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En faveur d’un allègement des sanctions américaines.

Le Très honorable Justin Trudeau
Premier ministre du Canada
80, rue Wellington
Ottawa, ON K1A 0A2

Le 6 avril 2020

Cher Premier ministre,

Nous vous écrivons aujourd’hui pour vous implorer d’appuyer de la voix diplomatique du Canada l’appel du Secrétaire général de l’ONU pour le recul des régimes de sanctions qui augmentent les risques pour la santé de millions de personnes et affaiblissent les efforts planétaires de maîtrise du nouveau coronavirus. Notre requête s’inscrit dans le contexte plus large de l’appel des Nations Unies pour une réaction multilatérale globale et coordonnée, visant au moins 10% du PIB mondial affectés par la pandémie.

Bien que certaines sanctions, comme celles visant la Corée du Nord, requièrent l’implication du Conseil de Sécurité de l’ONU, d’autres – telles que celles unilatérales des É-U envers l’Iran et le Venezuela – peuvent être immédiatement suspendues par les États-Unis. On se souviendra que le Président George W. Bush allégea les sanctions contre l’Iran en 2004 à la suite d’un terrible tremblement de terre, et que le Président Obama les leva pendant plusieurs mois, après un autre séisme en 2012. Mais le Président Trump a honteusement fait le contraire, en imposant un nouvel ensemble de sanctions à la mi-mars.

Les mots du Secrétaire général dans sa lettre du 23 mars aux pays membres du G-20 parlent d’eux-mêmes :

« J’encourage la levée des sanctions imposées aux pays pour assurer l’accès à      la nourriture, aux fournitures de santé et à l’aide médicale pour le COVID-19.  Le temps est à la solidarité, non à l’exclusion… Souvenons-nous que nous sommes aussi forts que le plus faible des systèmes de santé de notre monde  interconnecté. »

Comme vous le savez, en vertu du droit international, l’aide humanitaire ne peut pas faire l’objet de sanctions. Bien que ce soit techniquement exact pour l’Iran, ce n’est pas le cas dans la réalité. Un rapport exhaustif de Human Rights Watch révèle que ces exemptions n’ont pas diminué les réticences des entreprises européennes et américaines à risquer des pénalités pour avoir exporté ou financé des denrées humanitaires.

Dans le cas du Venezuela, les États-Unis n’ont même pas envisagé d’exclure la nourriture et les médicaments vitaux, ce qui a résulté dans une pénurie continuelle de médicaments et d’équipement, depuis des années. Cette catastrophe a fait l’objet de plusieurs déclarations de la part du Haut-commissariat pour les Droits de la personne de l’ONU.

L’Organisation mondiale de la santé apporte son aide directe à l’Iran et au Venezuela. Plus récemment, la France, l’Allemagne et le Royaume-Uni ont débuté l’exportation de fournitures médicales vers l’Iran en utilisant le nouveau «mécanisme d’échange Instex [1] » pour soustraire leurs entreprises aux représailles des « sanctions secondaires » américaines. Par ailleurs, l’Union européenne appuie les demandes de l’Iran et du Venezuela d’une aide d’urgence de la part du Fonds monétaire international, lequel est dominé par les États-Unis.

L’Iran est aux prises avec l’une des pires éclosions du nouveau coronavirus au monde. Ces dernières semaines, le Royaume-Uni a tenté de convaincre par voie diplomatique le président Trump d’alléger les sanctions qui grèvent l’envoi de denrées médicales et humanitaires aux 80 millions d’iraniens. Le Canada serait encore en meilleure position pour entamer des discussions fructueuses afin d’alléger les sanctions pour des raisons humanitaires, par ses négociations constantes avec les États-Unis dans la gestion de la pandémie vu notre frontière commune.

L’inexorable expansion de la COVID-19 a déjà altéré l’approche du Président américain face à la pandémie. Le Canada devrait, calmement mais fermement, faire valoir que d’empêcher des pays comme l’Iran et le Venezuela de combattre efficacement le virus revient à miner l’effort mondial pour le vaincre et en fin de compte, ne fera que mettre en danger les moyens d’existence et les vies américaines.

Nous demandons au gouvernement du Canada d’agir au nom de notre sentiment commun d’humanité. Nous nous trouvons en position privilégiée pour créer une différence. Agissons en conséquence.

Sincèrement,

Roy Culpeper
Président du Groupe des 78

Peggy Mason
Présidente de l’Institut Rideau

CC : François-Philippe Champagne
Chrystia Freeland
Andrew Scheer
Yves-François Blanchet
Jagmeet Singh
Elizabeth May

Traduction Christian P. Morin des Artistes pour la Paix


[1] Instrument in Support of Trade Exchanges