La liberté est nécessairement double : il y a un usage défavorable à la vie et un usage favorable à la vie. Sinon, il n’y a pas de liberté. La tolérance est donc par le fait même une valeur nécessaire à l’existence de la liberté.

Mais quelle est alors cette liberté de tolérance nécessairement au-dessus de la liberté de parole et d’action ? Quelles sont ses conditions? Car qui ou quoi peut être l’autorité qui sait ce qui est favorable ou défavorable à l’évolution de la vie sur terre ? Voilà le problème politique fondamental. 

Cette liberté de tolérance forcément au-dessus de la liberté de parole et d’action, donc la liberté politique, oscille nécessairement entre deux pôles :

1° La liberté d’indifférence, tout est « bon ». Mais cela équivaut à laisser la destruction dépasser un seuil acceptable de tolérance.

2° La liberté de toute puissance, rien n’est « bon » sauf ce qui est permis. Mais cela consiste à concentrer le pouvoir de parole et d’action et à éliminer la liberté de tolérance, ce qui permet un pouvoir de destruction sans limites.

Les êtres libres sont donc forcés, au péril de leur existence même, d’organiser un pouvoir collectif capable d’imposer des seuils de ce qui est tolérable ou non tolérable pour le développement de la vie. Mais on voit tout de suite le danger de cette nécessité.

D’où vient ce danger ? La liberté n’est rien de favorable à la vie si elle n’est pas dirigée par une « nécessité » intérieure d’élever la valeur de la vie au-dessus de son nombril individuel. À défaut d’y arriver, il vaudrait mieux qu’il n’existe pas d’espèce animale consciente sur terre.

Or, pour l’instant, la conscience semble plus appartenir à la personne alors que les comportements conditionnés et donc non libres semblent plus appartenir à la collectivité. Apparemment, seules les personnes peuvent échapper aux conditionnements.

C’est pourquoi le politique est toujours une question de choisir les personnes à qui on délègue une autorité de liberté de premier niveau (liberté de tolérance). Ne pas choisir, c’est choisir que ceux-là s’autoproclament. Hélas, nos démocraties nous condamnent encore à choisir entre des personnes qui s’autoproclament candidats! Alors, le nombre et la décentralisation semblent pouvoir réduire les dégâts que peuvent faire ces personnes, mais aussi en même temps leur capacité à réduire les dégâts que peuvent faire une masse d’êtres humains fortement conditionnés.

Bref, à l’heure où on se parle, nous avons collectivement le sentiment que dans l’ensemble planétaire, il n’y a aucune autorité légitime et éclairée capable de freiner la sur-tolérance qui nous mène droit au mur. C’est pourquoi, il faut nécessairement repartir de la base : les personnes libres et aptes à échapper aux conditionnements destructeurs doivent prendre le pouvoir sur les pouvoirs politiques pour établir une nouvelle forme de pouvoir politique capable d’éviter la catastrophe. Un défi énorme. Nous le sentons tous sous forme d’anxiété qu’il nous faut canaliser et non pas neutraliser.

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Peinture de Michel Casavant