Mémoire présenté au COLLECTIF ÉCHEC À LA GUERRE
dans le cadre des Audiences populaires
pour le retrait des troupes canadiennes de l’Afghanistan

Le samedi 9 février 2008, Centre St-Pierre, Salle 100 (Marcel Pépin)

Rédaction : Pierre Jasmin et Bruno Roy

Toujours impuissants à fortifier la justice,
ils s’emploient à justifier la force.
Blaise Pascal

 

Si jadis le Canada, moyenne puissance sur la scène mondiale, pouvait s’imposer comme spécialiste de la « paix », aujourd’hui, il n’a aucune chance d’impressionner cette même scène par ses ressources militaires. Comme notre mémoire est ancré dans la politique canadienne des dernières années, nous vous proposons une analyse critique des décisions et des actions spécifiquement politiques du gouvernement actuel, en particulier sa volonté de maintenir ses troupes en Afghanistan. Dire les vraies choses, toutefois, ne consiste pas à seulement à crier. Avec Philippe Ducros, nous sommes conscients que « Lorsqu’on dit les vraies choses, chaque mot devient un attentat. » [1] Parlez-en aux médias. Vous et nous, comme nous ne sommes pas naïfs, nous arrivons à comprendre que les médias vendent insidieusement la guerre à l’opinion publique.

En faveur de la guerre

Dans le contexte d’une offensive médiatique sans précédent où le gouvernement a transformé l’armée canadienne en véritable machine à propagande politique (des employés au Ministère de la Défense nous informaient cette semaine qu’on pouvait estimer le nombre de « relationnistes » à 600 postes environ!), les médias continuent à consacrer un espace démesuré pris par « le comment de la mission » alors qu’ils ne remettent à peu près jamais en question le « pourquoi de la mission ». Nous inonder d’images et d’inquiétudes des soldats du « Royal 22e Régiment » en vantant leur sens des responsabilités relève d’un parti pris inconséquent. Il nous semble aller de soi, au nom de l’objectivité et au nom d’une représentation démocratique des deux tiers des francophones du pays qui s’opposent à cette guerre selon les derniers sondages, que les médias devraient équilibrer le message. Francis Dupuis-Déri, professeur de sciences politiques à l’UQAM, nous l’a rappelé dans Le Devoir du 28 janvier dernier. Je cite:

Des journalistes d’influence se déclarent en faveur de la guerre et pleurent pour «nos» soldats. Peut-on espérer meilleure campagne de communication, ou encore une plus grande mobilisation des médias? Si la communication ne «prend» pas, malgré toute cette belle et forte propagande publique et privée, c’est peut-être que le produit est de toute évidence un citron, que cette guerre sert les intérêts d’une élite et qu’elle est illégitime? […] En fait, presque tous les médias, qu’ils soient privés ou publics (Radio-Canada), anglophones ou francophones et nationaux ou de quartier, semblent dirigés par des partisans de cette guerre. À voir, les éditoriaux de la presse écrite qui, les uns après les autres, sont toujours en faveur de la « mission » de «nos» soldats.

Dans les faits, avec la montée du mystérieux Partenariat pour la Sécurité et la Prospérité et sous prétexte de sécurité nationale, l’information au public est diffusée au compte-gouttes. De ce point de vue, la critique, à notre télé, est inexistante. Cette guerre est commandée, ne l’oublions pas, par les États-Unis, sous couvert d’une ONU trafiquée par le Conseil de sécurité où on a arraché des abstentions à la Chine et à la Russie. Cette vérité d’une guerre inique ramène des réflexions « naturellement » pacifistes, qui sont le propre des Artistes pour la paix, et aussi, ne le mésestimons pas, du peuple québécois qui s’oppose à l’intervention militaire en Afghanistan, et cela, même si à regret, il faut noter que la population canadienne soit profondément divisée sur cette question. Il est pourtant notoire que l’Afghanistan est un nouveau Vietnam, où le Canada expose ses soldats dans la zone la plus dangereuse, et plusieurs y voient une façon de se faire pardonner son refus de contribuer à l’aventure irakienne.

Le rapport Manley et ses « prospères » commissaires

Dans ces conditions, que penser alors du rapport d’un groupe d’experts, connu sous le nom du Rapport Manley, sur le futur rôle du Canada en Afghanistan? Voyez déjà l’hypocrisie: le groupe de travail encourage le gouvernement à revoir sa «stratégie de communication», constatant que cette guerre reste impopulaire chez une part non négligeable de la population canadienne. Par certains aspects, écrit Francis Dupuis-Déry, ce rapport propose certes des informations pertinentes, mais il est aussi intéressant de souligner ce qu’il ne contient pas.

