pas toujours bienvenues, comme le Premier ministre Legault l’avait appris à ses dépens en résumant l’intrigue de ce roman qu’il avait beaucoup aimé par ses mots sur les réseaux sociaux : « des groupes de pression et de journalistes cherchent des boucs émissaires à la crise du logement à Montréal ». L’auteur avait qualifié de « minable » l’attitude irresponsable du premier ministre, justement « en pleine crise du logement » négligée. Touché!

Plus discrète que sa consoeur Lorraine Pintal du TNM, Ginette Noiseux (3e photo) distinguée par notre prix Artiste pour la Paix de l’Année1997 (voir notre site) tire sa révérence après plus de trente-cinq années inspirées de sa direction à l’Espace GO, théâtre féministe construit par un C.A. opiniâtre, en nous présentant sa toute dernière production artistique, un chef d’œuvre de collaborations inespérées, quoiqu’ardemment souhaitées.

Les projections lumineuses de neiges et de close up shots intimistes dans la mise en scène flamboyante de Stéphanie Jasmin – Denis Marleau (UBU) illuminent aussi un art de l’espace :  l’architecture à la fois science et art que Paul Valéry décrit dans Eupalinos «La Musique et l’Architecture …sont au milieu de ce monde, comme des monuments d’un autre monde; ou bien comme les exemples, çà et là disséminés, d’une structure et d’une durée qui ne sont pas celles des êtres mais des formes et des lois.» La décision de conclure par le prélude en ut mineur BWV847 de Bach s’imposait alors, face au Pergolèse humaniste utilisé au début de la pièce, comme exemple immémorial d’architecture sonore déterminée (merci à Oliver Esmonde-White pour le piano à queue). Publié en France par les éditions Le nouvel Attila, un an après l’édition québécoise Héliotrope, Que ma joie demeure a remporté le Médicis par 6 voix contre 4 à la Marocaine Salma El Moumni, pour Adieu Tanger portant sur le regard destructeur masculin, et aurait aussi mérité le prix APLP 2023, accordé par le C.A. du 2 novembre 2023 à l’unanimité aux Cowboys Fringants.

Nos fragiles solidarités à l’ombre américaine militariste

En ce 20 avril 2024 où je suis allé féliciter Kevin Lambert présent à l’Espace GO, reste encore favori le raciste, colonialiste et anti-femmes Donald MAGA Trump, caricaturé dans les dernières images projetées de la pièce, dans la course à la présidence américaine huit ans après sa victoire de 2016; l’Amérique militariste destructrice hélas célébrée par nos médias inconscients voit Joe Biden arracher au Congrès $51 milliards en armes produites par les usines des États-Unis, destructrices pour le malheureux peuple ukrainien trahi par l’OTAN et par Zelensky[iv] ; réflexe cowboy américain, mais quand le Canada apprendra-t-il qu’envoyer des armes n’est JAMAIS une aide ?! Heureusement, $10 milliards seraient accordés – on verra le jour du vote du Sénat – à de l’assistance économique aux secteurs ukrainiens de l’énergie et des infrastructures, envoyés sous la forme d’un prêt, selon les vœux de Trump, qui estime que les États-Unis devraient «arrêter de donner de l’argent sans espérer être remboursés».

Quant à l’appellation Génocide Joe, même trente-trois voix démocrates du congrès dont Rashida Tlaib la revendiquent désormais, contre les $26 milliards d’aide militaire votée à Israël, en guerre non seulement avec le Hamas, mais encore avec la Palestine de la Cisjordanie et avec les Liban, Irak, Iran et Syrie bombardés en avril par Nétanyahou : propager la guerre semble à ce terroriste le seul salut de se garder au pouvoir, préservé aussi par le bouclier antimissile renforcé par les États-Unis, le «Dôme de fer» aux qualités défensives.

Les $9 milliards votés pour « répondre au besoin urgent d’aide humanitaire à Gaza et à d’autres populations vulnérables dans le monde » interdisent toutefois le financement à l’agence de l’ONU pour les réfugiés palestiniens, l’UNRWA, discréditée par les médias américains à la solde des Israéliens conspirationnistes anti-ONU[v].

Enfin, plusieurs milliards de $ qui ont eux de bonnes chances de rester inoffensifs sont alloués à Taïwan, pour éviter à la province chinoise de tomber entre les mains « des communistes (sic) ». Tout cela contribuera à augmenter encore les $2443 milliards annuels mondiaux répertoriés par le Stockholm International Peace Research Institute pour 2023.

Une scène avec Jean Marchand, Nadine Jean magnifiée et Christiane Pasquier

[i]  https://lautjournal.info/20211203/marie-claire-blais-la-rebelle-de-la-paix

 

[ii] http://www.artistespourlapaix.org/apprecions-le-mouvement-woke/ et

http://www.artistespourlapaix.org/o-margaret-sur-lair-do-canada/

 

[iii] Sans doute lui a nui dans les délibérations du prix Goncourt sa reprise du titre du roman de Jean Giono, un de nos auteurs fétiches aux APLP – Frédéric Back – L’homme qui plantait des arbres.

 

[iv] https://www.artistespourlapaix.org/ukraine-deja-dix-ans-de-guerres-pas-deux/  Publié par le magazine prestigieux PLANÈTE-PAIX du mois d’avril.

 

[v] https://www.artistespourlapaix.org/a-gaza-lunrwa-est-un-temoin-genant/