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Détail d’une palissade de Toronto dédiée au disque Modern Hero, signée du pseudonyme Monty Cantsin.

Peut-on concilier les arts, l’esprit de compétition, et l’idéal pacifiste ?

Depuis quelques années, on ne compte plus les émissions qui arriment les arts de la scène à la compétition. American Idol et So you think you can dance ont eu leurs versions canadiennes. Les déclinaisons de Star Académie, America’s got talent et La Voix se multiplient à l’échelle planétaire. La gastronomie ou la haute couture sautent aussi dans la course, opposant aspirants cuisiniers ou mannequins. Rien n’échappe au schéma du combat : jeunes couples qui rénovent, humoristes en herbe, futurs as du reportage, voyageurs pressés, durs à cuire de la survie dans la jungle ou fermiers cherchant fermières. À quand le concours ultime pour adeptes du kamasutra ?

Les formules et les mérites artistiques ou autres varient, mais une constante clignote en lettres phosphorescentes : vive les gagnants ! Hors de la victoire, point de salut. Les galas du spectacle, du cinéma ou de la télévision appliquent une recette établie qui projette un peu de la lumière accordée aux « vainqueurs » sur l’ensemble des participants. Pourtant, l’esprit même de la lutte inhibe la portée du message : si tous les candidats méritent notre attention, pourquoi n’en récompenser que quelques-uns ? Depuis longtemps, plusieurs artistes déplorent la rivalité inhérente au système. Les querelles entourant les tribulations d’un Xavier Dolan à Cannes illustrent notre lien paradoxal avec les éclats d’une gloire internationale très médiatisée, si relative soit-elle. Loin du tapis rouge, on se souvient peu des autres cinéastes québécois participant au festival : Kim Nguyen (Two Lovers and a Bear), Chloé Robichaud (Pays), Anne Émond (Nelly) et Podz (King Dave).

Les APLP, lors du choix d’un Artiste pour la Paix de l’Année, essaient de ne pas exacerber l’esprit de compétition qui contribue davantage à nourrir les conflits qu’à les éviter. C’est pourquoi ils honorent aussi un-e artiste pour l’ensemble de sa démarche au fil des ans, et saluent la mémoire d’un-e disparu-e dont la vie et l’œuvre correspondent à l’idéal pacifiste. Mais au-delà de la délicatesse ponctuelle, ne faut-il pas déroger à l’obligation du concours ? Comme citoyen-ne-s, ne doit-on pas imaginer et construire une société délivrée des schémas compétitifs liés au néolibéralisme, à l’exploitation des uns par les autres et au triomphe d’une minorité de nantis ?

L’art, comme la paix, ne naît pas de l’opposition constante de tout un chacun, mais de la synergie et de la collaboration. L’intelligence est collective, et si grands soient ses exploits individuels, seul leur partage garantit la survie même de l’espèce humaine.