Il n’y a pas très souvent matière à fêter quand on est pacifiste: l’invitation à regarder en gang le film de notre présidente qui vient de gagner le 2 novembre le prix du film le plus drôle du Vevey Funny Film Festival (en Suisse) était un excellent prétexte. Les Artistes pour la Paix fêtaient un mois sans les politiques conservatrices militaristes, créationnistes et anti-écologiques du gouvernement Harper. Nous fêtions l’arrivée d’un jeune conseil de ministres diplômés à parité de femmes, éclairé par des objectifs scientifiques et artistiques, par un désir de justice envers les autochtones et par une compassion agissante et empressée envers 25 000 réfugiés syriens. Le cœur n’était évidemment pas tout à la fête, car ce vendredi marquait aussi d’autres attentats islamistes à Bamako, une semaine après ceux de Paris. L’Aut’Journal, indépendantiste pur et dur, a pourtant gentiment annoncé notre soirée: voir sur http://lautjournal.info/20151120/feter-un-mois-sans-harper-mais

Guylaine Maroist et son conjoint Éric Ruel, tous deux adeptes des arts martiaux, ont eu le flair incroyable de filmer en 2012 le combat de boxe de Justin Trudeau avec le sénateur conservateur Brazeau et d’en faire bien davantage qu’une dénonciation de la politique-spectacle[i]. Car on y découvre Trudeau, alors simple député de Papineau, conscient de planter par ce combat, livré pour la cause de la lutte au cancer, « un symbole non négligeable », et pour lui-même et pour les autres, ces autres qui le sous-estiment, comme il le dit lui-même, à « cinq contre un » et qui annoncent que le combat qui durera quatre secondes sera celui de « Bambi contre Godzilla »![ii] L’étonnante résilience du jeune homme de bonne famille, né au 24 Sussex Drive pour y retourner maintenant, celui que d’aucuns jugeaient comme un «poids plume» de la politique, a également, en étant sous-estimé, surpris tous ses adversaires néodémocrates, bloquistes et conservateurs: d’abord par sa rapide ascension au parti libéral, puis par une campagne électorale qu’il a marquée de son empreinte déterminée et efficace, jusqu’à la victoire majoritaire de son parti et enfin par sa première décision une fois arrivé au pouvoir, celle d’annoncer l’arrêt éventuel des bombardements en Irak et en Syrie (war is over if you want it ! disait John Lennon).

Depuis l’épouvantable massacre à Paris la semaine dernière, l’immense majorité de nos journalistes et éditorialistes, tant dans la presse écrite que dans les médias électroniques, ridiculise cette décision du premier ministre, même à Radio-Canada : leur délire militariste unanime à pensée magique clame que la victoire du bien contre le mal ne serait obtenue que par des bombardements aériens en Syrie sur la ville de Raqqa. Voyons donc! Si ça marchait, on l’aurait su en Afghanistan, en Somalie, en Irak, en Libye et au Yémen! Or, nos caricaturistes et éditorialistes crient ensemble haro sur la promesse taxée d’angélisme de Trudeau de rapatrier les CF-18 et convainquent, selon un sondage du 18 novembre, 64% des Canadiens, puisque nos médias censurent toutes les explications pacifistes. On appuie plutôt ce pauvre-riche Hollande qui envoie un porte-avions et entretemps bombarde Raqqa du haut des airs, avec pour résultats la destruction de maisons, le gonflement de l’exode de réfugiés et l’enrôlement chez DAESH de nouvelles recrues qui ont vu mourir leurs proches sous les bombes occidentales.

