À l’Honorable John Baird, Ministre des Affaires étrangères, Canada

8 juillet 2013

Monsieur le ministre,

nous  vous remercions pour votre réponse du 5 juillet concernant l’initiative de l’Organisation des Nations-Unies voulant régenter le trafic d’armes internationales, avec son Traité sur le Commerce des Armes (TCA). Nous comprenons difficilement qu’en tant que ministre des Affaires étrangères du Canada, vous hésitiez à signer ce traité appuyé par l’Allemagne, la France, la Grande-Bretagne, le président Obama et une bonne partie des pays membres de l’ONU, alors que vous vous enorgueillissez à juste titre d’avoir collaboré à son élaboration.

Vous dites vous inquiéter des suites du Traité qui pourrait affecter « le transfert des armes à feu utilisées à des fins récréatives, y compris le tir sportif, l’enrichissement d’une collection et la chasse ». Votre inquiétude serait non fondée si votre ministre de la Sécurité avait clarifié la distinction en se décidant enfin à interdire la vente domestique d’armes de guerre aux chargeurs multiples, telle que celle utilisée lors du massacre de Polytechnique en 1989. Vos réticences émanent sans doute du même ministre Toews, à qui nous avons exprimé nos désaccords profonds, en fustigeant son refus de transférer au Québec les listes canadiennes du contrôle des armes à feu. Mais ceci n’est-il pas hors contexte d’un traité international sur les exportations d’armes à des groupes terroristes ou à des gouvernements génocidaires?

Ayant évidemment condamné les violences inqualifiables du président Bachar al-Assad envers ses propres concitoyens, les Artistes pour la Paix refusent comme vous de croire qu’ayant souffert cent mille morts et trois millions de réfugiés, son pauvre pays a besoin d’armes supplémentaires. Sans doute avez-vous médité l’avertissement radical d’un ancien étudiant montréalais qui fut de 1977 à 1981 conseiller à la sécurité nationale des États-Unis sous le président Jimmy Carter, Zbignew Brzezinski, qui décrit ainsi les rebelles syriens: « They pledge allegiance to Al-Qaeda, explicitly call for Sharia law, kill thousands of Christians, use terrorist tactics, yet our corrupt media and political class pretend arming them will produce democracy. » Nous appuyons plutôt l’aide humanitaire aux réfugiés que le Canada apporte aux réfugiés syriens au Liban et en Jordanie et en les accueillant au pays : merci à vous. Nous croyons encore qu’une conférence internationale appelée conjointement avec les Russes pourrait amener un cessez-le-feu et un apaisement de la situation : c’est pourquoi nous avions appuyé par nos maigres moyens l’envoi en mai d’une délégation intitulée Mussalaha (Réconciliation, en arabe), dirigée par la Prix Nobel 1976 Mairead Corrigan Maguire.
 
Mairead Corrigan Maguire
Monsieur le ministre, pourquoi ne pas faire le pas supplémentaire logique qui vous rapproche de l’ONU en signant le TCA, élément majeur pour l’établissement d’une paix mondiale, puisque vous en appliquez les principes – et nous vous en félicitons, vous et le premier ministre Harper – mieux que la France et les États-Unis, en refusant de fournir des armes aux rebelles syriens?

Avec nos sentiments les meilleurs,

Pierre Jasmin,

Président des Artistes pour la Paix

Cette lettre fut appuyée par nos collègues d’Amnistie internationale et du contrôle des armes à feu dont les coordonnées sont bvaugrante[@]amnistie.ca, polysesouvient[@]gmail.com et cgc.montreal[@]gmail.com ) et écrite la veille de l’annonce de la démission du ministre Vic Toews dont nous n’étions pas encore informés.
Elle suivait de trois jours la réponse du ministre des Affaires étrangères John Baird à notre première lettre du 13 juin que vous pouvez télécharger ICI.