Vingt-quatre heures après sa révélation le 24 juillet 2007 en première page de La Presse ainsi qu’à la télévision de Radio-Canada, le plus grand scandale individuel en dollars de l’histoire du gouvernement canadien était déjà oublié par les médias : pffft, volatilisé, 0 article, aucun reportage radiophonique ni télévisuel, plus un mot sa game. Il n’est certes pas inutile de revenir là-dessus (là-dessous ?), un mois plus tard.

De quoi s’agissait-il, pour ceux et celles partis en vacances ? Un fonctionnaire du ministère de la Défense, Paul Champagne, responsable des achats informatiques, a détourné à son profit personnel une certaine somme d’argent. Combien, me demanderez-vous ? Bon, jouons aux devinettes : si 10,5 millions de $ se volatilisaient dans une multinationale, ils provoqueraient l’ébranlement du pouvoir de tout PDG qui se respecte, n’est-ce pas (à moins qu’ils n’aboutissent dans ses poches en prime au rendement) ? Un tel détournement ne pourrait arriver au ministère de l’Environnement, puisque la somme en question correspondrait déjà à une partie majeure de son budget total. Pour des dépassements de coûts comparables en vue de constructions utiles à des chercheurs, professeurs et étudiants, l’Université du Québec à Montréal s’est trouvée crucifiée sur la place publique de longs mois, son équipe de dirigeants passant le plus clair de son temps précieux, car ce sont aussi des chercheurs émérites, à grappiller sur les budgets de frais afférents étudiants et de photocopies, afin de répondre aux exigences monstrueuses du MÉQ pour simplement assurer la survie de l’institution publique.

Or il s’agit, concernant la fraude mentionnée au ministère de la Défense, d’une somme dix fois supérieure, avant qu’on ait songé à tirer le signal d’alarme. Comparons avec le scandale des commandites où les fraudes prouvées sont à ce jour environ vingt fois inférieures! Mais puisque monsieur Champagne se déclare coupable, contrit et repentant (restant d’ailleurs en liberté jusqu’à son procès l’hiver prochain, on peut imaginer quel chantage mirobolant de révélations à brandir il a utilisé pour s’en sauver ainsi…), il s’agit en ce cas d’une fraude prouvée de 105 millions de $, vous avez bien lu, cent cinq millions de dollars partis en fumée au ministère de la Défense (qui clame en avoir récupéré une grande partie, toutefois). L’affaire traîne depuis 2003 et ne sera résolue qu’au prononcé de la sentence, prévue le 7 janvier 2008 !… Pour arriver à cette somme, le sieur Champagne aurait dû effectuer pour cent mille dollars de fraude par jour ouvrable de son travail pendant une période de plus de quatre ans !!!

Si évidemment, d’un point de vue pacifiste, on pourrait se consoler à l’idée que voilà autant d’argent non consacré aux armes, les Artistes pour la Paix tiennent à signaler qu’ils clament haut et fort depuis vingt-cinq ans que le ministère de la Défense échappe à toute gestion efficace et engloutit des masses d’argent qui seraient mieux employées par tout autre ministère ou par des versements aux provinces: l’ampleur de la faute révélée ne représente-t-elle pas une preuve irréfutable du bien-fondé de nos protestations ?!