En regardant la beauté de cette vidéo promotionnelle gouvernementale qui a convaincu l’UNESCO aujourd’hui le 19 septembre 2023 d’inscrire Anticosti au Patrimoine mondial, les Artistes pour la Paix ne peuvent s’empêcher de regarder en arrière pour principalement saluer les efforts gigantesques de notre AplP de l’année 2011, Dominic Champagne que nous avions appuyé en 2013 contre un gouvernement pourtant censé nous représenter.

Dominic avait produit à ses frais un film magnifique pour contrer l’ambition pétrolière du gouvernement Marois qui s’était débarrassé de son ministre de l’Environnement Daniel Breton (qui pourtant ne faisait qu’insister sur une meilleure représentation écologique au BAPE) et avait neutralisé sa ministre des Ressources Naturelles Martine Ouellet en acceptant son document avant-gardiste sur les restrictions sur les mines, en lui imposant son mutisme sur l’exploration pétrolière sur Anticosti (les APLP avaient hurlé !). Voici ce que nous avions écrit en 2013 (fin actualisée).

Anticosti : La chasse au pétrole extrême Un film à voir !

Dominic Champagne, artiste pour la paix 2011 récompensé pour ses mises en scène et sa lutte au gaz de schiste, vient de réussir en collaboration avec Pierre-Étienne Lessard un vibrant documentaire, en réunissant en un fil fragile et émouvant son fils Jules et son propre défunt père Roland : ce dernier avait joué un rôle, en tant que sous-ministre du Tourisme, dans la transmission au peuple québécois de l’île d’Anticosti, désormais gérée par la SEPAQ (Société des établissements de plein air du Québec). Dans le passé, elle avait tour à tour été possession du chocolatier français Menier (d’où le nom de son seul port, Port-Menier) et de la papetière Consolidated Bathurst, filiale de Power Corporation.

Même présenté par Télé-Québec mardi le 20 mai 2013 à 21 heures, ce film mérite d’être vu au cinéma sur grand écran, pour rendre justice aux merveilleux paysages de mers, de rivières au saumon, de chutes d’eau et de couchers de soleil et à l’insolite spectacle de ces chevreuils foisonnants, faute de prédateurs autres que les occasionnels chasseurs.

Ce cinéma-vérité prolonge les films de Pierre Perreault, en donnant la vedette principale aux habitants de l’île, inquiets des projets d’exploration du pétrole de schiste qui pourrait polluer leurs cours d’eau si purs et bousculer leur mode de vie quasi-artisanal. Mais certains d’entre eux sont, au-delà de l’inquiétude, alléchés par le mirage de revenus que la première ministre Marois avait faits miroiter en naïf et imprudent argument électoral.

Dans un article de VOIR cueillant ses premières impressions, la chroniqueuse Nathalie Petrowski avait d’abord semblé sensible aux arguments faciles de développement économique, exposés par un maire affublé d’une veste marquée du logo Petrolia, alignant des arguments auxquels visiblement il croyait, sans doute davantage par le fait que d’autres projets antérieurs avaient échoué à amener la prospérité à ses commettants. Nathalie de réagir : « Ça n’appartient pas juste aux gens de l’île, mais en même temps, comment veux-tu qu’on débatte de ça Dominic? Personne n’est jamais allé. Ça coûte bien trop cher pour y aller, on a l’impression que c’est une affaire bin bin loin, tout ça… ».

Dominic Champagne débattait avec son idéalisme militant, mais aussi avec son éminent sens démocratique hérité de René Lévesque, à l’écoute de tous et chacun, même des trois grands partis québécois qui ont amassé 90% des voix aux dernières élections (seuls Québec Solidaire et le Parti Vert s’opposaient à juste titre à l’exploration pétrolière et méritent d’être nommés comme précurseurs de la nomination à l’UNESCO !).

En 1967, Pierre Jasmin et une vingtaine de scouts dont il avait la responsabilité étaient embarqués sur une goélette qui les avait amenés à l’île en nous déposant au plus proche, c’est à dire environ un demi-kilomètre du rivage, nous laissant parcourir cette distance à pied dans la vase. Cette image – plus qu’une image, ce pénible effort boueux d’accostage – m’est toujours restée en tête, puisqu’elle donne son sens même au nom Anticosti. Notre expérience dément le propos de Nathalie qui évoque les coûts prohibitifs de l’île, puisque nous avions fait du pouce de Montréal jusqu’à Sept-Îles et marché de Rivière-au-Tonnerre à Havre Saint-Pierre en arpentant la Côte-Nord et en traversant des cours d’eau (de nos jours, il y a des ponts) en demandant gentiment leur aide aux habitants et aux Innus rencontrés en chemin.

L’image de mes vingt scouts pataugeant nous alerte aussi à la difficulté d’accoster et surtout aux infinies possibilités de s’échouer que des pétroliers connaîtraient, advenant le fait que les milliers de petits puits donneraient un résultat exploitable du produit visqueux et noir dont les camions et VUS sont accrocs.

Dominic a aussi eu la présence d’esprit d’envoyer son fils Jules (aucune critique n’en parle…) filmer au Dakota du Nord les paysages dévastés par ces innombrables puits de pétrole de schiste, sans manquer d’insérer de dramatiques et pertinentes images de Fort McMurray et de la dévastation du pétrole des sables bitumineux et de la catastrophe du Lac Mégantic, justement due à l’explosion du pétrole de schiste du Dakota transitant au Québec vers le Nouveau-Brunswick avec les trous législatifs ferroviaires alloués par le ministre libéral des Transports retraité Marc Garneau.

Aujourd’hui les coûts triplés du pipeline TransMountain condamnent le Canada à une perte considérable et à l’échec d’atteindre les cibles pourtant modérées du GIEC, alors que le ministre Steven Guilbeault impose sa présence frauduleuse à l’ONU présentement.

Rivière Jupiter, Jules et Dominic Champagne (photo Pierre-Étienne Lessard)