Manipulation des médias par les compagnies militaires

L’opinion agressive canadienne et occidentale est manipulée, selon les Artistes pour la Paix, par l’influence exercée sur les médias par les compagnies d’armements. Elles sont richissimes et puissantes, possèdent les médias et fabriquent missiles, bombes nucléaires, F-35, porte-avions, hélicoptères d’attaque, bombes à sous-munitions, mines anti-personnel, etc. hélas infiniment lucratifs. Les centaines de milliards de $ que banques et institutions financières, comme Sun Life Financial et Power Corporation, engloutissent dans ces instruments guerriers tout à fait inadéquats pour lutter contre les terroristes, persuadent les gouvernements de s’en servir, n’ayant pour but que d’augmenter leur richesse : on lira à ce sujet l’édifiant tout nouveau rapport hollandais paru il y a deux semaines dontbankonthebomb.com [iii] que nos amis de Mines Action Canada nous ont fait parvenir. Gilles Bibeau, professeur émérite à l’Université de Montréal, révèle dans son livre Généalogie de la violence : « Sous la présidence socialiste de François Hollande, le secteur économique qui a connu la plus grande croissance est celui de l’industrie des armes (la France se situe aujourd’hui au troisième rang pour la fabrication d’armements, immédiatement après les États-Unis et la Russie). Les entreprises d’armement ont contribué en moyenne à 24 % du total des exportations françaises sur la période allant de 2010 à 2013. Selon les chiffres présentés par le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian, les commandes nouvelles d’armements à l’exportation ont grimpé de 43 % en 2013, pour atteindre 6,87 milliards d’euros. Dans le seul domaine des avions de combat multirôle, Dassault a annoncé la vente, pour 2015, de 24 Rafales à l’Égypte et de 24 autres au Qatar et des négociations sont en cours pour de possibles livraisons à l’Arabie saoudite »[iv]. Marine Le Pen n’est pas encore au pouvoir, que ses politiques sont mises en vigueur par un Hollande militariste. Elle n’a plus qu’à attendre que son racisme primaire anti-réfugiés s’implante dans la population traumatisée : Jaurès, au secours ! Les notions de gauche ou de droite sont bousculées par les questions de paix, comme le prouve l’admirable discours de Dominique de Villepin (ex-UMP) en contraste des pénibles discours vindicatifs de François Hollande (socialiste).

Sans devenir libéraux pour autant, nous appuyons les premières décisions Trudeau

Revenons au film couronné en Suisse que le professeur honoraire en communications de l’UQAM André Breton dit « très bien fait, plein de finesse et de subtilité, et même prémonitoire quand on y pense » et l’avoir énormément apprécié : Trudeau y cite la tactique de guérilla de Mohammed Ali « float like a butterfly, sting like a bee » et l’applique parfaitement face à un adversaire plus puissant sur le ring : il laisse son adversaire s’épuiser dans une charge à fond de train au premier round, le harcèle tout au long du 2e round et le bat sans réserve jusqu’à l’arrêt du combat par l’arbitre compatissant au malheur de Brazeau au 3e. Trudeau comprend donc parfaitement que la lutte contre les terroristes-guerrilleros  DAESH ne passe pas par la force brutale à la manière d’un Donald Trump qui évoque l’usage possible de la bombe nucléaire sur la Syrie et l’Irak. Non, si on veut vaincre l’État islamiste, le Canada viendra en aide, par l’entraînement militaire, à la résistance héroïque des Kurdes sur le terrain et l’armée canadienne reviendrait aux missions décimées par Harper des Casques Bleus de l’ONU, afin de protéger des pays africains comme le Mali, victime le 20 novembre d’une attaque sanglante par Al-Qaïda. Au pays, le nouveau premier ministre prône des moyens policiers accrus, aux douanes comme dans l’appui aux entreprises communautaires de déradicalisation islamiste. Or, ce point de vue raisonné du premier ministre est enseveli dans nos médias haineux! À la vision humaine chaleureusement applaudie à l’UQAM de God save Justin Trudeau, un film au montage rigoureux et aux musiques impeccablement choisies (Verdi, en particulier, dans le même chant des esclaves qui avait été entonné en chœur par le public à la Scala de Milan en protestation contre les politiques anti-sociales et anti-arts de Silvio Berlusconi), nous voilà convaincus : alors pourquoi toujours douter du jeune Trudeau, toujours sous-estimé, comme nos cyniques journalistes doutent toujours de nos jeunes? Ne peut-on avoir confiance en son conseil de ministres à égalité femmes-hommes? Il y a tant de forces d’argent mobilisées pour freiner ce changement; pourquoi devrions-nous y joindre notre défaitisme? Les Artistes pour la Paix ne doutent pas pour autant de leur idéalisme, qui sera réaffirmé le 29 novembre à Ottawa dans la lutte pour le bien commun et contre le réchauffement de la planète!

