L’empoisonnement par le chrysotile
En 2012, les APLP sont intervenus, avant même son élection, auprès du nouveau ministre de la Santé péquiste, le bon docteur Réjean Hébert, pour lui rappeler les chiffres de l’Organisation Mondiale de la Santé (ONU): plus de cent mille morts annuelles à cause des mines mondiales d’amiante, domaine où le Canada rivalisait de production mortifère. Les malades de mésothéliome justifient encore chez nous des annonces quotidiennes à la télévision d’avocats spécialisés experts à trouver des compensations financières (heureusement payées par nos impôts) pour les malades et les familles des morts. Ils sont de moins en moins nombreux au Canada, mais des pays comme le Bengladesh utilisent encore nos plaques d’amiante dans des abris de fortune, décimant ses infortunés habitants.
Pourquoi le Canada ne produit plus d’amiante, tandis que la Russie, le Kazakhstan, la Chine et le Brésil en produisent encore à quatre plus d’un million de tonnes annuelles? En partie à la suite de notre travail d’information, entravé par le recours par les médias à deux études universitaires biaisées de chercheurs de McGill et de l’Université de Montréal face au chrysotile, études subventionnées par la mine Asbestos ! Des chercheurs, ça s’achète.
Une chercheure scientifique exemplaire, qui plus est une pacifiste, a pavé la route de l’exclusion de l’amiante, Kathleen Ruff par son rapport Exporting Harm: How Canada markets asbestos to the developing world dévoilant le rôle criminel irresponsable joué par le Canada sur la scène mondiale comme propagandiste de l’industrie de l’amiante. Dès 2011, l’Association canadienne de santé publique lui remet le Prix national d’héroïne de la santé publique pour sa vigilance résiliente et elle sera en 2016 honorée par une Médaille de l’Assemblée Nationale du Québec, sans négliger de remercier les articles scientifiques informés de la professeure de l’UQAM Louise Vandelac et, par un courriel très chaleureux à Pierre Jasmin, nos démarches ayant ouvert le chemin de cet éveil tardif de la classe politique jusque là peu émue des deux milliers de morts annuelles canadiennes.
Les Artistes pour la Paix ont confronté les mensonges de désinformation des médias qui insistaient en 2012 pour démolir la décision courageuse de la nouvelle ministre des Ressources naturelles Martine Ouellet annulant une subvention électoraliste promise par l’ex-Premier ministre Charest au profit de la mine Jeffrey : certains médias l’ont regrettée comme « un enrichissement économique dont nous prive le nouveau gouvernement minoritaire péquiste » accusé d’angélisme, avec un reportage radio-canadien larmoyant sur le « pauvre propriétaire » de la mine. On vous invite à comparer avec les articles portant aux nues le nouveau gouvernement libéral militariste, reniant son passé si peu écologiste, la Première ministre de l’Alberta visant « le terroriste antipétrolier » Steven Guilbeault.
Le ministre intègre Hébert perdra ses élections en 2014 dans son comté limitrophe de la ville d’Asbestos qui depuis a heureusement changé de nom en Val-des-Sources, signe de vif changement positif, comme quoi l’argent ne gagne pas toujours! Et l’ancien Premier ministre Charest n’a pas réintégré son poste, quoiqu’on le voie fréquenter les lieux de pouvoir de nos gouvernements actuels prêts à toutes les bassesses économiques (la liste est trop longue, y compris reploguer la centrale nucléaire de Gentilly, s’ils le pouvaient). Et c’est encore le travail bénévole de femmes telles Mères au Front qui révèle la nocivité des fonderies Horne à Rouyn-Noranda. Que font donc nos ministères de l’Environnement?
Le délicieux poison lent de la littérature
Amiante, c’est aussi le titre d’une œuvre de Sébastien Dulude, récompensée par le Prix des Libraires alertés par nos collégiens littéraires. Ce qui caractérise sa plume, c’est un style aux images directes empreintes de vérité psychologique, puisant dans une période où celle-ci se forge : la préadolescence, la période d’éveil de la sexualité et de rébellion possible contre un père violent, ce qui renoue avec tant d’œuvres marquantes de notre littérature. Ici, un ouvrier de la mine agressé par son travail s’en venge sans méchanceté sur le personnage principal.
Sébastien Dulude a reçu de l’Université du Québec à Trois-Rivières un doctorat en lettres portant sur la performativité visuelle et typographique du livre de contreculture québécois. Il pratique sur diverses scènes la poésie-performance depuis seize ans, « entre violence, malaise et intimité », ayant eu l’occasion de présenter son travail sur des scènes un peu partout au Québec, en Belgique, en France, en Roumanie, en Russie, en Serbie et en Suède.
La lecture d’Amiante dévoile un pan de sa propre adolescence vécue entièrement en ce « shithole » (écrit-il, lui-même), nourrie par une introspection favorisée par ses lectures y compris de Tintin. Les études en droit préalables de l’auteur le limitent à prudemment résumer Thetford Mines, parmi plus de deux cents pages publiées aux éditions de la peuplade, dont les lignes suivantes de la page 174:
« Le Show des femmes de Thetford Mines dans les années 70, le patriarcat, le féminisme qui est un anticapitalisme, la mine et la violence de son trou sur le territoire, la mine et la violence de son minerai sur la santé, la mine et la violence deI son emprise sur ses vassaux ». Il s’imagine dans le même paragraphe pouvoir « cautériser à jamais la source de quelque poison qui me paraît, encore qu’abstraitement, avoir contaminé mes poumons, mon sang et ma peau. La mine, c’est la violence sur certains parents, puis la violence sur certains enfants; la mine, c’est l’isolement des enfants, et l’isolement, c’est l’ennui, et l’ennui c’est la violence qui m’a enlevé mon ami. Et la violence, c’est ma nouvelle amie. »
Je vous envie d’aller découvrir ses personnages marqués et tatoués dans une œuvre authentique, éloignée des déformations idéologiques journalistiques ou de la littérature en vase clos incapable de s’en extirper, courageusement comme Dulude le réussit si bien, par une honnête introspection capable de s’autojuger sévèrement et de ne pas tout rejeter la faute sur les pères, des nuances trop bien accueillies en France, un pays moins féministe où l’auteur se dirige cette semaine. Mais on compte sur lui et son caractère indomptable pour ne pas amenuiser sa charge bienvenue.

Photo: Marc-Etienne Mongrain
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