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António Guterres : « Le choix est entre nos mains. »
Photo : Lev Radin/PacificPress/Rex/Shutterstock

Àdes ministres réunis à Berlin le 18 juillet représentant 40 pays, le Secrétaire général de l’ONU a lancé l’avertissement suivant : « la moitié de l’humanité réside dans des zones assiégées par des inondations, des sécheresses, des tempêtes et températures extrêmes et des feux incontrôlés. Aucune nation n’est à l’abri. Et pourtant nous continuons à nourrir notre addiction aux énergies fossiles. Nous avons le choix. Être solidaires ou affronter un suicide collectif, » en prévision du Sommet COP27 en Égypte en novembre prochain.

Les Artistes pour la Paix sont déçus de ne pas le voir dénoncer le militarisme extrême comme les sages Tamara Lorincz et Chris Hedges dans ces deux articles traduits par les Artistes pour la Paix, PJ y ajoutant des sous-titres.

 

La stratégie dangereuse de l’OTAN

Par Tamara Lorincz – 18 juillet 2022

Tamara Lorincz, une universitaire qui a choisi de consacrer ses études de doctorat aux problèmes militaires à l’École Balsillie d’Affaires Internationales, à l’université Wilfrid Laurier. Elle fait profiter Science for Peace de ses recherches. Son article a été publié dans un journal de Hamilton.

Lors du récent Sommet de Madrid, l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord (OTAN) a publié son nouveau concept stratégique. Il s’agit de la première mise à jour des principes et objectifs de l’alliance transatlantique en 12 ans.

Le secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg, l’a qualifiée de transformation la plus importante de l’alliance depuis la fin de la guerre froide. Le secrétaire d’État américain Anthony Blinken l’a décrite comme « le modèle de la façon dont nous aborderons le monde ensemble ».

Les 30 membres de l’alliance, y compris le Canada, ont approuvé le concept stratégique 2022 de l’OTAN.

Une militarisation accrue

Pourtant, c’est un plan dangereux en vue de préserver la domination occidentale par un plus grand militarisme et par des divisions. Comme l’explique le concept de 13 pages, l’alliance euro-atlantique se prépare au combat et à la compétition dans un « monde contesté et imprévisible ».

Avec une « approche à 360 degrés », l’OTAN étend ses domaines opérationnels au-delà de la terre, de l’air et de la mer à l’information, au cyber et à l’espace…

La force de réaction rapide de l’OTAN passera de 40 000 à 300 000 hommes et davantage de munitions seront prépositionnées en Europe de l’Est. La Suède et la Finlande, qui partagent respectivement une frontière maritime et une frontière terrestre avec la Russie, rejoindront l’alliance.

Lors d’une conférence de presse à Madrid, la ministre canadienne de la Défense Anand a annoncé que son pays renforcera ses troupes à la tête du groupement tactique de l’OTAN en Lettonie. Le Premier ministre Trudeau a déclaré que le Canada fournit déjà davantage d’armes à l’Ukraine, notamment des fusils de sniper, des munitions, des drones avec caméras et des véhicules blindés pour alimenter la lutte contre la Russie « aussi longtemps qu’il le faudra ».

Les membres dotés d’armes nucléaires, États-Unis, Royaume-Uni et France, modernisent leurs arsenaux, tandis que les nouveaux systèmes de défense antimissile balistique Aegis Ashore contrôlés par l’OTAN en Pologne et en Roumanie permettront une attaque de première frappe contre la Russie.

Aucune mention, dans le concept ou lors du sommet, de mesures de contrôle des armes, de non-prolifération ou de désarmement. De plus, à Madrid, les alliés n’ont appelé ni à la désescalade, ni à un cessez-le-feu ni à une résolution négociée pour mettre fin à la guerre qui fait rage en Ukraine.

Une guerre en grande partie provoquée par l’expansion « insensée » de l’OTAN, comme l’ont soutenu le Dr John Mearsheimer, expert en relations internationales à l’Université de Chicago, et le Dr Jeffrey Sachs, économiste à l’Université de Columbia.

