poutine-merkel

Il y a dix ans, Merkel recevait Poutine à son bureau. Photo : Picture Alliance/Sven Simon

«Mutti » Merkel a toujours été centriste, avec un discours de diplomate parfois ambigü et toujours sujet à de multiples interprétations : l’est-allemande n’aurait pu assurer autrement son étonnante survie politique, quinze ans à la tête d’un pays si conservateur. On vient d’ailleurs d’y découvrir un complot d’extrême-droite dont on ne parle pas, vu nos médias et polices peu préoccupés par les extrêmes-droites, comme nous l’avons écrit sur la Commission Rouleau, et comme Brian Myles du Devoir l’a écrit, sur celle mortelle (avec un jugement favorable sur une demande de la part d’un technicien de scène blessé) et raciste contre la Première ministre Marois en 2012.

Un discours d’ouverture aux négociations

Ce que nous retenons du discours d’Angela est sa référence en premier plan, comme les APLP l’ont redit depuis janvier dernier, aux Traités de Minsk qu’elle avait pilotés avec l’aide de la France et de l’ONU en 2015 : ne doivent-ils pas constituer la base de la trêve + négociations qui mettra fin à la guerre dont les Ukrainiens souffrent en tout premier, privés d’électricité et de chauffage en plein hiver à cause des bombardements russes?

Poutine lui reproche de ne pas être « entièrement honnête », quand elle l’accuse de s’être emparé de la Crimée dont les habitants ne regrettent pas leur retour à la Russie en 2014, après l’étrange sécession de la péninsule par Kroutschev à l’Ukraine en 1954, alors membre de la Fédération des Républiques Soviétiques et Socialistes (URSS).

Le numéro de haute voltige de l’ex-chancelière déconcerte les médias occidentaux et même l’hebdomadaire qui avait publié son entrevue du 7 décembre, DIE ZEIT et avait résumé son entrée en matière ainsi :

Die Altkanzlerin will in ihrer Russland-Politik keinesfalls als naiv gelten.

Il faut écouter attentivement celle qui déclare sa politique russe en aucun cas naïve et conseille d’adresser des propositions de paix à un Poutine qui les évaluera selon leur distribution des pouvoirs concrets. Mais Die Zeit, Der Spiegel et l’ensemble des journaux allemands pro-OTAN préfèrent souligner ses mots qu’ils interprètent comme une confirmation de leur guerre contre l’ennemi haï : Für Putin zählt nur Power.

Nazisme allemand

Pour l’extrême-droite aussi, compte seulement le pouvoir à arracher par la force des armes. Qui est Henri XIII (photo ci-dessous) ? Un obscur noble dont la tête s’est enflée au point de planifier pendant des mois en accumulant des armes et des collabos nazis une prise de pouvoir contre le régime républicain allemand qu’il a toujours méprisé ouvertement ?

Alors qu’elle dénonce publiquement et quotidiennement des complots chinois et russes (ajoutons pour la plupart faux, vu la moyenne plutôt lamentable des dénonciations qui aboutissent en procès), la presse occidentale juge immédiatement devant la tentative de putsch qu’on tire du canon contre des moineaux.

Et pourtant l’extrême-droite allemande a historiquement donné des preuves de sa malfaisance. Écoutons le Neue Zürcher Zeitung (ma traduction) : « Le prince et son entourage: une organisation terroriste présumée aurait planifié un coup d’État en Allemagne. Avec plus de 3 000 agents de sécurité, la police a perquisitionné les domiciles d’une cinquantaine de membres d’un réseau idéologique complotiste qui voulait installer un gouvernement intérimaire de Reichsbürger (citoyens impériaux) en République fédérale par la force des armes ».

reichburger

Extrêmes-droites internationales

L’article de 7 pages du 9 décembre par Vicente Navarro, Professor of Public Policy at Johns Hopkins University, and Director of the JHU-UPF Public Policy Center, nous avertit de la résurgence du fascisme et du nazisme des deux côtés de l’Atlantique.

