sanders et senateurs

Sanders, Murphy & Lee.

NDLR : l’auteur rappelle que la notion de pacifisme est très relative au Sénat U.S., et que les États-Unis seront toujours les États-Unis. Inutile, donc, de s’emballer. La nouvelle est cependant digne d’intérêt.

Oui, au pays des budgets militaires chiffrés en billions, une lueur d’espoir a scintillé au Sénat des États-Unis cette semaine. Un trio de sénateurs a déposé un projet de loi visant à augmenter le poids du Congrès en matière de sécurité nationale, pour en fait diminuer les pouvoirs du président de déclencher des guerres et de conclure des ventes d’armes. Le projet de loi contient aussi une clause « crépuscule » pour éventuellement limiter dans le temps les actions entreprises sous un régime d’urgence, comme celles de 2001 en Afghanistan.

Les sénateurs Bernie Sanders (indépendant du Vermont), Chris Murphy (Démocrate du Connecticut) et Mike Lee (Républicain de l’Utah) sont les auteurs du projet de loi intitulé National Security Powers Act.

Sous cette loi, les budgets des opérations militaires non-approuvées par le Congrès seraient coupés. De plus, toute opération non-approuvée devrait cesser après 20 jours, au lieu des 60 jours actuels. La clause « crépuscule » toucherait toutes les opérations entreprises depuis 2001 sous les pouvoirs d’urgence accordés au président, forçant leur fermeture dans les 180 jours.

Au sujet des ventes d’armes : en ce moment, les ventes à l’étranger sont pré-approuvées automatiquement par le Congrès, et celui-ci doit voter en majorité, dans les deux Chambres, contre une vente en particulier s’il veut l’annuler, et ce dans les 30 jours. Une procédure complexe, qui ne s’est jamais produite, on s’en doute. Le projet de loi renverserait ce procédé, forçant le Congrès à approuver chaque vente, sauf celles à des alliés pré-définis – oui, il y aura des loopholes, mais on s’y attendait.

Le but avoué de cette loi est de limiter les pouvoirs guerriers du président, surtout celui d’envahir un pays en prétextant une urgence de sécurité nationale. Bernie Sanders a déclaré : « il est plus que temps de rétablir l’équilibre entre la Maison-Blanche et le Congrès en matière de sécurité nationale ». Un projet similaire sera présenté à la Chambre des Représentants la semaine prochaine par le député Démocrate James McGovern, qui a déclaré : «nous voulons mettre un terme à ces guerres sans fin, mettre en examen les pouvoirs trop larges de l’exécutif, et bâtir un monde plus sûr et en paix » .

Difficile de prévoir si ce projet deviendra loi, car le président pourrait y opposer son veto – mais son image de conciliateur en prendrait un coup. Le Sénat est à moitié composé de Républicains, qui ne sont pas tous des war hawks – mais tous les Démocrates ne sont pas non plus des pacifistes. Après tout, un sénateur républicain est co-auteur du projet de loi. Quant à la Chambre, les Représentants suivront les intérêts de la circonscription qu’ils/elles représentent. La ville de Corpus Christi au Texas, où le tiers de la population travaille pour Raytheon et d’autres fabricants d’armes, exigera de son député qu’il/elle vote contre le projet de loi. Mais la population de Seattle ou Portland demandera l’inverse.

On s’entend pour dire que le président actuel est plus stable que le précédent, et ne risque pas d’envahir la Corée du Nord sur un coup de tête. Mais il ne faut pas oublier que Biden n’en est pas à son premier conflit – voir le cas Libyen. Rien ne l’empêcherait, par exemple, d’envoyer les Marines occuper Haïti sous prétexte d’empêcher une insurreection communiste. Sous cette loi, il ne pourrait disposer que de 20 jours avant de devoir rendre des comptes, ou risquer la destitution.

Un débat à suivre dans les prochains mois.