Un impérialisme qui s’étend à d’autres continents au-delà de l’Atlantique

L’OTAN a mis la Chine directement dans son collimateur. Le concept décrit comment l’alliance s’étendra au-delà de la région euro-atlantique dans l’Indo-Pacifique. Pour la première fois, les dirigeants d’Australie, de Nouvelle-Zélande, du Japon et de Corée du Sud ont assisté à un sommet de l’OTAN et ont décrit une Chine « coercitive » et « agressive ».

L’Afrique et le Moyen-Orient sont également identifiés comme des régions où l’OTAN sera plus présente pour contrer le « terrorisme ». Cependant, le sous-texte est que l’OTAN mettra la Chine au défi dans ces deux régions afin de saper son Initiative Ceinture et Route de la Soie, un programme d’infrastructure massif pour aider les pays pauvres à développer et à améliorer le commerce avec l’Asie.

Des dépenses militaires accrues

Pour payer cet élargissement de l’OTAN, les alliés ont convenu d’investir davantage dans le fonds commun de l’OTAN et dans leurs budgets militaires pour atteindre ou dépasser un objectif de 2 % du PIB. Pourtant, comme l’a rapporté l’Institut international de recherche sur la paix de Stockholm (SIPRI), les trente membres de l’OTAN représentent déjà 60 % du total annuel de $2 100 milliards des dépenses militaires mondiales.

Le dernier rapport de l’OTAN sur les dépenses de défense montre que le Canada se classe au 6e rang parmi tous les alliés avec 35 milliards de dollars pour les dépenses militaires en 2022, soit une augmentation de 75 % depuis 2014.

Un plan inhumain

Le nouveau concept stratégique de l’OTAN n’est pas un plan pour « la paix et la sécurité internationales » ; c’est un plan pour maintenir le pouvoir et la richesse de l’Occident par la force armée et l’endiguement d’autres pays. Ce plan détournera les fonds publics des programmes sociaux nécessaires comme le logement et les soins de santé vers l’armée et les fabricants d’armes.

Plus troublant encore, le plan de l’OTAN pour la prochaine décennie fera dérailler les objectifs de développement durable des Nations Unies et les objectifs climatiques de l’Accord de Paris, alors que les alliés euro-atlantiques confronteront les autres pays, au lieu de coopérer avec eux sur l’atteinte des défis mondiaux.

Les Canadiens devraient rejeter le nouveau concept stratégique de l’OTAN et reconsidérer son membership dans cette alliance militaire.

18 juillet ONU

Chris Hedges (quelques extraits pour des faits supplémentaires)

Chris Hedges, journaliste lauréat du prix Pulitzer qui a été correspondant à l’étranger pendant 15 ans pour le New York Times, il fut chef du bureau du Moyen-Orient et des Balkans pour le journal. Il a auparavant travaillé à l’étranger pour The Dallas Morning News, The Christian Science Monitor et NPR. Il est l’animateur de l’émission « The Chris Hedges Report ».

L’OTAN a élargi son empreinte, violant les promesses faites à Moscou, une fois la guerre froide terminée, en incorporant 14 pays d’Europe centrale et orientale dans l’alliance. Elle ajoutera bientôt la Finlande et la Suède. Elle a bombardé la Bosnie, la Serbie et le Kosovo. Elle a déclenché des guerres en Afghanistan, en Irak, en Syrie et en Libye, faisant près d’un million de morts et quelque 38 millions de personnes chassées de chez elles. Elle a étendu sa portée dans l’hémisphère sud, signant un accord de partenariat de formation militaire avec la Colombie en décembre 2021.

Elle a soutenu la Turquie, avec sa deuxième plus grande armée de l’OTAN, qui a illégalement envahi et occupé des parties de la Syrie ainsi que de l’Irak. Des milices soutenues par la Turquie sont engagées dans le nettoyage ethnique des Kurdes syriens et d’autres habitants du nord et de l’est de la Syrie. L’armée turque a été accusée de crimes de guerre, notamment de multiples frappes aériennes contre un camp de réfugiés et d’utilisation d’armes chimiques – dans le nord de l’Irak. En échange de l’autorisation du président Recep Tayyip Erdoğan pour que la Finlande et la Suède rejoignent l’alliance, les deux pays nordiques ont convenu d’étendre leurs lois nationales sur le terrorisme afin de faciliter la répression des militants kurdes et autres, de lever leurs restrictions sur la vente d’armes à la Turquie et refuser de soutenir le mouvement dirigé par les Kurdes pour l’autonomie démocratique en Syrie.

