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En septembre 2012, Christian Simard à droite en conférence de presse (avec MM Dagenais et Mayrand + l’auteur de l’article, à gauche) démontraient au gouvernement Marois les avantages de démanteler la centrale nucléaire Gentilly-2. Photo Martin Leblanc/La Presse

Un passé « conservateur » troublant

Que la mission des Verts soit de « conserver » la nature intacte, on le veut bien ! Mais qu’en cette période d’urgence climatique, ils refusent sciemment de changer le statu quo d’un Trudeau subventionnaire de pipelines et de bateaux de guerre maintenant estimés à $278 milliards, montre une pusillanimité politique qui ne se dément guère depuis 2007. C’est l’été où la légendaire Elizabeth May, rencontrée dans sa circonscription convoitée de Nouvelle-Écosse lors du congrès international saluant le demi-centenaire des conférences Pugwash, m’avait invité à me présenter dans une élection partielle prévue en septembre dans Outremont (mon ancien comté de résidence) contre un nouveau-venu sur la scène fédérale, Thomas Mulcair ! J’avais évidemment exprimé mon refus indigné qu’elle songe à s’opposer à lui, au lieu de saluer bien bas l’ex-ministre du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs du gouvernement Charest ayant démissionné sur le dossier scandaleux de la privatisation partielle envisagée du parc Orford (à quelques kilomètres de ma maison actuelle) : grâce à Richard Séguin, la victoire fut douce dans ce dossier.

Suite à la victoire de M. Mulcair puis de son couronnement comme chef du NPD, j’ai échangé de nombreux courriels pour suggérer naïvement à la cheffe traditionnelle du Parti Vert de s’allier plutôt avec lui, afin de créer une alternative de gauche forte. Naïvement, car je n’étais pas encore informé des liens troublants de May avec le parti libéral, qui la destinent à n’en être qu’une simple faire-valoir : lors des élections en vue de sa succession, elle a milité contre Dimitri Lascaris et pour l’actuelle cheffe du Parti. On comprend mieux pourquoi cette dernière, désemparée par la défection de la députée verte du Nouveau-Brunswick, Jenica Atwin, au parti libéral, a proféré les mots pathétiques suivants :

« Les libéraux divisent pour mieux régner, bien déterminés à gagner leur majorité à n’importe quel prix ! C’est cynique et lâche. […] À Justin Trudeau, je voudrais dire que vous n’êtes pas notre allié, vous nuisez aux objectifs féministes des verts, je vous demande maintenant de reculer ! »

Bref, une réaction enfantine de déception boudeuse et dépitée de la part d’une alliée inconditionnelle de Trudeau, malgré la succession de politiques réactionnaires libérales reniant leurs engagements en décembre 2015 à la COP21-ONU à Paris.

Les Verts refusent le Québécois Simard

Un article de l’excellente journaliste scientifique du Journal de Montréal, Anne-Caroline Desplanques, révélait que madame Annamie Paul, inflexible, a refusé de rencontrer l’ex-directeur général de Nature Québec, Christian Simard, qui avait enfin accepté la main tendue de l’aile québécoise des Verts. L’écologiste, qui a été de toutes les grandes luttes environnementales au Québec, ne pourra donc pas se présenter pour le Parti aux prochaines élections fédérales, car il a refusé de renier ses convictions souverainistes : « Les personnes qui cherchent à nous représenter doivent représenter une vision fédérale », tranche la cheffe du Parti vert du Canada en entrevue avec Le Journal.

Ayant vu la tempête venir, M. Simard avait retiré son offre de candidature quelques semaines auparavant, constatant lucidement et sans amertume : « Ça prend des chefs rassembleurs, capables de représenter une alternative solide et de mettre les différences de côté pour se concentrer sur l’essentiel. Ce n’est pas ce que je vois ». Rare écologiste d’ici à avoir siégé à la Chambre des communes à Ottawa, Christian Simard avait représenté la circonscription de Beauport pour le Bloc québécois entre 2004 et 2006. Quinze ans plus tard, il souhaitait non pas lutter pour un pays, mais poursuivre le combat qu’il a mené à la tête de Nature Québec en affirmant fièrement : « À celles et ceux qui se découragent face à la menace climatique, je dirais que le meilleur remède est l’action ».

