Pour faire suite à l’article Venezuela : un autre son de cloche, les APLP présentent ce survol analytique de la situation au Venezuela, sous la plume d’André Jacob, dans ce dossier où la désinformation se fait de plus en plus présente.

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Chavez en pleine campagne pour des changements constitutionnels en 2007. Photo BBC

Le projet de Constituante lancée par le gouvernement vénézuélien arrive à une période de crise, moment-charnière pour l’avenir de ce pays. Le climat social s’est détérioré au cours des derniers mois et la violence commence à ressembler à une guerre civile. Cette proposition correspond à une stratégie pour rétablir la paix sociale et politique.

Au cours des dernières années, la chute des prix du pétrole a accéléré la mise en place de toutes sortes de dérives. Pendant des années, les pétrodollars tombaient dans les coffres de l’État et permettait des réalisations sociales significatives, notamment pour enrayer la pauvreté. Cependant, la diversification de l’économie a fait défaut. L’État ayant un fort contrôle sur l’exploitation pétrolière à l’époque de Chavez, de généreuses mesures sociales ont été adoptées tant au plan de l’éducation, de la santé, des services sociaux, du logement, des arts, etc.

Au cours de la dernière année, le gouvernement a commis des erreurs, notamment en matière de politique monétaire. Il alimente comme l’opposition un discours axé sur la polarisation. Plusieurs de ses partisans au sommet et dans les cadres moyens profitent du chaos sur le plan personnel (corruption, détournement); de tels problèmes internes prêtent flanc à la critique. Évidemment, la droite, qui n’a jamais accepté sa défaite lors des élections, a depuis usé de tous les moyens pour faire échouer les réformes, abattre le gouvernement. Désespérant de reconquérir le pouvoir par la voie électorale, elle a développé des tactiques qui relèvent de la déstabilisation, du putsch, de l’ingérence étrangère, faisant le jeu des États-Unis. Elle n’a rien à offrir au peuple en matière de politiques sinon la même recette de mesures néolibérales qui furent catastrophiques avant 1998.

En d’autres termes, depuis que le robinet pétrolier s’est tari, une nouvelle conjoncture a permis une résurgence des forces de la droite désireuse de se venger du fait que l’État leur avait tiré le tapis sous les pieds en nationalisant les secteurs névralgiques de l’économie. On connaît la suite, car le scénario a déjà été écrit et les mises en scène se sont déjà répétées à plusieurs reprises en Amérique latine en vue de saboter les acquis démocratiques, notamment au Chili lors du coup d’État de 1973 pour justifier un coup d’État contre le gouvernement de Salvador Allende, élu démocratiquement. Dans les années passées, on a vu ce scénario se rejouer au Guatemala, au Honduras, au Paraguay, en Argentine, au Brésil et ailleurs, en plus des tentatives qui ont échoué en Bolivie et en Équateur. En un mot, un peu partout sur ce continent.

Quelles sont les principales scènes de ce scénario ? Premièrement, il s’agit de générer le chaos en mettant à profit la rareté de biens de consommation. Comment ? Par exemple : l’embargo pérenne des États-Unis à l’égard de Cuba afin de priver le peuple et l’inciter à se révolter contre le gouvernement. Autre exemple plus semblable à la situation vénézuélienne, le coup d’État au Chili de septembre 1973. Pays sans train, la droite avait beau jeu pour organiser une grève des grandes entreprises de transport par camions pour paralyser la distribution des produits vers les marchés et vers les ports, généraliser la grogne populaire avec une propagande bien orchestrée et préparer le terrain pour un coup d’État par les forces armées. En parallèle, la droite fomente des coups violents (attentats, bombes, etc.), fait de l’agitation en utilisant le mécontentement des politiques et alimente l’insécurité. La peur étant partout et toujours génératrice de replis sur soi, de doutes et de désirs de changement vers ce qui peut sembler garantir la sécurité.

Qui sont les acteurs ? À l’aile droite, les régisseurs en coulisse, les agents de la CIA aux goussets bien garnis et des factions des forces armées nationales; sur la scène, les oligarques, les grands propriétaires terriens et leurs réseaux. À l’aile gauche, le gouvernement de Maduro, héritier du pouvoir de Chávez, les syndicats ouvriers et agricoles, la plupart des organisations des Premières Nations, les associations populaires et autres.

