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Justin Trudeau en chef de guerre ? Photo : Adrian Wyld/PC

Chaque jour, au nom de la dissuasion, les médias nous rappellent l’existence de la poudrière de l’horreur qui menace l’humanité. Les gros mots font trembler le monde: nucléaire, armes chimiques, missiles supersoniques. Dans ces formules convenues, on menace. On répond à l’ennemi avec arrogance et grandiloquence avec des pauses théâtrales susceptibles de gagner les auditoires avec des émotions fortes. On maintient l’escalade de la terreur. En effet, la supposée dissuasion doit atteindre son objectif en faisant valoir la supériorité tout en tentant de dévoiler la vulnérabilité de chacun des opposants. Ces discours ronflants cachent mal qu’à la veille d’un affrontement, les camps ennemis devraient comprendre qu’ils ont tout à perdre et que leurs peuples vont souffrir et mourir.

« Pour prévenir et désamorcer les conflits, l’art de gouverner ne suffira pas. Il nous faut apprendre l’art de désarmer, » rappelle le philosophe André Baril dans Le Devoir du 26 mars en se référant à la pensée d’un autre philosophe, André Glucksmann.

En observant les visites du président Joe Biden et du premier ministre Justin Trudeau dans les pays limitrophes de la Russie et en scrutant leur discours, on est loin de l’art de désarmer. Le président américain a rappelé à ses soldats qu’ils sont les grands défenseurs de la démocratie contre la tyrannie et que les États-Unis sont toujours prêts à réagir à un nouveau type d’attaque. De son côté, le premier ministre du Canada a insisté sur la force et l’unité de l’OTAN. Ces deux acteurs viennent de faire une parade de paons pour se présenter comme porteurs de la sécurité des peuples. Jamais, ils n’ont exprimé une lueur d’ouverture sur l’art de désarmer et de chercher la paix, bien au contraire. Leur démonstration de force consiste à pousser toujours plus loin la présence militaire et l’utilisation marquée d’armes de plus en plus destructrices. « Les mots, écrivait Marguerite Yourcenar dans L’Œuvre au noir, ne correspondaient pas aux choses; ils traduisent seulement l’opinion que le troupeau se fait des choses. » Les stratèges de notre gouvernement et des autres membres de l’OTAN savent très bien que l’opinion publique voit surtout la mise au pas du président Poutine par les armes voire par son renversement ou son élimination, ce que le président Biden a laissé entendre.

Il est plus que temps d’entrer dans une nouvelle dynamique des discours. La paix commande de mettre de côté la provocation et la menace. Pendant que les destructions se poursuivent, que des gens meurent, que les gens fuient l’Ukraine, des questions primordiales restent en suspens : comment arrêter cette guerre fratricide insensée ? Comment amener le Kremlin à la raison ? Faut-il permettre à tous les belligérants de s’enfoncer dans la dynamique de l’horreur en augmentant constamment la force de frappe ? Devant l’impasse, l’ouverture à de vraies / à d’authentiques négociations s’impose rapidement.

De fait, l’OTAN et ses membres se retrouvent dans une guerre non formellement déclarée avec la Russie, mais dans les faits, ils le sont. Si les États-Unis en tête et ses alliés adoptaient une position digne / réfléchie / intelligente et un ton plus pacifique que belliqueux, demandaient une trêve et un cessez-le-feu et forçaient des rencontres avec les dirigeants de la Russie et de l’Ukraine, ils pourraient faire progresser le débat et des négociations éventuelles.

Est-il encore permis de penser à un arrêt imminent de la destruction de l’Ukraine ? La folie des attaques contre le peuple a assez duré. Le sentiment d’impuissance crée les conditions favorables pour faire accepter à tout vent l’idée que seulement la voix des armes et les menaces de destructions chimiques ou nucléaires toujours aussi monstrueuses qu’indéterminées, indescriptibles et indéfinies. Mais des inspirations contraires s’imposent. Il est possible d’amorcer une réflexion, contribuer à modifier le sens des discours officiels et chercher des pistes prometteuses pour mettre fin au conflit rapidement et jeter les bases d’une nouvelle ère de paix.

Les enjeux d’une négociation éventuelle sont connus : en priorité, la protection des personnes certes, mais plusieurs enjeux délétères méritent considération d’une manière urgente (la non-utilisation des armes chimiques et nucléaires, les problèmes spécifiques à l’Est de l’Ukraine, l’intégration du régiment azov d’inspiration nazi à l’armée régulière de l’Ukraine, la présence militaire de l’OTAN sur le territoire ukrainien, l’intégration éventuelle de l’Ukraine à l’OTAN) et j’en passe.

Un changement de cap ne se fait pas de gaieté de cœur, car il exige le courage de la vérité et plus de détermination dans la recherche de la paix que dans l’action guerrière.

Il est urgent d’agir, pas de palabrer sur les scènes du monde. Place à l’audace !