Le rapport, qui évoque une éventuelle négociation avec des «talibans» modérés, rappelle que ceux qui sont responsables de « la mort de milliers d’Afghans innocents […] devront être traduits en justice ». Soit. Mais le rapport oublie de mentionner que les députés élus de la République islamique d’Afghanistan se sont eux-mêmes voté une loi d’amnistie pour les crimes de guerre qu’ils auraient pu commettre depuis une vingtaine d’années. […] Les intérêts du groupe d’experts : « Un lecteur du Devoir soulignait fort à propos (voir la lettre «Quelle farce ridicule!» publiée le 24 janvier) que les membres du groupe de travail «sont d’abord et avant tout des experts du partenariat stratégique avec les États-Unis», ce qu’indique sans gêne aucune une annexe du rapport dans laquelle les cinq membres sont présentés brièvement. [2]

Il n’est pas innocent, pour les contribuables que nous sommes, de savoir grâce au professeur Michael Byers de l’Université de Colombie Britannique, que les rencontres que les membres du groupe Manley ont faites avec certains organismes se sont déroulées à huis clos, ces organismes devant même s’engager à ne rien divulguer des questions ou commentaires des membres du Comité.  Le public a pu soumettre des propositions… par Internet, que personne n’a pu consulter jusqu’à récemment. Les Artistes pour la Paix n’ont même pas reçu d’accusé de réception pour notre avis envoyé à la Commission Manley! Cela contraste » avec le rapport de la Commission populaire sur la sécurité mondiale : le rôle du Canada, paru sous le titre de « Mondialiser la paix », rapport produit en novembre 2005 par les groupes pacifistes canadiens. Et quelle en fut la retombée médiatique à la Société Radio-Canada? Aucune. Le directeur de l’information aux services français de la SRC, M. Saulnier, préférant, dans sa réponse [3] aux Artistes pour la paix qui avaient posé la question de cette absence de retombée médiatique, vanter les « retombées économiques importantes de ces investissements gouvernementaux ».

Nous y voilà, l’argument est central : la prospérité. Pour cela, au nom du profit, deux cruelles avenues :

  • faire la guerre à des peuples pour assurer le transport de leur pétrole vers les États-Unis et autres pays riches;
  • maintenir l’exportation d’armes à travers le monde, ce fléau numéro 1 de notre planète.

 

Les médias, on le voit, entretiennent une complicité certaine avec la pensée militariste. Le général De Chastelain, nous devons nous en souvenir, était celui qui avait réussi, en 1990 avec l’armée canadienne qu’il commandait à Kanesatake, d’empêcher les Warriors et la Sûreté du Québec de s’entretuer. Ce fut sa seule intervention dans le civil. On se souvient par contre du général Hillier, insolemment présent et exprimant sa satisfaction aux journalistes sans être rappelé à l’ordre, lors de la conférence de presse en août dernier du premier ministre Harper qui annonçait le remplacement de son patron, le ministre de la Défense Gordon O’Connor (dont Les Artistes pour la paix avaient aussi réclamé la démission, sachant son rôle de lobbyiste pour une vingtaine de compagnies appartenant à l’industrie militaire). Le général de Chastelain, au su de cette mascarade en conférence de presse, nous a avoué que lui-même « était de l’école croyant en la primauté du pouvoir civil sur le militaire », même quand il avait dû avaler, suite aux traitements dégradants de Somaliens par nos soldats, « la difficile suppression du régiment aéroporté imposée par l’Honorable Jean Chrétien », a-t-il ajouté en nous fixant, probablement au courant de notre appui à M. Chrétien sur cette question très controversée chez les militaires. Nous croyons que la révélation de cette réponse d’un de nos plus illustres généraux en chef aurait dû faire la une des journaux, puisque mercredi encore à Radio-Canada, le journaliste Pierre Maisonneuve trahissait un manque d’informations sur cette question qui fera l’objet, peut-être, du renversement du gouvernement conservateur minoritaire. Or, ne pas connaître dans cette catastrophe nationale, la responsabilité des Libéraux, en particulier des deux commissaires se réclamant de cette allégeance, peut nous porter à nous illusionner sur la marge de manœuvre dont ils jouiraient supposément.

On connaît d’autre part, de la Commission Manley, l’implication beaucoup moins inoffensive de trois commissaires, toujours soi-disant indépendants, dans des conseils d’administration de compagnies de ventes d’armes. Par exemple, Paul Tellier, conseiller soi-disant indépendant de cette Commission Manley, a été P.-D.G. de Bombardier de 2003 à 2004 et siège toujours au conseil d’administration de Bell Canada Entreprise. Il serait très intéressant, nous ne craignons pas de le répéter, de savoir combien d’actions d’entreprises d’armements détiennent individuellement les cinq «experts indépendants» − dévoués pour le « bien commun » à orienter le contenu du rapport Manley vers la poursuite intéressée de la guerre. On verra plus loin dans le chapitre « collusion contre la paix » que nos exportations d’armes ont septuplé en à peine quatre ans !!!

Il est évident que Les Artistes pour la paix s’opposent à une prospérité acquise au détriment de la sécurité amoindrie des pays importateurs de nos armes ou de celle de leurs voisins. Mais il nous faut expliquer pourquoi nous nous sommes opposés à l’automne 2005, devant la Commission sénatoriale et de la Chambre des Communes sur la politique étrangère du Canada, à une politique qui voulait désormais brandir « la prospérité » comme valeur fondamentale du pays! Au contraire, le Canada doit aider les pays en voie de développement en remettant d’abord en question ce qui établit notre prospérité à leur détriment : nos compagnies minières et pétrolières exploitent-elles le Soudan, le Congo, le Nigeria, les Philippines, le Pérou, la Colombie et d’autres pays du Tiers Monde à leur avantage, ou en compromettent-elles l’environnement et la sécurité, en étant parfois complices de massacres de civils par des forces militaires régulières ou par des milices armées, dans des pays trop pauvres pour résister à l’appel de certains de nos prospères hommes d’affaires qui veulent… leur bien? La prospérité qui appauvrit les pays qu’on exploite ne peut avoir aucune valeur morale. La chose est claire, nos compagnies d’armement n’aident pas la paix mondiale en exportant à des dictatures ses produits.

