Quelle Ukraine? Celle de Sheliazenko ou celle de Zelensky?

Par les Artistes pour la Paix – Pierre Jasmin, secrétaire général

Yurii Sheliazenko et Artem Denisov à Kiyv 

1- Comment réagit le peuple ukrainien à la rencontre Trump-Poutine en Alaska ? Elle irrite Zelensky au point qu’il mobilise ses alliés militaristes (Canada, Allemagne, Grande-Bretagne, France…) scandalisés par des tractations de paix qui se tiennent sans la participation de l’Ukraine et qui viseraient, selon lui, à soustraire à son autorité tout le Donbass et la Crimée. Qu’il nous soit permis de douter de son amour pour une région à population russophone qu’il bombarde depuis février 2022, succédant ainsi aux bombardements depuis 2014 par le bataillon Azov nazi et pro-OTAN (photo avec la swastika et le fanion OTAN), en rupture des deux traités de Minsk facilités par l’ONU pour tenter de rétablir la paix en Ukraine.

« Objecteur de conscience quaker et leader du Mouvement pacifiste ukrainien, Yurii Sheliazenko est en liberté étroitement surveillée et les services de sécurité ukrainiens l’ont présenté comme un ennemi et un criminel, et non comme un simple suspect, en déclenchant une campagne de diffamation dans les médias. » écrit Pressenza [i]. Yurii a adressé une lettre au président Zelensky avec une déclaration intitulée « Agenda de paix pour l’Ukraine et le monde », qui appelle à la résistance non violente à l’agression russe et à la protection du droit à l’objection de conscience au service militaire.

2- Le président Zelensky vient d’être forcé de réagir à d’intenses manifestations en son pays en présentant un nouveau projet de loi, numéro 13533, rétablissant l’indépendance des institutions anticorruption – le Bureau national de lutte contre la corruption (NABU) et le Bureau du procureur spécialisé dans la lutte contre la corruption (SAPO). « Par cette volte-face, il s’est ainsi fabriqué un alibi pour clamer son innocence, tandis que les agents du NABU font toujours l’objet d’une enquête des services de sécurité ukrainiens contrôlés par le président, sous prétexte d’influence russe. Ce scandale accentue les tensions politiques dans le pays, déjà sous la pression de l’agression russe et des pertes subies au front. Mais la population continue d’être obsédée par la croyance que la justice ne peut être obtenue que par la violence, renforçant le militarisme autocratique en détruisant la démocratie que les gens espèrent protéger par leurs protestations », conclut tristement Yurii.

3La rencontre Poutine-Trump en Alaska ouvre « une nouvelle perspective de relations Russie-USA basées sur la confiance et le respect mutuel », ce qui semble scandaliser nos pays de l’OTAN. Un débat intense dans les pages électroniques du DEVOIR du 15 août [ii] marquées par de fortes prises de position par Anne Arseneau et Cyril Dionne, a accepté ma participation reflétant l’opinion de l’exécutif des AplP réuni la veille à Magog : « On espère que le président Donald Trump convaincra le président Vladimir Poutine de la nécessité d’un traité de paix pour arrêter cette guerre meurtrière. Parmi les conditions énumérées par Poutine, la non-adhésion de l’Ukraine à l’OTAN armée de bombes nucléaires est non seulement acceptable, mais souhaitable (les AplP réclament la fin de l’OTAN depuis l’abrogation par Gorbatchev du Pacte de Varsovie!). L’appartenance de la Crimée à la Russie historiquement confirmée, le Donbass pourrait décider de son sort par référendum, tenu une fois une part de ses six millions d’habitants revenus à la faveur d’un cessez-le-feu respecté et sa reconstruction entamée. Revendiquer Zaporijiia semble logique pour la Russie qui, ayant construit sa centrale nucléaire, a l’expertise d’en sauvegarder la livraison d’électricité ».

Sans présumer de l’acceptation par l’OTAN et Zelensky des progrès qu’ils estiment avoir accomplis, l’un et l’autre des présidents ont salué « une rencontre constructive ». Si Trump-le-raciste appuie le génocidaire Nétanyahou contre les Gazaouis et inaugure un Alcatraz-Alligator pour y domper ses malheureux immigrants, Trump-le-vaniteux, sans doute encouragé par son épouse slovène Melania, recherche le prix Nobel de la Paix; même si ses initiatives hors de l’ONU risquent peu de durer, on serait bien fous, en attendant, de bouder ses succès, par exemple ses médiations entre l’Inde et le Pakistan et entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie. Qu’en sera-t-il entre la Russie et l’Ukraine, où il a accompli la première étape sans Zelensky avec Vladimir Poutine pour d’excellentes raisons, mais sans obtenir le cessez-le-feu espéré? On verra, si on ne laisse pas l’OTAN militariste fermer la porte à la paix [iii].

iii[] NATO, what you need to know, écrit par Medea Benjamin et David Swanson, traduit pour l’édition LUX : L’OTAN, une alliance pour la guerre. Les deux versions incluent une préface par le professeur Jeffrey Sachs de l’Université Columbia et allié proche du Secrétaire général des Nations-Unies Antonio Guterres. La publication a été favorablement commentée par Jacques Lanctôt, dans l’édition du 16 août du Journal de Montréal (livres weekend, page 71).