
Départ précipité de Trump lors du Sommet de l’OTAN. Photo AP
Tout a commencé avant le Sommet, quand Emmanuel Macron a déclaré l’OTAN « en état de mort cérébrale ». Désireux de brasser la cage (et ensuite devenir roi d’Europe), il a eu recours à un langage contraire au code diplomatique, habituellement dans le répertoire du président Trump – il eut fallu dire « l’OTAN est une splendide organisation dont certains aspects pourraient être améliorés ».
Dans le contexte actuel où les États-Unis se retirent de la scène diplomatique internationale, la déclaration a fait du bruit. Macron accuse Trump de laisser un vide à la gouvernance de l’OTAN, vide qu’il va s’empresser de combler en devenant le dénigreur-en-chef de l’organisation : « L’Otan est en état de mort cérébrale, heureusement que je suis là pour le réanimer ».
À vrai dire, l’OTAN se cherche une vocation. Macron est d’avis qu’il n’appartient pas à l’organisation de désigner ses ennemis. Bref, l’OTAN est là mais ne sait pas trop quoi faire de ses mains. Et puis, il y a quelques problèmes qui relèvent de la dynamique familiale.
Problème numéro un : le président Trump change d’avis sur l’OTAN au gré des conversations. En 2018, il disait que c’était une relique « obsolète », mais cette année il s’agit du dernier rempart de la démocratie. Les remarques de M. Macron l’ont pris à rebrousse-poil, il les a qualifié de « très insultantes » et de « très méchante déclaration envers les 28 pays (de l’alliance) ». Le secrétaire-général Jens Stoltenberg, qui était présent lors de cette sortie de Trump, était également en compagnie de Macron lors de ses dernières déclarations. Le voici pris entre deux chaises.

Stoltenberg tente d’aiguiller Trump; Macron se mord les joues pour ne pas rire.
Problème numéro deux : alors que M. Trump cherche à décerner à la Chine le titre d’ennemi numéro un, l’Italie décide de faire affaire avec Huawei et le Royaume-Uni de Boris Johnson déclare qu’il ne veut pas être hostile à de possibles investissements étrangers – Huawei pour la pas la nommer.
Problème numéro trois : la Turquie, pas toujours d’accord pour être ouvertement hostile à la Russie, bouscule l’ordre établit de l’alliance en menaçant d’opposer son veto aux projets de renforcement des défenses des pays Baltes et de la Pologne, si l’OTAN refuse d’inscrire les combattants Kurdes en Syrie sur la liste des terroristes. Macron a réagi – « la Turquie se bat contre ceux qui se battaient avec nous, alors qui est l’ennemi ? » – en assurant du même souffle qu’il n’y aura jamais concensus au sujet du statut de terroristes des Kurdes.
Problème numéro quatre : peu de membres de l’OTAN ont l’intention de flamber 2% de leur PIB en dépenses militaires. Trudeau évoque une augmentation, car il a besoin de Trump pour régler plusieurs dossiers ailleurs. L’Allemagne a signifié poliment qu’elle a d’autres priorités. Subtile comme à son habitude, Trump a fustigé M. Trudeau au sujet du 2%, en présence de Mme Merkel. Évidement, la colère de Trump venait surtout du fait que certains leaders se payait sa tête dans son dos lors d’une réception royale.

Le fameux vidéo : Macron, Trudeau et Johnson commentent les annonces de Trump.
Dans cette ambiance de grand n’importe-quoi, M. Stoltenberg a résumé le Sommet comme il a pu. La position de l’OTAN exprimée en conclusion est que « la Chine présente des opportunités mais aussi des défis ». Rien de précis en dehors de cette déclaration, qui fait bien l’affaire de Macron. M. Stoltenberg a déclaré, avec M. Trump, que « l’OTAN est la plus grande alliance de tous les temps parce qu’elle a su s’adapter quand le monde a changé ». À Moscou et Beijing, on a esquissé un sourire…

Pendant ce temps… (en fait, cette photo date de septembre 2018, mais l’ambiance reste la même). Photo AFP
La Paix est-elle plus ou moins menacée qu’avant le Sommet ? Possiblement moins, dirons-nous. Le président Trump, qui vient de se voir concrétiser son rêve d’une Space Force, va probablement passer à autre chose, laissant le champs libre aux européens, moins belliqueux. Angela Merkel, en fin de carrière, a d’autres chats à fouetter; Boris Johnson est empêtré dans le Brexit; il reste Emmanuel Macron, qui voudrait bien voir la France prendre la tête de l’alliance, mais pour des raisons diplomatiques et commerciales plus que militaires. La situation en Europe est un enchevêtrement de considérations énergétiques (le gaz russe) et technologiques (la 5G chinoise). Aucun pays d’Europe n’a intérêt à confronter ouvertement la Russie ou la Chine. L’OTAN sera moins belliqueux pour peu que les États-Unis restent à l’écart.
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