La répression policière de Québec contre les étudiants contestataires

La répression policière de Québec contre les étudiants contestataires (photo anonyme provenant de Facebook)

Tentative de médiation, jeudi 19 avril

Chers amis de la CLASSE,

Professeur à l’UQAM, j’ai marché avec mon syndicat samedi dernier en solidarité avec votre combat légitime contre la hausse des frais de scolarité. Le 22 mars, nous étions nombreux à être présents avec notre banderole des Artistes pour la Paix et pour la justice sociale.

La ministre Line Beauchamp veut projeter l’image de politicienne qui « se montre ferme face aux étudiants » et « qui prend ses responsabilités au sérieux ». Comme le souligne mon ami Daniel Breton (collectif Maîtres chez nous 21e siècle) avec qui je mène depuis quatre ans de nombreuses luttes écologiques :

« Lors de son passage à l’environnement, elle a démontré que lorsque venait le temps de prendre ses responsabilités et de s’élever au-dessus des intérêts de son parti et de ses « amis » VS ceux de l’environnement et du Québec, elle a TOUJOURS penché du côté de son parti.

Quelques exemples éloquents:

Lors de la marche du Jour de la Terre du 22 avril 2007, Mme Beauchamp, nouvellement nommée ministre de l’environnement, s’est formellement engagée à « mettre les bouchées doubles » (sa propre expression) afin que le Québec atteigne les objectifs du protocole de Kyoto. Or, pendant son passage à ce ministère, le gouvernement de Jean Charest a autorisé:

– le projet de port méthanier de Gros-Cacouna,
– elle a personnellement donné sa bénédiction au projet de port méthanier Rabaska,
– les permis d’exploration de gaz de schiste ont été octroyés à travers le Québec
– et le ridicule projet d’échangeur Turcot a été mis de l’avant grâce à son silence complice.

Ainsi, malgré son engagement à « mettre les bouchées doubles » et à agir de façon responsable, le Québec n’atteindra pas les objectifs de Kyoto.

AH OUI… c’est aussi lors de son passage que le projet de reconstruction de la centrale nucléaire Gentilly 2 a été autorisé par son gouvernement… et qu’a-t-elle alors fait comme ministre de l’environnement? Réponse: RIEN. Elle est restée muette… pour un projet qui NOUS coûtera plus de $3 MILLIARDS (!) qui a été AUTORISÉ SANS DÉBAT PUBLIC (alors que les commissaires du BAPE exigeaient un tel débat) et dont le gros du contrat sera octroyé à… SNC-Lavalin.
Et Mme. Beauchamp va venir faire la morale aux étudiants en disant qu’elle agit de façon responsable???
 »

Le 4 avril dernier, j’écrivais un courriel au recteur Claude Corbo qui, je crois, lui a enlevé le goût de faire des injonctions :

« M. le recteur, quelle est votre autorité morale face aux étudiants en grève ?

M. le recteur, aujourd’hui vous avez eu le culot d’invoquer la justice pour coller une injonction aux étudiantEs dont la grève est pourtant respectée, voire appuyée par vos professeurs, chargés de cours et employés, qui vous désavouent.

Quelle serait donc votre autorité à ce sujet ? Celle de votre conseil d’administration ? Votre autorité morale ?

Parlons-en, aujourd’hui même le 4 avril où le scandale des avions de combat furtifs et agressifs éclate dans tout le pays, un scandale que les Artistes pour la Paix dénoncent en priorité depuis juillet 2010 (voir article F-35 du 24 mars sur notre site). Quel rapport avec l’UQAM, oserez-vous me demander ? Vous avez accepté comme présidente de votre conseil d’administration madame Isabelle Hudon qui siège sur les C.A. de CIRANO et du conseil des festivals de Montréal. Jusque là rien de répréhensible. Mais le mois dernier l’informatif site www.dontbankonthebomb.com mis sur pied par ICANW.org (International campaign to abolish nuclear weapons) révèle dans sa section du Canada que la Sun Life Financial, présidée au Québec par madame Hudon, est la seule institution canadienne à financer et Lockheed Martin et Northrop Grumman : ce sont deux compagnies américaines associées à la construction des bombes atomiques américaines, un objectif encouragé contre le président Obama par les Républicains (« Dieu a créé les États-Unis pour dominer le monde », Mitt Romney, 2011). En outre, ces compagnies sont associées à la construction des F-35 que le gouvernement canadien a eu l’indécence de s’engager à acheter au nombre de soixante-cinq au coût projeté de 29 milliards de $, ce qui représente la gratuité pour toutes les institutions universitaires canadiennes pendant des décennies. »

Ce courriel était toutefois accompagné de l’introduction suivante :

Aux étudiantEs, manifestez sans vandalisme svp: le Québec n’a pas les moyens de réparer les dégâts et quand on a une bonne cause, la raison doit rejeter la violence. Camus disait: « À partir du moment où un opprimé prend les armes au nom de la justice, il met un pied dans le camp de l’injustice. »

(Désolé pour le ton paternaliste de cet addendum)…

Chers amis, le gouvernement libéral et la ministre Beauchamp qui s’appuient sur la violence mortifère des forces de l’argent n’en ont probablement plus pour longtemps, le recteur Corbo non plus. Si leur arme de judiciarisation est condamnée par les professeurs (FQPPU) et les amiEs des droits de la personne, une révolution n’arrivera toutefois ni demain ni après-demain : le changement se fera par les urnes, le Parti Québécois et Québec Solidaire ayant promis qu’ils n’appliqueraient pas la hausse décrétée par le parti libéral. C’est donc politiquement qu’il faut travailler. Vous représentez les forces de la vie, avec qui nous bâtirons d’ailleurs nos célébrations du Jour de la Terre dimanche, aux côtés de Dominic Champagne et de Frédéric Back.

Au nom de la paix sociale au Québec, puis-je respectueusement et humblement vous conseiller, vous conjurer même, d’accepter l’invitation de la ministre et de condamner toute violence, tant de la part des policiers et gardes de sécurité engagés par les institutions d’enseignement que de la part de manifestants mal inspirés?

Ce serait une première étape essentielle, en vue de vous asseoir avec la ministre pour tenter de gagner un compromis en deux points :

– inciter le gouvernement à augmenter l’offre de bourses plutôt que de prêts qui ne profitent qu’aux banques scandaleusement riches;

– selon les résultats positifs de cette négociation du premier point, accepter la mort dans l’âme «une hausse des frais de scolarité » (déclaration qui permettrait au gouvernement de sauver la face), tout en négociant ferme pour la limiter possiblement à l’indexation à l’indice d’inflation ou à un pourcentage par exemple de 5%, en tout cas très inférieur aux iniques 75% que la CAQ et le parti libéral favorisent (et il n’est hélas pas exclu qu’ils gouvernent par alliance après les prochaines élections…).

Ce faisant, vous gagneriez le respect des Québécois qui salueraient votre sens admirable de la mesure et du compromis. Ce n’est qu’une suggestion amicale personnelle, mais pressante.

Pierre Jasmin

Professeur à l’UQAM 514-987-3000 poste 3937 et artiste pour la paix