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Chloé Sainte-Marie sur la scène de la Chapelle Historique du Bon-Pasteur avec la photo d’Hélène Pedneault à qui les APLP ont décerné un hommage-posthume.

C’est un honneur que nous avions prévu confier à notre regretté secrétaire Bruno Roy que de vous présenter l’artiste pour la paix 2009, Chloé Sainte-Marie (j’expliquerai plus tard pourquoi cela n’est hélas pas possible). La carrière cinématographique de notre lauréate est indissociable des films de son mari Gilles Carle : la Guêpe 1986, la Postière 1992 et Pouding chômeur qui en 1996 abordait déjà courageusement le problème des immigrants à qui on refuse un emploi.

Mais les films de Carle ne révolutionnent-ils pas le cinéma québécois et mondial par leur sexualité joyeuse ? Quel beau symbole pacifiste que cette confrontation dans la douche de la paire de fesses de notre héroïne d’aujourd’hui, victorieuse contre un revolver, une véritable pièce d’anthologie !

Une pièce de théâtre écrite par Carle et mise en scène par Paul Buissonneau, la terre est une pizza, voyage jusqu’à Paris avec son actrice principale, Chloé Sainte-Marie. Puis c’est le merveilleux film-testament que tourne Charles Binamé en 2005 à partir d’un scénario qu’il transfigure, alors qu’il avait été abandonné par Gilles, malade, n’ayant plus la force de filmer : Gilles Carle ou l’indomptable imaginaire voit Chloé se métamorphoser, tout en restant la même extraordinaire force aimante.

Non seulement la carrière, mais la vie de Chloé est indissociable de celle de Gilles. Car un aspect incontournable du prix que les Artistes pour la Paix remettent aujourd’hui a été soulevé par notre trésorier Serge Côté, un ex-danseur qui s’est blessé pour devenir ensuite infirmier : il s’agit de la compassion, de l’élan du cœur ou de la passion tout court de Chloé qui a tout fait pour que son amoureux atteint de la maladie de Parkinson puisse rester à la maison, avec elle, sa femme, son aidante naturelle. Ses démarches ont abouti entre autres à une souscription entreprise par Pierre-Karl Péladeau (qui regrette de ne pouvoir être présent, retenu à Québec). On se rappelle encore les démarches de Chloé auprès de la ministre Marguerite Blais qui a répondu présente et qui nous honore aujourd’hui de sa présence! Hélas, le décès du cinéaste survient moins de deux semaines après l’inauguration, le 17 novembre dernier, de la Maison Gilles Carle, une résidence pour personnes en perte d’autonomie située dans leur maison de Saint-Paul-d’Abbotsford, en Montérégie.

Dès 1955, Gilles Carle fait partie du groupe des fondateurs des Éditions de l’Hexagone avec Gaston Miron, un poète ressuscité par Chloé Sainte-Marie! Après les succès de l’album Je pleure, tu pleures, elle reçoit en 2003 le prix Félix de l’album folk contemporain pour Je marche à toi qui est couronné aussi d’un prix Coup de cœur de l’Académie Charles-Cros en France. En 2006, elle reçoit le prix Félix Spectacle de l’année – Interprète pour Parle-moi endisqué en 2005.

Enfin en 2009, elle lance, grâce au coaching de son amie Jocelyne « Bibitte » Bacon, un album entièrement chanté en langue innue. Les paroles et les musiques sont de l’auteur-compositeur-interprète Philippe McKenzie, précurseur du mouvement folk-innu avec ses chansons engagées. Mercredi dernier (comme nous avons le sens du timing aux Artistes pour la paix !!), avait lieu la première du spectacle de Chloé au Gesù, accueillie par un public et une critique unanimement dithyrambiques.

Et la raison principale qui a rallié aussi l’unanimité du conseil le 8 novembre dernier était ce geste d’un courage inouï d’une artiste, qui au lieu de faire comme tant d’autres un album de Noël en duo et en anglais pour séduire deux milliards d’anglophones, a choisi de lancer le sien en une langue parlée ou comprise par tout au plus douze mille personnes dans le monde. – Je tiens à m’excuser parce que j’ai écrit six mille dans le communiqué de presse, reprenant les chiffres de l’époque de la remise du prix Artiste pour la paix 1994 à notre ami Florent Vollant du groupe Kashtin -. Voilà qui devrait nous entraîner à plus d’optimisme de constater que moins de vingt ans plus tard, la population innue consciente de sa culture a doublé. Et je voudrais souligner la présence dans la salle d’André Dudemaine de Terres en Vue, et vous transmettre les regrets d’Alanis Obomsawin qui ne peut être présente avec nous : tout comme le grand cinéaste Arthur Lamothe, elle a été membre de notre conseil d’administration pendant des années.

Pourquoi les Artistes pour la paix sont-ils si sensibles au geste de Chloé Sainte-Marie, qu’on estime d’une portée considérable, un geste de paix, d’amitié interculturelle et d’appui à l’extraordinaire culture innue ? Je vous rappelle qu’en pleine crise autochtone en 1990, nous sommes allés porter des fèves, des courges et du maïs aux femmes Mohawks d’Oka, dont Myra Cree, artiste pour la paix 2004 : le même été nous avions inauguré notre murale, coin Cherrier et Berri, dénonçant les vols militaires à basse altitude au-dessus du Nitassinan, considéré par l’OTAN comme un terrain d’essais de bombardements. Notre pétition a permis d’y faire avorter la construction d’une base aérienne plus considérable. Nous avons lancé en 1993 de Terre-Neuve à Victoria l’Enquête populaire sur la paix et la sécurité en insistant pour que Konrad Sioui de la nation huronne-wendat y soit un des cinq commissaires, auprès notamment de Douglas Roche et de Jules Dufour.

