Mise à jour le 10 juin : HOURRA! Le projet de loi 64, qui oblige l’immatriculation des armes d’épaule, a été adopté jeudi le 9 juin, en fin de journée, à l’Assemblée nationale, à la veille de l’ajournement des travaux de la présente session parlementaire.

Le vote se détaille ainsi : 99 pour, 8 contre, pas d’abstentions. Il y avait donc 17 absents, certains députés ayant sans doute préféré s’éclipser, et ainsi s’abstenir prudemment… Sept députés de la CAQ, soit environ le tiers du caucus, ont voté contre le projet de loi, de même que l’ex-députée caquiste d’Arthabaska, devenue indépendante, Sylvie Roy.

Le premier ministre a imposé la ligne de parti pour l’adoption de ce projet de loi, mais pas la CAQ, dont le caucus était divisé sur la question. Certains avaient aussi des réticences chez les libéraux et les péquistes, mais tous se sont ralliés au bout du compte.

Publié également dans L’Aut’Journal.

NDLR : Nous remercions Daniel Gingras pour la diffusion de cette lettre auprès des députés ayant travaillé sur le projet de loi.

Le 18 février 2016

Par la présente, nous désirons exprimer notre sincère reconnaissance envers tous les partis politiques québécois représentés à l’Assemblée nationale, qui ont appuyé à l’unanimité le projet de loi 64, au moment de son dépôt le 3 décembre dernier, suivant ainsi le consensus québécois sur l’enregistrement des armes d’épaule. Toutefois, des propriétaires d’armes à feu dont les tactiques de manifestations ou d’interventions groupées, annoncées dans les médias sociaux et plus largement publicisées par les médias que les prises de position pacifistes, évoquent le lobbying radical de la National Rifle Association américaine [1]. Ils ont même attiré dans leurs manifestations de rares députés dénigrant le projet de loi (c’est leur droit démocratique).

Il y aura toujours des gens réfractaires aux enregistrements de skidoos ou d’armes, en particulier dans les régions éloignées de centres d’enregistrement. Le gouvernement pourrait certes faciliter leurs modalités d’enregistrement, tout en en resserrant certains aspects : l’article 3 du projet de loi stipule que la «demande» pour obtenir l’immatriculation d’une arme doit être faite « dès la prise de possession de l’arme à feu ». Comment sera-t-il possible d’assurer une vérification préalable de l’autorisation légale d’un individu de posséder des armes ? Nos amies de PolySeSouvient en faveur du projet de loi sont inquiètes à juste titre en évoquant le scénario suivant :

Un homme menace sa conjointe d’éventuelle violence. Elle appelle la police. Les policiers obtiennent une ordonnance des tribunaux qui interdit à l’homme de posséder des armes à feu et procèdent (à l’aide du registre !) à la confiscation temporaire de ses armes de chasse. Immédiatement après, faute d’une obligation inscrite dans la loi pour que le vendeur s’assure que l’acheteur détient un permis de possession valide, la loi 64 telle que rédigée n’empêcherait pas l’homme d’acheter et de « prendre possession » d’une nouvelle arme d’épaule (95% des armes en circulation au Québec).

Quant aux armes qui nous préoccupent davantage, celles comportant des caractéristiques militaires, comme celle dont s’est servi le tueur de Polytechnique acceptant des chargeurs de 30 cartouches, nous devrons nous adresser à Ottawa pour que sa possession soit criminalisée en dehors des sites supervisés d’entraînement militaire ou des collections d’armes rendues inopérantes par la police. Malheureusement, de nombreuses armes d’assaut catégorisées comme des armes d’épaule en vente libre sans restrictions échappent à la vue des autorités, autre raison d’appuyer C-64.

Les Artistes pour la Paix rappellent qu’ils avaient mis de l’avant le défunt projet artistique le silence des armes, sous l’initiative conjointe d’Alex Magrini et de Marie-Claire Séguin (APLP des années 1993 et 1994). Nous avons été à l’origine de plusieurs démarches positives à Ottawa, grâce aux interventions au Sénat de deux de nos défunts membres, le comédien Jean-Louis Roux, appuyé par le sénateur Beaudoin, qui ont démontré l’utilité des contrôles à l’aide de rapports d’experts policiers ou psychologues (suicides, violences conjugales).

Bref, l’enregistrement canadien s’est illustré comme une approche efficace et différente de celle des États-Unis dominés par le lobby des armes, aux grands dépens de leur sécurité et qualité de vie. On a été témoin en 2015 de tant de réactions d’impuissance par le président Obama, menotté par un Congrès dont les électeurs en particulier républicains résistent, malgré les tueries quasi quotidiennes, à tout appel au bon sens.

N’oublions pas que les mécanismes de vérification des permis de possession n’ont été que récemment éliminés par le gouvernement Harper, en même temps que l’abolition de l’enregistrement des armes d’épaule et, ce, en dépit du fait que ce type de vérification était en vigueur depuis les années 70 — avec l’ancien permis d’acquisition jusqu’en 2000, puis via le permis de possession jusqu’à la destruction du registre en 2012. C’est pourquoi nous intervenons pour que le Canada qui est 6,5 fois moins affecté par le fléau des homicides par armes à feu que le pays voisin (frontière commune perméable de près de six mille kilomètres) reste relativement épargné : nous écrivons « relativement » car on devra surveiller notre taux préoccupant qui est du double ou même du triple que des pays tels que la France, l’Allemagne et la Grande-Bretagne.

Nous espérons que notre Assemblée nationale sera ouverte aux améliorations qui seront proposées aux audiences de la Commission des Institutions publiques afin que la législation finale favorise la sécurité publique, tout en minimisant les irritants, en particulier dans les Premières Nations.

Pierre Jasmin
Vice-président – Artistes pour la Paix
pierre.jasmin@artistespourlapaix.org

cc: PolySeSouvient@gmail.com
Coalition pour le contrôle des armes à feu : cgc.montreal@gmail.com


 

[1] Au cours des dernières semaines, les groupes pro-armes ont commencé à révéler le véritable fond de leur pensée : le projet de loi 64 du gouvernement libéral, qui vise l’immatriculation des armes d’épaule afin de pouvoir les lier à leurs propriétaires, ne viserait pas à protéger la population, mais plutôt à satisfaire les «bonnes femmes frustrées» de Montréal. Voilà qui résume, pour le lobby pro-armes, le combat pour un meilleur contrôle des armes mené par les témoins, survivants et familles des victimes du massacre à l’école Polytechnique en 1989 !