C’est tout un record pour une alliance militaire devenue obsolète avec l’effondrement de l’Union soviétique, qui aurait dû être démantelée. L’OTAN et les militaristes n’avaient aucune intention d’embrasser le «dividende de la paix», favorisant un monde basé sur la diplomatie, le respect des sphères d’influence et la coopération mutuelle. Elle était déterminée à rester en affaires. Son métier est la guerre. Cela signifie étendre sa machine de guerre bien au-delà de la frontière de l’Europe et s’engager dans un antagonisme incessant envers la Chine et la Russie. L’OTAN voit l’avenir, comme le détaille son « OTAN 2030 : unifiée pour une nouvelle ère », comme une bataille pour l’hégémonie avec des États rivaux, en particulier la Chine, et appelle à la préparation d’un conflit mondial prolongé.(…)

Cette rhétorique incendiaire présage un avenir de mauvais augure.

Si la Chine, la Russie, l’Iran, l’Inde et d’autres nations se libèrent de la tyrannie du dollar américain en tant que monnaie de réserve mondiale et de la Société internationale pour les télécommunications financières interbancaires mondiales (SWIFT), un réseau de messagerie utilisé par les institutions financières pour envoyer et recevoir des informations telles qu’instructions de transfert d’argent, cela déclenchera une baisse spectaculaire de la valeur du dollar et un effondrement financier aux États-Unis. Leurs énormes dépenses militaires, qui ont porté la dette américaine à 30 000 milliards de dollars, soit 6 000 milliards de dollars de plus que le PIB total des États-Unis, deviendront intenables. Le service de cette dette coûte 300 milliards de dollars par an. Les USA ont dépensé plus pour l’armée en 2021 – 801 milliards de dollars, soit 38 % des dépenses militaires mondiales totales – que les neuf pays suivants, dont la Chine et la Russie, réunis. La perte du dollar en tant que monnaie de réserve mondiale obligera les États-Unis à réduire leurs dépenses, à fermer bon nombre de leurs 800 bases militaires à l’étranger et à faire face aux inévitables bouleversements sociaux et politiques déclenchés par l’effondrement économique. Il est d’une sombre ironie que l’OTAN ait accéléré cette possibilité. La Russie, aux yeux des stratèges de l’OTAN et des États-Unis, est l’apéritif. Son armée, espère l’OTAN, s’enlisera et se dégradera en Ukraine.

Les sanctions et l’isolement diplomatique, selon le plan, chasseront Vladimir Poutine du pouvoir. Un régime client des enchères américaines serait installé à Moscou. L’OTAN a fourni plus de 8 milliards de dollars d’aide militaire à l’Ukraine, tandis que les États-Unis ont engagé près de 54 milliards de dollars en aide militaire et humanitaire au pays.

La stratégie de provoquer la Chine reproduit l’appât de l’OTAN contre la Russie.

La Chine, cependant, est le plat principal. Incapables de rivaliser économiquement, les États-Unis et l’OTAN se sont tournés vers l’instrument contondant de la guerre pour paralyser leur concurrent mondial. Le 6 juillet, Christopher Wray, directeur du FBI, et Ken McCallum, directeur général du MI5 britannique, ont tenu une conférence de presse conjointe à Londres pour annoncer que la Chine était « la plus grande menace à long terme pour notre sécurité économique et nationale». Ils ont accusé la Chine, comme la Russie, d’ingérence dans les élections américaines et britanniques. Wray a averti les chefs d’entreprise auxquels ils se sont adressés que le gouvernement chinois était « déterminé à voler votre technologie, quel que soit ce qui fait fonctionner votre industrie, et à l’utiliser pour saper votre entreprise et dominer votre marché ».