Une aventure meurtrière

Il est regrettable que Canada ait accepté de faire partie du positionnement américain en Afghanistan, appuyant ainsi, parallèlement à l’échec retentissant des troupes américaines en Irak, la mise en place d’un gouvernement pro-occidental, non loin de la frontière de l’Iran. L’armée canadienne a même semblé endosser les méthodes agressives américaines d’attaques contre les maisons afghanes, jusqu’à ce que divers incidents sérieux (prisonniers disparus, bavures contre des civils) ramènent les soldats canadiens à des méthodes moins agressives, moins controversées. Pendant ce temps, le gouvernement Harper se lave les mains du sort des prisonniers talibans dans la province de Kandahar en laissant désormais les soldats de l’Armée nationale afghane (ANA) les capturer et pis, les torturer.

Les Artistes pour la Paix déplorent aussi l’inquiétante et récente perte d’indépendance de l’état-major canadien au sein du NORAD, de plus en plus contrôlé par les faucons du Pentagone. En effet, il n’est pas inutile de rappeler qu’en décembre 2007, à l’occasion de sa visite à Kandahar, le ministre canadien de la Défense, Peter McKay, était accompagné de Rick Hillier chef des Forces armées canadiennes ainsi que de … l’ambassadeur des États-Unis au Canada.

Quant au général Rick Hillier, on apprend par une taupe au Ministère de la Défense que ce fut le général qui insista pour demander l’affectation à Kandahar de nos soldats canadiens, alors que les Britanniques devaient y être, à l’origine, et que les Canadiens étaient destinés à une région plus calme. Il fait bon rappeler que les Artistes pour la Paix furent les premiers à réclamer la démission du général, immédiatement après son discours d’intronisation où il s’exclama devant le premier ministre Paul Martin que, par sa nomination, l’armée venait de retrouver sa vraie et originale « mission de tuer », en particulier ces scumbags de Talibans. Sa formation américaine, on pourrait même préciser, texane, le différenciait complètement de celle plus britannique de ses prédécesseurs.

Paul Martin lui donna trois conditions absolues avant d’accepter sa suggestion d’aller à Kandahar :

  • il fallait pouvoir y aller ET EN SORTIR quand on le désirait
  • l’équipement de l’armée canadienne devait s’avérer adéquat pour la mission
  • malgré les forces engagées en Afghanistan, il fallait que l’armée ait suffisamment de réserves pour intervenir, en cas de génocide échéant en Haïti ou en Afrique, avec une autre mission rapide, équipée et entraînée.

 

Rick Hillier a répondu « no problem » aux trois conditions (« J’ai fait une erreur » a-t-il nonchalamment admis plus tard, alors qu’il aurait sans doute été plus honnête de sa part d’admettre qu’il avait menti, à l’instar des 935 communiqués mensongers de la Maison Blanche qui voulaient justifier l’intervention en Irak de l’armée américaine…). Hillier a ensuite engagé l’armée canadienne, non équipée pour une telle mission, dans une aventure qui s’est avérée meurtrière : selon nous, il doit donc être tenu accessoirement responsable de la plupart des 78 morts compatriotes en Afghanistan.

D’autres collusions « prospères »

L’on devine aisément que nos hommes d’affaires canadiens n’ont pas la patte plus blanche que leurs amis politiciens. Ayons une pensée critique pour Karlheinz Schreiber, fabricant d’armes bavarois, dont l’action décisive avait installé Brian Mulroney au pouvoir en 1984, en l’aidant à défaire Joe Clark à la présidence du parti : ce dernier a fait un discours émouvant à la Biosphère lundi dernier le 4 février devant des militants pacifistes, rappelant combien la frange progressiste-conservatrice de son pays s’était dissociée des réformistes à cause précisément de leur attachement à la paix comme valeur fondamentale. Rappelons que les premiers mots de Mulroney victorieux contre Joe Clark à la convention grâce à son ami Schreiber furent : « Canada is back in business », on voit de quelle business il s’agissait.

Oui, en matière d’exportations, le Québec économique n’est ni pur, ni meilleur que celui du Canada. Les Artistes pour la Paix furent les premiers à dénoncer dès 1992 le DIPP (Defence Industrial Productivity Program) : le DIPP n’a-t-il pas subventionné la prospère SNC, dont la filiale de Le Gardeur exportait ses mines anti-personnel, grâce à l’argent des impôts prélevés entre autres auprès des emplois d’été étudiants? Est-il besoin de rappeler que 90% des victimes de ces mines sont des civils, en particulier en Angola, au Mozambique, en Bosnie, en Afghanistan et au Cambodge? La politique du gouvernement conservateur des Brian Mulroney, Jean Charest et Lucien Bouchard consacrait trois fois plus d’argent des contribuables, c’est-à-dire 280 millions de $ annuels à la promotion et à l’exportation d’armements canadiens (mission du DIPP), trois fois plus qu’à l’aide à la production artistique.