Depuis des mois, la crise sociale et politique semble bloquée. La droite maintient la pression et ne se gêne pas pour provoquer le chaos. L’économie a été la première cible. L’opposition et ses agents provoquent des pénuries des biens de première nécessité en réduisant la production, en stockant les articles, en les exportant vers la Colombie. Ils spéculent sur la monnaie en vue de faire baisser la valeur du bolivar : les entreprises reçoivent de l’État des dollars à un taux préférentiel afin d’importer des articles et des fournitures et les utilisent plutôt pour les revendre sur le marché noir réalisant des profits colossaux. L’Assemblée législative, contrôlée par l’opposition depuis décembre 2015, refuse toute collaboration avec l’exécutif, multipliant les démarches pour démettre le président Nicolás Maduro. Elle veut rendre le pays ingouvernable. Son objectif est d’imposer une issue électorale comme seule solution à la crise, grâce à l’appui international, et sans égard au calendrier prévu par la Constitution de 1999. L’opposition se place au-dessus des lois. Les manifestations qu’elle a déclenchées depuis avril 2017 visent à défier le gouvernement, à provoquer des débordements violents qu’elle orchestre, afin de faire croire que le Venezuela vit une crise humanitaire et ainsi justifier une intervention étrangère. À cette fin, elle diffuse un récit qui impute au gouvernement la responsabilité des violences qui jusqu’à présent ont fait plus de 60 morts, des centaines de blessés et des millions de dollars en dommages. La réalité est tout autre : ce sont les commandos qu’elle recrute qui sèment la mort, la destruction, la terreur.

Devant cet état de fait, le gouvernement propose une vaste démarche de réflexion collective en vue d’une réforme constitutionnelle plus conforme aux visées progressistes qu’il met de l’avant en vue de maintenir les acquis sociaux et l’ordre constitutionnel et solidifier une démocratie qui chambranle (modes de scrutin, etc.) afin qu’elle soit au service du peuple et non d’une riche minorité. La principale manière d’y arriver, estime le gouvernement, est d’instaurer une vaste dynamique de consultation populaire qualifiée de constituante.

Cette démarche sera sous la responsabilité de 545 membres d’une vaste organisation appelée l’Assemblée nationale de la constituante  (ANC). Trois cent soixante-quatre membres seront élus par une élection directe dans chaque circonscription électorale, 181 par secteurs (associations des Premières Nations, associations étudiantes, associations de pêcheurs et de paysans, associations patronales, associations d’aînés, associations ouvrières) et 24 représentants –es de conseils communaux. [1] Pour se soumettre au vote, les candidats et candidates devront recueillir 3 % de signatures selon le nombre d’électeurs et d’électrices par circonscription.

En résumé, il s’agit d’amorcer une démarche de réflexion collective par un dialogue national en profondeur en vue d’une nouvelle constitution et l’instauration de la paix. Il importe de créer un nouveau cadre juridique pour développer une économie autre que pétrolière et maintenir les acquis sociaux.

Réflexion générale

L’opposition n’y voit qu’une manœuvre de Maduro pour gagner du temps et fermer la porte à des élections générales dès 2017. Le gouvernement propose une sortie de crise en instituant un débat au-delà des partis et en dehors de la rue. Il s’agit de briser l’impasse actuelle (découlant de la détermination de l’opposition extrémiste à renverser le gouvernement sans égard à la légalité et aux institutions en créant le chaos et en escomptant l’intervention étrangère), diviser l’opposition (détacher et rallier les modérés), mobiliser la base populaire qui a bénéficié des programmes sociaux, inscrire ceux-ci dans la constitution (afin de rendre plus difficile leur démantèlement par une opposition revancharde) et conférer des pouvoirs aux conseils communaux, une instance très démocratique apparue depuis la constitution de 1999.


[1] Angel Guerra Cabrera (Agencia latinoamericana de información – Agence latinoaméricaine d’information) ALAI – 25.05.2017

Venezuela : les fausses nouvelles des agences de presse

2017/05/29 | Par Météo Politique

 

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