Cela irrite fort les alliés des États-Unis, surtout le Royaume-Uni. Le ministre de la Défense britannique, Ben Wallace, a écrit au Congrès une lettre l’enjoignant de voter le budget W-93 au plus vite. Du jamais vu en fait d’ingérence directe, selon certains membres du Congrès.
Il faut savoir que les arsenaux nucléaires des deux pays sont étroitement intégrés. L’ogive de prédilection des Britanniques, le modèle Holbrook, est une copie presque conforme de modèle W-76 qui équippe les missiles embarqués Trident II américains. Les Britanniques utilisent aussi les missiles Trident. Les futures ogives W-93 de fabrication américaine et britannique se ressembleront beaucoup, même si les militaires assurent que les deux pays développent les engins séparément. La W-76 américaine restera en service actif jusqu’en 2045, alors que la version britannique doit être retirée vers 2037, d’où l’intérêt des Britanniques pour une nouvelle génération d’ogives.
Pourquoi un nouvelle ogive ?
Le doute s’est subitement installé au Pentagone. La triade nucléaire américaine est composée de bombardiers, de sous-marins et de missiles inter-continentaux. Ce sont ces derniers qui posent problème. En effet, les missiles ne sont lancés que sur ordre présidentiel, lequel pourrait arriver trop tard. La stratégie use them or loose them prévoit un lancement rapide en cas d’attaque, car les silos des missiles seront sûrement ciblés par les ogives ennemies. De plus, il peut se produire des erreurs conduisant à un lancement, situation évitée de peu à au moins trois reprises de 1979 à 1995. Tout d’un coup, le Pentagone angoisse, alors que le sujet avait été largement minimisé jusqu’ici. On peut se demander si les généraux ont confiance en la réaction du Président en cas d’attaque…
Tout d’un coup aussi, la Navy émet un doute sur l’invulnérabilité des sous-marins, jusqu’ici jugés indétectables. Elle propose que l’ogive W-93 soit plus petite, donc plus légère que les W-76. Elle pourrait ainsi se rendre plus loin à bord des missiles Trident, permettant aux sous-marins de moins s’approcher de leurs cibles. Mais c’est compliqué parce que la Navy dit aussi que son stock de W-76 (environ 1450 ogives de 90 kilotonnes et 50 nouvelles versions low yield) et de W-88 (400 ogives de 455 kilotonnes) n’est pas suffisant pour parer à toute éventualité. Les W-76 ne sont pas assez puissantes ! La solution : l’ogive W-93 sera ultra-puissante. Ainsi, la Navy disposera de trois ogives, un plus au cas où les W-76 fonctionneraient moins bien que prévu. Ironique quand on sait que les W-76 viennent d’être mises à niveau au coût de 3,5 milliards, pour les garder en service jusqu’en 2045.
Les ogives W-88 feront l’objet d’un plan similaire, mais pas avant 2030. On se contentera de moderniser leur mécanisme de détonation au coût de 2,6 milliards.
Il faut aussi savoir que les 14 sous-marin de classe Ohio doivent être remplacés en 2031 par 12 navires de la nouvelle classe Columbia au coût de 98 milliards. Mais les Columbia seront plus petits que les Ohio, et chaque sous-marin emportera moins de missiles. La Navy veut donc compenser ce déficit par une plus grande puissance de chaque ogive lancée. Logique, non ?
« Les deux-tiers des ogives nucléaires étant embarqués à bord de sous-marins, cette partie de la Triade est celle avec laquelle on peut prendre le moins de risques » selon la Navy.
N’oublions pas l’Air Force
Les missiles en silo ICBM Minuteman III seront bientôt remplacés par les Ground Based Strategic Deterrent (85 milliards). Les bombardiers B-52 et B-2 sont remplacés par les B-21 Raiders au coût de 97 milliards. Évidement, il faudra adapter les ogives en conséquence, mais ça ne devrait coûter que 20 milliards.
« Le but de la Triade, c’est qu’aucun adversaire ne puisse s’imaginer lancer une attaque qui empêcherait les États-Unis de riposter » selon le Lt. Col. Uriah Orland de l’Air Force.
L’administration prétend que la production de l’ogive W-93 ne fera pas augmenter le nombre total d’ogives déployées. Le Pentagone décidera quelle ogive actuelle sera retirée de l’arsenal. Il est aussi affirmé que la mise au point de la W-93 ne fera pas l’objet de tests nucléaires.