Rappelons que SNC, qui a joui de ces subventions, a exporté des mines antipersonnelles amputant des milliers d’enfants iraniens que les Ayatollahs envoyaient au front, le Coran à la main, pour paver la voie aux soldats qui suivaient cette piste ensanglantée. Pendant cette guerre Iran-Irak, donc, nos ingénieurs québécois, bons pères de famille de Le Gardeur, étaient à l’œuvre à calculer savamment la dose explosive des mines antipersonnelles nécessaires pour arracher des pieds et des testicules, mais insuffisantes pour faire mourir le blessé qui en hurlant de douleur, démoralisait ainsi ses camarades et démobilisait au moins deux hommes pour ramener l’amputé du front vers l’arrière. Les statistiques furent vite connues, à savoir que ces mines installées pendant les guerres provoquaient finalement beaucoup plus de victimes civiles, surtout des enfants.

Cette guerre Iran-Irak − la belle hypocrisie − était arrosée des deux côtés par nos produits militaires canadiens. La preuve nous en fut apportée que, malgré les lois qui en principe empêchaient les exportations militaires vers des pays en guerre, l’usine Expro, usine de poudre à canon mit à pied 200 travailleurs une semaine après la fin de la guerre Iran-Irak! C’est pourquoi le président du syndicat d’Expro, Marc Laviolette, insista auprès des patrons irresponsables pour que l’usine diversifie au moins sa production vers la fabrication de sacs gonflables dans nos voitures! Bref, le Canada de M. Harper est en train de reculer à l’époque où nos compagnies d’armement exportaient allègrement et officiellement des armes à des dictatures. Je rappelle qu’un certain discours soutenu par des économistes, des politiciens et des leaders d’opinion conservateurs autoproclamés « lucides » (Lucien Bouchard, Guy St-Pierre, ex-PDG de SNC, André Pratte) avaient justifié les hausses de frais étudiants, le gel des salaires syndiqués et la privatisation de la médecine par le prétexte « qu’il faut bien créer la richesse avant de la distribuer ». Eh bien, messieurs les subventionnaires et subventionnés à coup de centaines de millions de dollars pour la production d’armements, vous n’êtes pas sans le savoir, ces subventions continuent à être versées directement aux entreprises amies. Souvenez-vous, Les Artistes pour la paix avaient protesté dès que M. Gordon O’Connor avait été nommé au poste de la Défense. Cet ex-lobbyiste n’avait-il pas travaillé pour le compte d’une vingtaine de compagnies d’armement? Rappelons, à cet effet, que les trois plus grosses industries d’armement au monde sont américaines : Lockheed Martin, Boeing et Northrop Grunman.

À cet égard, Les Artistes pour la paix déplorent que malgré l’appel en ce sens lancé par le Bloc Québécois, ce gouvernement n’ait jamais trouvé la volonté de s’attaquer aux échappatoires fiscales, aux scandaleux profits des banques, pétrolières et multinationales expertes en fuite de capitaux canadiens dans des paradis fiscaux; n’y aurait-il pas là matière à agir courageusement de la part du ministère des Affaires étrangères? Nous invoquons ici l’essentielle vigilance de tous les Canadiens contre l’érosion indécente des revenus d’impôts, solution qui a échappé à l’examen récent de nos « lucides » Québécois.

Collusion contre la paix

Les dépenses militaires dans le monde, sous la poussée de l’influence des républicains de George Bush, viennent de rattraper les sommets de la fin de la guerre froide : plus de mille deux cents milliards de dollars par année. On consacrait en 2004 184$ par année pour l’armement de chaque individu de la planète, alors qu’il aurait suffi de 4$ par individu au Tiers-Monde pour assurer à chacun l’alphabétisation, la nourriture, l’eau potable, les soins contre la malaria et le paludisme et en prime, des prothèses aux victimes de mines anti-personnel au Cambodge, en Angola, en Afghanistan, au Congo et au Mozambique. Les chiffres en 2008 seront plutôt de 240$ contre 5$ et on choisit toujours la première option!

L’ONU, qui pourrait présider à des solutions durables, se fait doubler par l’OTAN, dont l’agenda agressif court-circuite, par exemple, le Traité de Non-Prolifération nucléaire. Le Canada sous le libéral Lloyd Axworthy, comptait 3200 Casques Bleus, il n’en utilise plus qu’une cinquantaine et augmente de façon exponentielle ses dépenses militaires pour guerroyer en Afghanistan. Eh bien, voici qu’il a fallu, en moins de deux ans, gaspiller 31 milliards de dollars pour transformer l’armée canadienne réputée pour ses Casques Bleus en instrument de guerre à Kandahar avec deux mille cinq cents soldats en armes, contre six personnes qui « travaillent » au printemps dernier pour l’Agence canadienne de développement international (ACDI).

