Mashteuiatsch

Mashteuiatsch au Lac Saint-Jean

Au Québec, depuis des générations, on travaille COLLECTIVEMENT pour résoudre les problèmes, la plupart d’entre eux étant politiques à la source. Au Canada, dont on salue les experts du ministère fédéral de l’Environnement concluant récemment que le projet pour l’exportation de gaz naturel liquéfié pouvait nuire aux objectifs climatiques du Canada, on semble encore prôner le salut environnemental par des actions individuelles. Sans vouloir nier le sage principe optimiste de l’accumulation des gouttes d’eau, l’achat individuel de véhicules électriques n’a convaincu que 220 000 personnes au Canada à ce jour, montrant à quel point il nous faut persévérer dans cet effort .

Sachant que le projet GNL-Québec représentait une pollution équivalant à celle de trois millions de véhicules à essence, nous félicitions il y a quelques jours le nombre et la qualité des articles publiés par DES UNIVERSITAIRES pour dénoncer l’absurdité de ce projet de gazoduc nocif pour le Saguenay et la planète entière; n’oublions pas le Collectif scientifique sur la question du gaz de schiste et les enjeux énergétiques au Québec (CSQGDS), animé par nos collègues uqamiens Lucie Sauvé et Marie Saint-Arnaud.

Aurions-nous réussi à convaincre le représentant des hommes d’affaires et des Chambres du commerce, François Legault, seulement avec des arguments scientifiques, aussi logiques et probants soient-ils? Félicitons-le tout de même de cette décision difficile à laquelle a dû contribuer son éloignement de l’influence de Pierre Fitzgibbon et de celle des réseaux sociaux qui minent la vérité en fractionnant les questions de société en opinions individuelles.

La victoire a plutôt été remportée par la jonction heureuse…

– de trois partis d’opposition démocrates : bravo particulier au député péquiste Sylvain Gaudreault, à Ruba Ghazal de Québec Solidaire et même au parti libéral de Dominique Anglade, revenu de l’époque toxique de Jean Charest;

– de jeunes écologistes réunis en diverses coalitions étudiantes ou travaillant chez Nature Québec (où était donc le Parti Vert canadien ?);

– de journalistes honnêtes tel Alexandre Schields;

– d’Artistes pour la Paix pour qui la paix ne se résume pas à l’absence de guerre mais à un monde libéré d’industries polluantes qui empêchent de goûter la nature;

– et de la probité remarquable et constante du peuple Innu qui non seulement a refusé les avantages financiers qu’on lui faisait miroiter mais s’est prononcé contre GNL-Québec avec force la semaine dernière, plantant ainsi un dernier clou dans le cercueil du projet. Ils ont écrit : « Le conseil de la Première Nation des Innus Essipit, Pekuakamiulnuatsh Takuhikan (Première Nation des Pekuakamiulnuatsh) et le conseil des Innus de Pessamit émettent un avis fortement défavorable face au projet de construction d’un complexe de liquéfaction de gaz naturel à Saguenay par GNL Québec. Essipit et Pessamit sont situées sur la Côte-Nord et Mashteuiatsh au Lac-Saint-Jean. Le projet, par le tracé de son gazoduc et par l’exportation du gaz naturel liquéfié par le Saguenay, se trouve sur leur territoire ancestral commun. »

Parlant de travail collectif, soulignons à quel point le Québec peut s’enorgueillir du Bureau d’audiences publiques sur l’environnement (BAPE), « une importante institution de démocratie participative, enviée partout dans le monde », dont on rappellera le travail remarquable fourni par un de ses vice-présidents d’autrefois, le disciple de Pierre Dansereau et journaliste du DEVOIR Louis-Gilles Francoeur, entre autres contre les pollutions par l’uranium et l’amiante. Malgré les efforts gouvernementaux (et auparavant ceux de Philippe Couillard) de saper sa nature démocratique lors des audiences de l’automne dernier, le BAPE a tenu bon en démontrant l’inanité d’un projet voulant offrir un débouché au gaz de l’Ouest canadien produit essentiellement par fracturation dangereuse pour les nappes phréatiques et acheminé à l’étranger par un gazoduc mettant en péril les rivières traversées.

Enfin, cette énergie frauduleusement qualifiée « de transition » mettait en danger les bélugas du Saguenay : qui chantera l’utilité indéniable des photos de ces animaux paisibles, tout blancs comme les bébés phoques, sur la psyché et la valeur poético-artistique d’une grande campagne qui a vaincu maires et chambres de commerce…?

La beauté vaincra !