Lamentable déroute de la cheffe des Verts

Radio-Canada rapporte que le conseil fédéral du Parti vert – l’organe décisionnel de la formation – a tenu une rencontre d’urgence mardi le 15 juin, qui a duré plus de trois heures et demie. CBC News a obtenu une copie de la lettre qui a provoqué cette réunion et qui contient une critique cinglante du style de leadership de la cheffe des verts. Depuis son élection à la direction, Annamie Paul aurait agi avec une attitude autocratique d’hostilité, de supériorité et de rejet, manquant à son devoir d’être un membre actif, contributif, respectueux et attentif du conseil fédéral.

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Photo de la Presse Canadienne qui représente madame Paul, encadrée d’Union Jacks.

La lettre lui reproche également d’avoir contribué au changement de camp de la députée Jenica Atwin. À la lumière de sa décision, motivée principalement par une mésentente avec Annamie Paul au sujet de la question palestinienne, difficile d’être d’accord avec l’opinion de Daniel Green, membre du conseil fédéral du Parti, qui voyait en madame Atwin l’étoffe d’une future cheffe, alors qu’elle joint les rangs d’un parti plutôt sioniste. Le conseil fédéral a demandé à Mme Paul de répudier publiquement son ancien conseiller Noah Zatzman, après qu’il eut accusé plusieurs politiciens, y compris des députés verts (il n’en restait que deux, dont Elizabeth May qui avait pourtant tout fait pour défaire le candidat Dimitri Lascaris pro-palestinien afin de favoriser Annamie Paul!) de discrimination et d’antisémitisme dans une publication sur les médias sociaux.

Au courant de sa mésentente avec le député Paul Manly, Michel C. Auger, à son avant-dernière émission Midi-Info, a asséné jeudi 3 prises au marbre à la cheffe Annamie Paul :

  1. allait-elle dénoncer les propos enflammés de son ancien conseiller ? Réponse : elle y réfléchirait (deux semaines après ! Alors que tous s’entendent sur leur côté
    fanatique !);
  2. que pensait-elle de ses collègues députés ? Paul a insisté qu’elle les appuyait à 100%;
  3. voterait-elle comme Paul Manly en faveur de la motion du Bloc québécois proclamant le Québec nation francophone ? Elle a plutôt indiqué qu’elle aurait voté contre !

 

Devant tant d’amateurisme incohérent, les deux commentateurs de Grand angle Lise Bissonnette et Yves Boisvert n’ont pas caché leur consternation, disant même que lorsqu’on n’a rien à dire, on ne va pas en conférence de presse. Car la débâcle s’est poursuivie par une pitoyable défense victimaire relatée ainsi par Radio-Can : « Mme Paul a dénoncé le sexisme et le racisme dont elle se dit être la victime à titre de première femme de couleur, première personne noire et première femme juive à diriger un parti fédéral. »

Dans le fond, les fondateurs du Parti Vert ne seraient pas là pour changer les choses en voulant accéder au pouvoir, ils font des numéros de corde raide pour exprimer de bons sentiments dignes d’être récompensés, en tentant de bien paraître aux yeux de la riche élite. Comme Québécois pragmatiques, nous livrons un combat autre : même avant de joindre les rangs du Parti Vert, après sa réélection comme député du Bloc en 2015, Pierre Nantel modifiait le traditionnel serment permettant de devenir député, devenant le premier à y inclure une reconnaissance des traités conclus avec les peuples autochtones : son ajout au serment « J’affirme également que je respecterai dans l’exercice de mes fonctions les traités conclus avec les peuples autochtones » sera repris dans le serment de trois autres députés néo-démocrates : Romeo Saganash, Georgina Jolibois et Niki Ashton.

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Hélas, la retraite dramatique de la jeune député NPD Mumilaaq Qaqqaq du Nunavut exprime sa déception devant un régime fédéral raciste, colonialiste et incapable de venir en aide aux autochtones. Maintenant que la ministre Mélanie Joly a émoussé la principale arme culturelle du Bloc Québécois, va-t-on assister à un effondrement de la gauche, vu la bisbille au Parti Vert ? Il est plus que temps que les partis laissent la place à la nouvelle génération qui comprend que la crise du COVID a changé la donne : face à l’impitoyable nature prédatrice de l’OTAN, de la Commission canadienne de sûreté nucléaire et des Big Pharmas qui s’enrichissent avec des vaccins dont elles privent l’Afrique entière, les nouveaux leaders écologiques prônent un réveil collectif qui ne peut plus être progressif, mais qui doit être radical tout en étant rassembleur.

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