Les Artistes pour la Paix, dont la mission première est de conscientiser le monde aux bienfaits du désarmement, constatent en outre les faits troublants révélés il y a quatre mois par la CBC : en 2001, le Canada exportait 140 millions de dollars en armes et munitions ; en 2003 et 2004, autour de 900 millions. L’exportation de munitions, de 20 millions de dollars en 2001, est passée à des sommes de 120 à 140 millions dans les années 2004 à 2006. En 2006, le Canada est devenu 4e exportateur mondial de munitions et 6e en ce qui concerne les armements en général, avec les cinq membres du Conseil de Sécurité (sic !) de l’ONU, les plus importants vendeurs d’armes de la planète. Le Canada avait résisté à cette tendance… jusqu’à l’arrivée au pouvoir de Paul Martin qui, selon l’Institut Rideau, a décrété la plus grosse augmentation de budget militaire depuis la Seconde Guerre mondiale. Les Artistes pour la Paix avaient dénoncé Jean Chrétien, alors premier ministre du Canada, lorsqu’il avait tout à coup en 2002 relevé ses achats militaires, l’industrie militaire très secrète étant généreuse pour les politiciens.

Disons-le, le Parti libéral n’a pas de leçon à donner à quiconque, l’arrivée au pouvoir de Jean Chrétien avait ramené les ventes d’armes à l’Indonésie interrompues sous Mulroney. Le lobbying pacifiste est toujours à refaire et la vision globale des gouvernements n’est pas articulée à une vision écologique ni à une vision de paix. Ce que les Artistes pour la paix déplorent, c’est le manque de mécanismes qui permettent aux fonctionnaires de changer la mentalité guerrière séculaire. Il est désolant de constater que Canada est désormais fier de devancer les Pays-Bas, la Suède et même Israël, sans doute trop occupé par la guerre au Liban pour accoter en 2006 ses quotas de ventes d’armes passées. En effet, on ne peut être que frappé par l’absence totale de transparence quand il est question, entre autres, des compagnies d’armement dont l’enjeu économique trahit des intérêts corporatifs. Et pourtant, il s’agit pour le ministère de la « Défense » de dépenses militaires excessives, dont les retombées profitent aux États-Unis, et il s’agit pour notre ministère du Commerce extérieur d’exportations douteuses d’industries militaires canadiennes vers les pays du Tiers-Monde. Cela s’appelle simplement un scandale.

L’on prétendra qu’une force armée ne sert pas qu’à faire la guerre; elle vise d’abord à l’éviter. Encore des mots. Bien sûr, et la police et l’armée sont, et doivent être soumises au pouvoir civil. Mais qu’arrive-t-il s’ils sont eux-mêmes le pouvoir politique ? Pour dire vrai, c’est le militarisme qui nous inquiète. Elle est une institution autocratique où l’obéissance et la loi du silence règnent en maître. Nous le savons, encore récemment, l’armée, institution autocratique par essence, a donné lieu à des dérapages impardonnables. Comment ne pas penser à la dictature militaire qui sévissait en Grèce dans les années soixante-dix ? Et la catastrophique expérience chilienne, qui peut l’oublier? On pourrait ainsi reculer plus encore dans l’histoire et trouver des exemples aussi atroces des abus militaires. Un souci devrait animer le ministère canadien des Affaires étrangères : celui de se méfier des alliances établies ou à établir avec des gouvernements qui s’appuient sur des traditions militaristes. Nous pensons à la Chine, la Turquie, l’Indonésie, les États-Unis et la Birmanie.

L’exemple du général Chastelain devrait service aux décideurs politiques. Les Artistes pour la Paix ont eu le privilège de le rencontrer pendant plus de trois heures au Centre Droits et Démocratie à Montréal le 28 novembre dernier. On savait qu’il avait travaillé d’arrache-pied depuis 1997 en Irlande, au péril de sa vie, pour arracher une à une les concessions aux Protestants de Ian Paisley et aux Catholiques de Gerry Adams pour les amener à force de ruses à des cérémonies de destructions d’armes. Malgré les méfiances de part et d’autre et les inévitables reculs provoqués par les exactions occasionnelles d’irréductibles terroristes des deux camps, ce travail de faiseur de paix (n’est-ce pas le sens du mot pacifiste ?) a fait en sorte qu’aujourd’hui, les camps irréconciliables sont assis depuis quelques mois au Parlement de l’Irlande du Nord, qu’ils se parlent au lieu de s’envoyer des bombes et si, on en croit le général, rient mutuellement des bonnes blagues de leurs ennemis héréditaires qu’ils découvrent tout autres qu’ils se les étaient imaginés.

Tant que les démocrates des pays riches n’auront pas réussi à convaincre les gouvernements de réduire les budgets militaires et d’infléchir l’accumulation de ventes d’armes, le progrès effectué par charité ne sera que minime, car les puits creusés ou les travaux d’irrigation pour les populations démunies seront détruits par de nouvelles guerres alimentées par les pays riches qui voudront s’accaparer les richesses pétrolières ou minières des pays pauvres, l’histoire sanglante de l’Afrique et de l’Afghanistan est hélas éloquente à cet égard. Tous les démocrates qui croient à un développement durable doivent travailler à contrer cette politique faite pour les pétrolières et les industries militaires, c’est-à-dire par les plus importants lobbyistes pro-conservateurs et pro-guerre, avec les groupes religieux extrémistes, les industries du tabac et les pharmaceutiques.