Pierre Jasmin, vice-président

Les Artistes pour la Paix assument les faits contenus dans l’article. Nous sommes privilégiés de recevoir en commentaires les textes éclairants de Dominique Boisvert. D’autre part, Pierre ne peut évidemment conclure que tous les APLP endosseront ses interprétations politiques. D’ailleurs, Guylaine nous a confié à quel point elle était ébahie et agréablement surprise par la diversité des interprétations du film, à tel point qu’elle renonce désormais à le présenter avec un texte préalable, pour permettre à cette diversité de s’exprimer en toute liberté…

[i]  Politique–spectacle d’ailleurs couronnée par le passage du premier ministre Harper lors de la dernière semaine électorale à l’émission de divertissement Salvail, pour enrober de sucre son message conservateur militariste. [ii] La saga du sénateur autochtone déboussolé Brazeau, l’adversaire musclé, habitué toute sa vie à se battre et appuyé par la machine conservatrice, est tristement célèbre (et quelque peu exagérée dans son côté sombre). Et il faut séparer ce destin individuel du destin collectif autochtone qui a accompli un rare exploit le 19 octobre, en élisant non plus sept mais dix députés à la Chambre des Communes, même si l’ex-ministre conservatrice Leona Aglukkaq, qui a failli lamentablement comme ministre de l’Environnement en suivant les instructions de Harper, a été reléguée au troisième rang au Nunavut, le libéral Hunter Tootoo y remportant le siège et le ministère des Pêcheries. Les APLP québécois se réjouissent particulièrement de l’élection de Roméo Saganash du NPD en Abitibi! [iii] Il est triste pour quelques-uns de nos membres de l’UQAM de nous souvenir qu’Isabelle Hudon, pdg québécoise de Sun Life Financial, avait été nommée par le recteur Claude Corbo présidente du conseil d’administration de l’UQAM à la demande du premier ministre Jean Charest et que la Chaire Raoul-Dandurand est commanditée par Power Corporation. Car le rapport produit par PAX Christi et ICANW confirme que depuis janvier 2012 : 1- La Financière SUN LIFE CANADA a investi près de 9 milliards de dollars canadiens dans  Honeywell, Lockheed Martin, Northrop Grumman … 2- La Financière POWER CORPORATION (Canada) a investi près de 4 milliards de dollars dans Raytheon, General Dynamics, Honeywell, Northrop Grumman… Incidemment, ces 12.76 milliards de $ canadiens représentent exactement, quelle coïncidence, ce que le ministre Coiteux appelle « la distance à des années–lumières » qui sépare les offres de son « bon gouvernement » de ses extrapolations sur 5 ans de la contre-offre syndicale. Les cinq compagnies américaines citées (H., L.M., N.G., R. et G.D.) fabriquent :

  • Des bombes nucléaires (100 milliards de $ annuels dans le monde pour ces armes terroristes),
  • Les F-35 d’attaque furtive que Harper projetait d’acheter au coût calculé par le professeur Myers (de UBC) avec leur entretien sur 20 ans de plus de 100 milliards de $
  • Et même des mines anti-personnel pourtant interdites par le Traité d’Ottawa de 1997 et
  • et des bombes à sous-munition dont Mines Action Canada et Handicap International révèlent que plus de 90% de leurs victimes sont des civils, en particulier des enfants trop curieux ou des fermiers qui n’ont pas le choix de cultiver leurs terres pour survivre, qui se font arracher bras ou jambes, bien sûr, pas chez nous dans les pays occidentaux, mais en Asie, en Afrique et au Moyen-Orient, bref en de méchants pays qui fabriquent …des terroristes.

[iv] C’est ce grand allié idéologique de DAESH avec qui le Canada de Harper a signé un contrat de 15 milliards de $ pour des blindés fabriqués en Ontario, dénoncé par les APLP dès février 2014!

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