L’expansion de l’OTAN et le coup d’État soutenu par les États-Unis à Kyiv en 2014 ont conduit la Russie à occuper d’abord la Crimée, dans l’est de l’Ukraine, avec sa grande population ethnique russe, puis à envahir toute l’Ukraine pour contrecarrer les efforts du pays pour rejoindre l’OTAN. La même danse macabre se joue avec la Chine à propos de Taïwan, que la Chine considère comme faisant partie du territoire chinois [l’histoire multimillénaire le confirmerait], avec l’expansion de l’OTAN en Asie-Pacifique. La Chine fait voler des avions de guerre dans la zone de défense aérienne de Taïwan et les États-Unis envoient des navires de guerre dans le détroit de Taïwan qui relie les mers de Chine méridionale et orientale. En mai, le secrétaire d’État Antony Blinken a qualifié la Chine de défi à long terme le plus sérieux pour l’ordre international, citant ses revendications sur Taïwan et ses efforts pour dominer la mer de Chine méridionale. Le président de Taïwan, dans un coup publicitaire à la Zelensky, a récemment posé avec un lance-roquettes antichar sur une photo du gouvernement.

L’industrie militaire

Le conflit en Ukraine a été une aubaine pour l’industrie de l’armement qui, compte tenu du retrait humiliant d’Afghanistan, avait besoin d’un nouveau conflit. Les cours des actions de Lockheed Martin ont augmenté de 12 %. Northrop Grumman est en hausse de 20 %. La guerre est utilisée par l’OTAN pour accroître sa présence militaire en Europe orientale et centrale. Les États-Unis construisent une base militaire permanente en Pologne. La force de réaction de l’OTAN, forte de 40 000 hommes, est portée à 300 000 hommes. Des milliards de dollars d’armes affluent dans la région. Le conflit avec la Russie, cependant, se retourne déjà contre lui. Le rouble a atteint son plus haut niveau en sept ans face au dollar. L’Europe se dirige vers une récession en raison de la hausse des prix du pétrole et du gaz et de la crainte que la Russie ne mette complètement fin à ses approvisionnements.

Crise humanitaire et climatique

La perte de blé, d’engrais, de gaz et de pétrole russes, en raison des sanctions occidentales, crée des ravages sur les marchés mondiaux et une crise humanitaire en Afrique et au Moyen-Orient. La flambée des prix des denrées alimentaires et de l’énergie, ainsi que les pénuries et l’inflation paralysante, entraînent non seulement la privation et la faim, mais aussi des bouleversements sociaux et une instabilité politique.

L’urgence climatique, véritable menace existentielle, est ignorée pour apaiser les dieux de la guerre.

Péril nucléaire

Les faiseurs de guerre sont effroyablement arrogants face à la menace d’une guerre nucléaire. Poutine a averti les pays de l’OTAN qu’ils « seraient confrontés à des conséquences plus importantes que celles auxquelles vous avez été confrontés dans l’histoire », s’ils intervenaient directement en Ukraine et a ordonné que les forces nucléaires russes soient placées en état d’alerte renforcée.

La proximité avec la Russie des armes nucléaires américaines basées en Belgique, en Allemagne, en Italie, aux Pays-Bas et en Turquie signifie que toute arme nucléaire anéantirait une grande partie de l’Europe.

La Russie et les États-Unis contrôlent environ 90% des ogives nucléaires mondiales, avec environ 4 000 ogives chacune dans leurs stocks militaires, selon la Fédération des scientifiques américains. Le président Joe Biden a averti que l’utilisation d’armes nucléaires en Ukraine serait « complètement inacceptable » et « entraînerait de graves conséquences », sans préciser quelles seraient ces conséquences. C’est ce que les stratèges américains appellent « l’ambiguïté délibérée ». L’armée américaine, à la suite de ses fiascos au Moyen-Orient, a déplacé son attention de la lutte contre le terrorisme et la guerre asymétrique vers la confrontation avec la Chine et la Russie.

À aucun moment, y compris la crise des missiles cubains, nous ne nous sommes autant rapprochés du précipice de la guerre nucléaire.

« Une simulation conçue par des experts de l’Université de Princeton commence par Moscou tirant un coup de semonce nucléaire, l’OTAN répond par une petite frappe et la guerre qui s’ensuit fait plus de 90 millions de victimes dans ses premières heures », a rapporté le New York Times.

Plus la guerre en Ukraine se prolonge et plus les États-Unis et l’OTAN semblent déterminés à canaliser des milliards de dollars d’armes dans le conflit pendant des mois, voire des années, plus l’impensable devient pensable. Flirter avec Armageddon pour faire profiter l’industrie de l’armement et mener à bien la quête futile de reconquérir l’hégémonie mondiale des États-Unis est au mieux extrêmement imprudent et au pire génocidaire.