La paix est incompatible, selon nous, avec un rapprochement éventuel du Canada avec l’équipe actuellement au pouvoir aux États-Unis; car, avec la complicité des compagnies prospères d’armements, de pétrole, de tabac, de produits pharmaceutiques brevetés et d’OGM tel Monsanto, l’équipe belliqueuse de Bush s’est attaquée à Kyoto et, ne l’oublions pas, à toute initiative internationale qui favoriserait la paix, la santé ou le respect de l’environnement. De plus, nous n’avons pas encore mentionné leur délinquance honteuse face aux règles commerciales de l’ALENA. Oui, notre cri du cœur contre cette notion de la prospérité économique des pays riches (comme si cette prospérité était une valeur à défendre!) s’accompagne d’un appel à ce que nos gouvernements se fassent plutôt champion d’une approche pacifique, loin de la mentalité guerrière que le militarisme et la quête de profits scandaleux entretiennent à tout vent. Oui, nous le pensons, le Canada devrait être un refuge face au militarisme.

Des moyens d’action

Depuis la nuit des temps qu’on se bat, dira-t-on. Les Artistes pour la paix le savent bien. Alors pourquoi poursuivent-ils leurs actions et répètent-t-ils leurs revendications en faveur de la paix ? D’abord, parce que s’ils se taisent, ils donneront raison à leurs opposants. Et aussi parce qu’ils ne sont pas seuls. Plus de trente organismes, aujourd’hui, les accompagnent dans leurs réflexions. Voici quelques raisons supplémentaires qui justifient la conviction qu’ils ont de ne jamais abandonner leurs revendications en faveur de la paix. Un certain passé pourrait être garant de l’avenir.

  1. Parce qu’il va de soi que pour nous, les meilleurs alliés de la diplomatie canadienne au service de la paix, que ce soit aux États-Unis ou en Russie, au Nord comme au Sud, ce sont les artistes du Cirque du Soleil, de l’Orchestre Symphonique de Montréal, du Théâtre du Nouveau-Monde, nos peintres et sculpteurs qui exposent dans les musées du monde entier, nos écrivains, conteurs et chanteurs qui exportent nos valeurs démocratiques, nos cinéastes récompensés par les festivals internationaux, nos artistes autochtones et les Médecins, les Juristes, les Reporters et les Clowns sans Frontières.
  2. Parce que les Artistes pour la paix voyagent à travers le monde dans l’exercice de leur art et qu’ils ont des oreilles privilégiées pour nous avertir des premiers signaux de ce changement néfaste d’opinion internationale.
  3. Parce que de plus en plus des liens essentiels de politisation sont faits, ne serait-ce que parce que les pays qui se sont procuré nos armes n’ont plus les moyens de se procurer notre blé ou nos projets éducatifs.
  4. Parce que le renversement d’opinion mondiale n’est pas irréversible et il n’est pas trop tard pour agir avec courage.
  5. Parce que le refus du Canada de suivre les États-Unis dans la deuxième guerre d’Irak découle en partie des manifestations massives de Montréal que nous avons activement suscitées avec le comédien Luc Picard à nos côtés.
  6. Parce que l’écrivain Antonine Maillet, alors présidente des Artistes pour la Paix en 1989 avait réussi à convaincre le premier ministre Brian Mulroney de ne pas acheter d’onéreux et polluants sous-marins nucléaires projetés.
  7. Parce que le président du Cirque du Soleil Guy Laliberté a décidé de consacrer 100 millions de $ à l’opération « One drop » qui cible justement l’état alarmant des réserves d’eau potable dans le monde.
  8. Parce qu’à la suite des pressions des groupes pacifistes et à la suite de nombreux films documentaires entre autres à l’Office national du Film, relayé récemment par une production tutti frutti diffusée à Télé-Québec, le gouvernement libéral canadien, alors au pouvoir, s’est fait champion du Traité international contre les mines antipersonnel, grâce au travail de lobby de l’Américaine Jody Williams, prix Nobel de la Paix 1997.
  9. Parce que la diplomatie canadienne a permis la nomination de deux éminentes personnalités, Louise Arbour et Philippe Kirsch, comme présidents de tribunaux internationaux pour juger les criminels de guerre. Ce n’est pas rien.
  10. Parce que le général de Chastelain a contribué au désarmement et à la paix en Irlande et que le général Dallaire, tragiquement trahi au Rwanda, ne s’est pas découragé dans sa lutte contre les armes nucléaires et contre les enfants soldats, de même que dans son soutien aux victimes militaires de stress post-traumatique, maladie dont il a lui-même souffert.