Cette année encore, nous avons dénoncé le fait que le Canada ait refusé de signer la Déclaration des Droits Autochtones à l’ONU pourtant endossée par plus de cent cinquante pays. Et nos combats contre les mines d’uranium et contre les centrales nucléaires polluantes de type CANDU rejoignent les protestations des groupes autochtones.

Aux Artistes pour la Paix, nous aimons montrer de la diversité artistique, comme en témoigne notre série Trois Arts pour la Paix. Nous écoutons maintenant Marie-Claire Séguin (…)

Film de Pierre Hébert

Nous vous présentons maintenant une œuvre vidéo de Pierre Hébert. Tout comme Frédéric Back, ce cinéaste est préoccupé par les questions environnementales et par la paix internationale. Pierre est l’homme derrière les animations projetées durant le spectacle actuel de Chloé Sainte-Marie. C’est en exclusivité que nous vous présentons ce court extrait (…).

Nous voici à la dernière étape de notre cérémonie, sans doute la plus grave. Car depuis sa nomination arrêtée en novembre par notre conseil d’administration, Chloé Sainte-Marie, plus particulièrement, et les Artistes pour la Paix ont été durement éprouvés par les décès rapprochés de Gilles Carle, dont nous avons parlé, et de Bruno Roy : ce dernier était l’écrivain que vous connaissez et aimez tous et toutes, et aussi notre secrétaire bien-aimé des Artistes pour la Paix, jouant d’autre part un rôle fort apprécié de soutien auprès de Chloé, on le voit d’ailleurs dans le film de Charles Binamé… mentionnons aussi cette semaine la mort de deux membres des Artistes pour la Paix, Pierre Vadeboncoeur et Jacques Hétu, le compositeur canadien le plus joué par nos orchestres symphoniques depuis vingt-cinq ans !

Accueillons maintenant celle qui a remporté deux prix Gémeaux et des prix Jutra, Génie et MétroStar, la comédienne Pascale Montpetit qui nous lit des extraits de Nous, paroles inquiètes de la poète Louise Warren. Vous entendrez aussi sous mes doigts deux études de Frédéric Chopin (…).

J’invite Louise Warren à remettre à l’Artiste pour la Paix de l’année 2009 un exemplaire de son livre rare car épuisé Nous, paroles inquiètes accompagné d’un dessin reproduit en 120 exemplaires d’Alexandre Hollan. Louise remet en même temps son essai La forme et le deuil Archives du lac édité par l’Hexagone, en 2008.

(Pierre dirige Pascale et Louise vers des places en retrait tandis que Domlebo débarrasse Chloé des livres et des fleurs et la conduit vers le micro).

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Pascale Montpetit accueillie par Chloé Sainte-Marie.

Post-scriptum pour donner une idée de la somme de talents pour réussir une remise d’APLP de l’année !

Merci à l’animation de Jacques Lussier, professionnelle et sympathique à la fois, merci à Dom pour sa présence chaleureuse à la sortie, merci pour le sens du punch à Daniel-Jean Primeau auteur de beaux slogans tel: « plutôt que la culture de pouvoir, favoriser le pouvoir de la culture ! »

La remise du prix a assuré un bon équilibre des éléments biographiques et des parties artistiques dont la variété a permis une heure et demie vivante et appréciée de tous et toutes (y compris de mes deux enfants de 9 et 11 ans !).

Enfin, tant la chanson populaire (Marie-Claire, si humaine !) que la musique classique (Chopin), tant la poésie (Louise dite par Pascale, quel tandem !) que les témoignages sur vidéos, ont assuré un rythme formidable : je me souviens de ma deuxième entrée de l’hommage à Chloé avec clin d’œil de Jacques Lussier puisqu’il était 11h51 et que sur notre feuille de planification, il était indiqué 11h52 !

Merci à tout le monde :
Louis-Dominique Lévesque, les fleurs étaient magnifiques !
Daniel et Jacques, les photos d’Hélène et de Bruno étaient splendides !
André Petrowski, ton embrassade avec la ministre Marguerite, épique !
Symon Henry, merci de ton aide !
Jenna Dawn McLellan, tu es un poème en soi, thank you for being there !
Dom, ta présence à la sortie était un bonus pour tous nos membres !
Valery Latulippe, ta vidéo était parfaite, qui nous a amené une Laure Waridel si souriante ! J’ai hâte de voir tes photos…
Marguerite Bilodeau, je suis sûr que Frédéric se souviendra de ta tendre sollicitude !
Marcel Saint-Pierre, quand je t’ai vu couper du pain, je me suis dit quel gâchis de talent tellement attendrissant !
Jean-Claude Côté, ton expérience à la mise en scène nous rassurait tous et toutes !
Robert Dupuy à la caméra, vive les traces que nous laisserons aussi grâce à toi !

That’s it, a beedee, a beedee, that’s it, folks.

14 Février 2010

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De gauche à droite : feue Hélène Pedneault, Frédéric Back, Pierre Jasmin, Marie-Claire Séguin, Daniel-Jean Primeau, Chloé Sainte-Marie, Marguerite Blais, dany Laferrière, Pascale Montpetit et Louise Warren.