fourmis-charpentieres

Les APLP se situent au dessus des partis politiques, ce qui leur offre une position privilégiée pour observer les tactiques et les stratégies. Curieusement, plus les intervenants donnent dans la politique douteuse, plus ils rapetissent. Plus ils rapetissent, moins ils sont visibles de notre plateforme d’observation. On assiste à de curieuses bagarres entre clans de fourmis.

Hier et aujourd’hui, les médias sont entrés en possession de photos et vidéos mettant en scène une de ces personnalités politiques, déguisée en Alladin, puis en Harry Belafonte, et apparament en Noir, on ne sait pas trop pourquoi, lors d’une fête dans un camp de vacances il y a 30 ans. Un autre politicien a sauté sur l’occasion pour l’accuser de tous les maux – racisme, hypocrysie, mensonge – immédiatement repris en choeur par ses collègues, tous partis confondus sauf un, et par la cohorte des invités des émissions d’affaires publiques.

L’auteur de ces lignes se félicite de ne pas être dans les souliers des animateurs de ces émissions. Sur RDI, c’était déjà insupportable, et il n’eut pas eu le courage de voir ce qui se disait à Denis Lévesque… Ayant visionné pendant 3 heures, il décida de regarder de vieux épisodes du Prisonnier pour se rincer la mémoire visuelle.

Puisque vous insistez, nommons les noms. Et notez au passage qu’il ne s’agit pas ici d’excuser ou de justifier les actes d’un politicien ou un autre.

Trudeau a en effet bruni ou noirci son visage durant sa vingtaine. Quel scandale inavouable, un jeune homme si sérieux, et de bonne famille en plus. On l’accuse aussitôt de black face et on crée aussi le brown face pour catégoriser ce crime de lèse-Alladin. Mais il convient de replacer ces images dans leur contexte : se déguiser en Harry Belafonte est-il vraiment un acte raciste ? Ce cas-ci semble plutôt relever de l’hommage. Devrions-nous nous formaliser ? Après tout, M. Bellafonte est l’un des fondateurs du mouvement international dont sont issus les APLP. Sommes-nous choqués ? Pas plus que quand Julien Poulain imite Elvis. Quant à Alladin, il s’agit d’un personnage issu de la littérature persane, une belle histoire où ne figure aucun Noir mais de nombreux Arabes.

Le vrai black face est en effet empreint d’une forte connotation raciste, tel que pratiqué par les artistes des Minstrels Shows en Amérique du Nord au 19e et début du 20e siècle. Il s’agissait de ridiculiser les Noirs en les caricaturant pour les ramener à des personnages enfantins. Parfois, comme avec Al Jolson, on flirtait plus avec le folklore. Mais M. Scheer veut nous faire croire que les photos et vidéos de M. Trudeau sont des odieux black faces, alors qu’il n’en est rien.

On peut se demander qui, à part ses opposants politiques, a été réellement et profondément choqué à la suite de la publication de ces photos et vidéos. La réponse semble être : pas grand monde. Pas la Ligue des Noirs en tous cas, ni le vox populi, et nous n’avons entendu parler d’aucune protestation de personnes issues du Moyen-Orient au sujet de cette scandaleuse appropriation culturelle d’une figure des Mille et une Nuits.

Qui va avoir l’air mesquin ? C’est celui qui s’est vanté d’avoir fourni au réseau Global ce matériel vidéo. Dans son français approximatif, il a en effet déclaré que “quelqu’un chay noo a trouvey cette vidio et l’a fourni à TV pour vérification”.

Nous citons les paroles de M. Dany Laferrière : il n’y avait pas matière à excuses. Il a défini avec clarté ce qu’est le black face et a réussi (un exploit) à parler pendant cinq minutes sans être coupé par Mme Dusseault à l’émission 24/60 de RDI. “Je ne crois pas une seconde qu’il s’agisse de black face”. Le verdict est limpide : y’a rien là d’autre que du niaisage.

Trudeau, prudent et flairant une occasion de récupérer la situation, a décidé de ne pas prendre de chance et de s’excuser à tout le monde pour tout.

Tout ceci confirme que notre politique s’américanise – CNN et Time en ont fait des Breaking News. Aux États-Unis, le black face a déjà créé des controverses dans la classe politique : il suffit d’un vague soupçon pour stopper net une carrière. Il semble que M. Scheer ait tenté d’importer la pratique. M. Singh a emboité le pas, toutefois avec un peu plus de classe. Dommage, nous le prenions pour un philosophe éclairé.

Encore une fois, nous ne faisons en aucun cas l’apologie d’un politicien ou d’un autre. Nous déplorons que le niveau du débat ait chuté si bas que, depuis notre plateforme, il nous fasse des jumelles pour en distinguer les détails.

Un mot aux membres de la corporation journalistique : un peu de sérieux, s’il vous plait, en ces temps où votre industrie a besoin de tout le soutien possible.