 

Si Les Artistes pour la paix interviennent encore et toujours sur la place publique, c’est parce que l’organisme croit que des actions concrètes peuvent être faites pour améliorer le sort de la paix dans le monde. Parce qu’ils croient à une diplomatie non mercantile et aux missions de paix sans équivoque militaire. Parce que nous pouvons convaincre le gouvernement du Canada à appliquer une politique très ferme contre tout racisme et contre tout sexisme, à appuyer plus étroitement le formidable travail effectué par les ONG canadiennes et à prévoir un cadre souple, mais régulier de consultations avec elles, afin de mieux saisir les défis posés par la mondialisation et la nouvelle altermondialisation. Parce qu’à long terme, Les Artistes pour la paix veulent proposer au gouvernement un objectif prioritaire, à savoir l’éducation de nos dirigeants militaires en politique internationale. Le gouvernement actuel pourrait sans doute compter sur la collaboration de la gouverneure générale et chef des forces armées, madame Michaëlle Jean, dont la préoccupation pour la paix mondiale pourrait trouver à se concrétiser, autrement que par des paroles compatissantes aux funérailles de nos soldats.

Ces modèles d’action et ces propositions concrètes que Les Artistes pour la paix mettent de l’avant veulent montrer la voie à suivre pour le ministère canadien des Affaires étrangères, qui doivent dénoncer les politiques guerrières et assurer la sécurité collective globale, non pas en s’appuyant sur l’hypocrite souci de prospérité des hommes d’affaires, mais sur des efforts d’équité, grâce à une justice internationale respectée et grâce à d’authentiques efforts d’information.

Mais voilà! Il ne sert à rien d’être nostalgique : les Artistes pour la Paix sont extrêmement préoccupés d’un actuel premier ministre conservateur et d’un général en chef, tous deux militaristes, autoritaires et arrogants, qui ont de plus provoqué plus de 34 milliards de $ de dépenses militaires pour changer en caractère agressif la nature de l’armée canadienne autrefois plus pacifiante (de 3200 Casques Bleus sous Lloyd Axworthy en 1996, rappelons-le, on est passé à une cinquantaine aujourd’hui et le Canada est passé du 1er au 56e rang mondial comme « gardien de la paix »).

Conclusion

« Il existe une chose plus puissante que toutes les armées du monde, écrivait Victor Hugo, c’est une idée dont l’heure est venue. » Cette idée, dans le monde actuel, c’est la paix. L’humanité, malheureusement, est en perte de repères. Prétendre que l’industrie de guerre favorise la paix, par exemple, relève de la pire des aliénations mentales. Jamais, cette industrie ne peut assurer une plus grande prospérité économique, en même temps qu’une détente entre les peuples. Malheureusement, au Canada, les décisions et actions du gouvernement conservateur sont révélatrices d’une tendance militariste qui nous éloigne tous et toutes de la notion du « bien commun ».  Ce qui est très inquiétant pour l’avenir de la démocratie canadienne, qu’il faut au moins identifier objectivement, si on estime ne pas avoir le mandat de la dénoncer.

L’écrivain et essayiste Pierre Vadeboncoeur a raison. Il faut faire attention quand on se sert du mot « démocratie », prévient-il. C’est courant dans la politique internationale d’aujourd’hui. « Cela veut dire aussi que la démocratie postiche d’Irak et d’Afghanistan, c’est le cheval de Troie des États-Unis. La « démocratie » considérée comme un moyen de domination internationale. La « démocratie » contre les peuples. » [4] Voilà où nous sommes rendus. Dans son tout dernier discours en fonction (de 1953 à 1961), le président américain Dwight Eisenhower prophétisait le kidnapping de la démocratie par ce qu’il a été le premier à appeler le complexe militaro-industriel − Eisenhower, ancien général donc plutôt bien informé sur le militaro-industriel, en dénonçait le projet de « guerres perpétuelles, profits perpétuels. Chaque fusil fabriqué, chaque navire de guerre lancé, chaque missile déclenché signifient en fin de compte un vol perpétré à l’encontre de ceux qui ont faim sans qu’on les nourrisse, de ceux qui ont froid sans qu’on les vête ».

C’est pourquoi nous osons affirmer que la démocratie du gouvernement canadien est corrompue par cette politique faite pour les pétrolières, les industries militaires, les compagnies prospères de tabac, de produits pharmaceutiques, et combien d’autres. Permettez-nous de vous raconter une anecdote canadienne, mais qui pourrait aussi bien être québécoise si on pense aux « lucides » de ce monde; anecdote relatée dans le « roman » de John Le Carré transformé en film, La constance du jardinier.

Il s’agit de madame Olivieri, ex-présidente de Science for Peace Canada et professeure à l’Université de Toronto. Jeune professeure, d’abord employée comme chercheure par une pharmaceutique, elle s’était aperçue que la santé des patients cobayes de l’étude préliminaire sur un médicamentt était ébranlée, jusqu’à la mort de certains d’entre eux. Elle alerta la compagnie qui refusa d’interrompre ses recherches sur ce médicament qu’elle escomptait spectaculaire. Madame Olivieri décida donc d’ébruiter dans les journaux, par éthique, ses craintes fondées. Comme elle avait signé une déclaration de garder secrète sa collaboration avec la pharmaceutique, elle fut accusée de briser ce pacte secret et l’Université de Toronto la renvoya. On apprit plus tard que l’université avait dans ses plans la construction d’un immeuble imposant subventionné par ladite pharmaceutique. Madame Olivieri reçut même des menaces de mort de ses collègues qu’elle identifia grâce à leur ADN recueilli sur les timbres des lettres reçues. Finalement, ces collègues plaidèrent le stress d’une possible perte d’emploi et restèrent en place, comme le président de l’université, même s’ils durent réintégrer la chercheure Olivieri, qui n’a toutefois jamais retrouvé un sain climat de travail.