Son entrée en matière rappelle les origines des deux idéologies extrêmes dans la dépression économique de 1929, puis la montée après-guerre de l’influence bienfaisante des classes moyennes matée par Reagan et le FBI raciste et par madame Thatcher, alors que la Scandinavie résistait beaucoup mieux que l’Italie, l’Espagne et le Portugal encore dominés par Franco et le sénile Salazar, au pouvoir de 1932 à 1968.

M. Navarro dénonce aujourd’hui la même situation causée par les politiques néolibérales qui concentrent les avoirs entre les mains de milliardaires écervelés et laissent les masses, celles non encadrées par des syndicats, comme proies faciles à la manipulation extrémiste utilisant les mirages du nationalisme macho et raciste ou d’un évangélisme haineux contre les infidèles communistes et musulmans (certains évitent de mentionner les Juifs, non par respect pour eux, mais par admiration du gouvernement israélien d’extrême-droite).

Les attaques néolibérales du Fonds monétaire international et de la Banque Mondiale contre toute tentative socialisante gouvernementale, même celle au profit de la santé pour tous, entraînent une perte du pouvoir d’achat de la classe ouvrière réduite dans l’Union Européenne de 73 à 64% entre 1978 et 2019 et particulièrement en Ukraine, exposée par conséquent aux mirages d’une politique nazie basée sur des boucs émissaires (immigrants).

Particulièrement convaincante est la partie de l’article où son auteur, dont la famille origine de Suède, blâme les ministres des finances néo-libéraux du parti de la Sociale-Démocratie s’appuyant sur les conservateurs pour créer ce qu’on a nommé l’Alliance Bourgeoisie en gouvernant contre le peuple de 2014 à 2022, avec pour résultat que la Suède adhère aujourd’hui à l’OTAN et qu’une portion inimaginable des travailleurs suédois a voté pour le parti nazi aux dernières élections avec 20% du vote total, les nazis étant à majorité masculine : Stieg Larsson et Henning Mankell ont dû se retourner dans leurs tombes.

Navarro révèle aussi le néolibéralisme de la faction clintonienne au pouvoir du parti démocrate mais réserve ses attaques principales contre les tendances nazies de Trump. L’anecdote suivante est révélatrice : il avait nommé le général Mark A. Milley au pouvoir en insistant qu’il s’attendait à une totale loyauté de sa part, comme Hitler en jouissait; à une aide qui lui avait rétorqué que des généraux aussi célèbres que Rommel avaient tenté de l’assassiner, Trump avait avec véhémence nié ce faked fact.

Le général avait déjà refusé ses ordres en juin 2020 de tirer sur les protestataires de Black Lives Matter assemblés devant la Maison Blanche. Ce lui sera plus facile de ne pas se joindre à la tentative de coup d’état du 6 janvier 2021.

Quant à l’ami idéologue de Trump, Steve Bannon, il a tenté avant son procès perdu de structurer une extrême-droite mondiale incluant Giorgia Meloni, Le Pen, Bolsonaro et même Poutine, successeur désigné de Yeltsine, choisi par Bush et Clinton pour démanteler totalement la production économique socialiste en Russie.

L’auteur conclut son article en exprimant le souhait que ceux qui souffrent d’une qualité de vie diminuée par la pandémie et par un niveau économique baissier « se regroupent pour combattre la concentration des pouvoirs économique, financier, médiatique et politique (…) qui falsifie la réalité et nous mène vers la fin de l’humanité ».

Nous sommes d’accord mais croyons qu’une plus grande solidarité envers les idéaux de l’ONU et contre les moyens du Pentagone seraient prioritaires pour effectuer un tel regroupement international.

heil-fionger

Cette photo de division scolaire fait partie de l’article de Navarro (Photo Source : Evan Nesterak)