Il nous faut à tous et toutes connaître de telles anecdotes pour mieux asseoir nos valeurs de protection de la vie, assise solide qui est à la base des actions pacifistes. Pour paraphraser Gandhi qui disait « Haïssez le péché, pas le pécheur… », Les Artistes pour la paix diraient « Haïssez la guerre, pas les guerriers, ni surtout la critique de la guerre! » Ce qu’il faut comprendre et accepter, c’est que la critique d’un système de collusion et d’abus n’est jamais une vengeance. Vouloir éliminer la guerre ne vise pas seulement la défense de l’humanité, elle vise sa conquête, c’est-à-dire, son accomplissement. Combattre le militarisme, c’est choisir la défense des affaires humaines, c’est condamner ce temps barbare où l’humanité, malheureusement, considérait la guerre comme un moyen de régler les conflits entre les humains. Être pacifiste, c’est travailler à transformer les mentalités individuelles et collectives, afin qu’un jour on en arrive à bannir la guerre et toute autre forme de violence comme moyen de résoudre les conflits.

Lassés de faire la guerre, les gens cherchent des moyens universels d’implanter la paix. Les Artistes pour la paix se sont engagés à obtenir la création d’un ministère de la Paix au sein du gouvernement canadien et à en multiplier les effets tant au Québec qu’en nos municipalités. Ils sont convaincus que « c’est une idée dont l’heure est venue » et ils sont motivés par le soutien croissant reçu par cette initiative. Étant donné l’escalade des conflits violents, la menace croissante de l’annihilation nucléaire et le recul de l’État de droit dans le monde d’aujourd’hui, le caractère éminemment opportun et l’urgence de répandre cette initiative au Canada n’ont jamais été aussi grands. Un ministère de la Paix jouerait un rôle crucial pour la promotion de la paix, tant sur le plan international que national. Ainsi, un tel ministre de la Paix aurait la responsabilité de proposer la paix comme principe fondamental de notre société et de mettre de l’avant un plan d’action qui engagerait toute politique de sécurité individuelle et collective à protéger la vie avant tout. Il faut confier à une institution supranationale, qui adhère à une philosophie de non-violence, le soin d’assurer la paix sur l’ensemble de notre planète. Cela donnera aux nations la chance de réaliser que la force des armes n’est pas un facteur propice à leur autonomie et leur sécurité. À moins que l’humanité ne renonce entre-temps à la notion d’État telle que nous la connaissons aujourd’hui.

Encore un mot. Les Artistes pour la paix sont conscients que la désinformation fragilise la paix et que la paix ne « paie » pas. Ils n’insisteront jamais trop pour dire que l’actualité du désarmement est désarmante, si vous nous permettez le jeu de mots, car elle est liée à celle de la guerre. Ce à quoi les artistes et les Québécois avec eux croient, c’est la nécessité de mondialiser la conscience contre la guerre par l’information. Et donc, par une curiosité entre autres artistique. Le rêve d’une humanité parfaite, ai-je déjà lu ou entendu, souffre de ne correspondre aucunement à la réalité. Il est vrai que la réalité guerrière du jour contredit le rêve d’un monde meilleur, mais je dirai avec Voltaire, car la paix nous la croyons possible : « Oui, ces choses ont déjà été dites, mais je les répéterai jusqu’à ce que vous les ayez comprises. »

Les Artistes pour la Paix
Rédaction: Pierre Jasmin et Bruno Roy

En plus de présider le Comité des orphelins (devenu organisme communautaire), je siège aux conseils suivants : Festival international de la littérature (président), Camp littéraire Félix (président), COPIBEC, Comité Langue et souveraineté (UNEQ). Et je ne t’ai pas parlé de mes tournées dans les écoles, des jurys (Poésie dans l’métro, par exemple), des ateliers de poésie, des commandes d’articles (dont celui que tu trouveras en pièce attachée sur Miron que tu aimes autant que moi), mes écritures dont un essai sur l’Ostidcho. Pierre, je ne tente pas de justifier à l’avance ce qui pourrait arriver, je veux que tu saches que je dois apprendre à dire non. Comme tu vois, je n’ai rien compris, je n’ai rien appris… puisque qu’à toi, je dis oui. Ça doit être, quelque part, ce que tu représentes pour moi : un véritable artiste et un authentique homme de paix. Habituellement, c’est de ceux là dont je cherche à m’entourer.

Amitiés
Bruno


[1]. Philippe Ducros, « Mohamed le coiffeur Le vert est la couleur sacrée de l’Islam », Carnets, fneeq-csn, édition spéciale, novembre 2007, p. 5.

[2]. Article du Devoir déjà cité.

[3]. Lettre du 13 septembre 2007 à Normand Beaudet, coauteur avec Pierre Jasmin de la plainte à Radio-Canada (3 septembre)

[4]. Pierre Vadeboncoeur, « La guerre froide 2 », Le Couac, février 2008, p.5.