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Photo de Donald Trump dans la téléréalité “The Apprentice.” (NBC)

Alors que des gouvernements réalistes et des savants préoccupés par la fonte des calottes glaciaires se rassemblent au Maroc pour au-delà de la rhétorique facile du COP21, prévenir réellement avec le COP22 le réchauffement climatique qui menace l’existence-même de millions d’individus au Bangladesh, en Afrique et dans les îles du Pacifique notamment, Donald Trump est élu 45e président des États-Unis, en ayant promis la réouverture de mines de charbon et la construction du pipeline Keystone acheminant en son pays le pétrole des sables bitumineux.

L’idéologie néo-libérale envahissant nos médias contrôlés a produit un discours formaté prédisant UNANIMEMENT une victoire de Clinton, en écartant de ses scénarios, comme l’Angleterre l’avait fait lors du Brexit, la colère des petits exploitants face aux traités de libre-échange, la misère des pauvres chômeurs tellement non-télévisuelle, l’amertume des petits paysans et des vétérans de guerres, le désespoir des Noirs face à la violence de la police et la colère des femmes agressées dans les universités d’enfants mâles riches et gâtés.

Face au complexe militaro-industriel entraînant l’Occident à démolir l’Afghanistan, l’Irak, la Syrie et la Libye et laissant l’OTAN menacer la Russie de ses bombes nucléaires stationnées en Turquie, l’apprenti-sorcier a réagi, ô surprise, en déconstruisant la propagande des médias, par exemple sur la Russie, vue par lui comme une alliée face à l’État Islamique ou dans ses dénonciations des guerres absurdes encouragées par l’OTAN, institution qu’il a dénoncée.

Hélas, ce ne fut qu’un seul bon aspect de ce « loose cannon ». Comme l’écrivait prophétiquement Chris Hedges le 30 octobre [1], cette élection est surtout le résultat d’une culture de masse encourageant l’ignorance de la guerre vue comme un spectacle lointain, malgré ses drones assassins et les dizaines de millions de réfugiés qu’elle provoque. On préfère diffuser en «clichés et en stéréotypes aisément digestibles » des avalanches d’images de richesses, tels l’avion et les tours Trump. Nos ondes sont inondées de publicités de séduction matérialiste et de nouvelles exploitant scandales et potins sexuels : oubliés, les échanges sur des enjeux politiques et sociaux. Le vol des bijoux Kardashian devient une nouvelle culturelle, au même titre que les artistes narcissiques dopés aux selfies exprimant des émotions primaires lors de jeux débiles en se moquant des « intellectuels » trop sérieux qui veulent discuter de réels enjeux politiques.

Les shows de téléréalité ont produit un président “téléréel”. Hier soir, nos élites politiques et journalistiques radio-canadiennes et universitaires se déclaraient «estomaquées » par l’élection du « méchant Trump » face à leur candidate chérie, dont wikileaks avait pourtant démontré les scandales de manipulations sordides contre Bernie Sanders et d’une Fondation Clinton empoisonnée par les dons de l’Arabie Saoudite. Hillary jouissait en outre de l’appui des élites financières de Wall Street ayant ruiné des dizaines et des dizaines de millions de victimes en 2008 et continuant de profiter d’échappatoires fiscales en engloutissant des centaines de milliards de dollars en paradis fiscaux, pendant que routes, ponts et écoles publiques tombent en ruines.

Quant aux groupes environnementalistes qui tentent d’empêcher la construction d’un pipeline au North Dakota, la télévision les dépeint comme des enragés alliés à des autochtones arriérés ennemis du progrès, que la police fait bien de mettre en prison ! Même au Canada de Trudeau ayant voté du côté des États-Unis et de l’OTAN (38 votes) CONTRE l’opposition aux bombes nucléaires de 123 pays, LES MÉDIAS CACHENT l’indignation des groupes pacifistes, du Secrétaire Général de l’ONU et du pape et préfèrent « jouer » de l’image facile et effrayante de l’apprenti-sorcier prêt à appuyer sur le bouton déclenchant l’arme nucléaire.

Sachant que Trump va compter sur un Congrès, un Sénat et une Cour Suprême majoritairement républicains, nous faisons face à quatre années d’une démolition en règle des pauvres acquis démocrates : l’imparfait Obamacare permettant à des millions d’Américains d’éviter la rue en cas de maladie, les lois restrictives de ventes d’armes à feu, la possibilité d’avortements, l’accueil aux LGBT, la construction de logements sociaux, la défense sociale des plus pauvres, autrement que par des associations charitables à la merci de l’aumône des riches. Un tel champ de ruines prévisible risque d’entretenir l’illusion des médias pour qui la vie politique n’est qu’un présent nourri par des journalistes vedettes, des moralistes de la droite chrétienne, des gourous de la nutrition magique ou des pseudos-psychologues prônant une individualité exemplaire, ignorants de l’HISTOIRE qui a certes fabriqué ce présent mais qui seule, peut réussir à inspirer une vision d’avenir signifiante.

Mais l’espoir est tenace : dans quatre ans, verrons-nous le plafond de verre qui a contribué à la défaite d’une Hillary qui n’avait pas que des défauts, cette fois fracassé par une Michelle Obama armée d’un programme démocratique… à la Bernie Sanders ? Travaillons-y.  (Pierre Jasmin)


[1] http://www.truthdig.com/report/item/american_irrationalism_201610305/

Reçu de France (Jacques Nikonoff) :

Il y a quelque chose de jouissif dans la victoire de Donald Trump à l’élection présidentielle américaine. C’est la panique qu’elle provoque chez les élites, la caste, les importants et les suffisants. Les journalistes vedettes des grands médias, chiens de garde du système, les économistes à gage qui récitent le bréviaire néolibéral, les politiciens mondialistes de gauche et de droite, beaucoup d’intellectuels drapés dans leur posture morale, tous sont tombés de l’armoire. Cela fait plaisir à voir !

Cela montre simplement que le peuple ne les intéresse pas, qu’ils ne le comprennent pas et ne veulent surtout pas le comprendre. Pour tous ces gens bien, le monde se divise désormais entre ceux qui sont instruits, et qui ne peuvent qu’être favorables à la mondialisation, à l’évolution des mœurs, au multiculturalisme…, et les incultes qui restent congelés dans leurs identités frustres, leurs routines, leur horizon borné.

Tous ces perroquets et perruches qui squattent les antennes de radio et télé matin midi et soir n’ont qu’un mot à la bouche : « populisme ». Un mot qu’ils ne définissent jamais et qui leur sert à masquer leur inculture sociale, historique et politique, leur paresse intellectuelle, leurs préjugés et leurs idées reçues. À aucun moment ils ne cherchent à comprendre ce qui se passe en profondeur dans la société. Ils ont traité Trump de « fasciste », de nouvel « Hitler », de « bouffon », de « clown »…

Reçu ceci de notre ami Dominique Boisvert :

L’élection de Trump : une chance ?

Je craignais l’élection de Donald Trump comme une calamité. Mais peut-être, après tout, est-ce une chance : celle de ne plus pouvoir se cacher derrière le «business as usual».

Si madame Clinton avait été élue, comme la plupart d’entre nous le souhaitaient, plein de monde, de la grande finance aux diplomaties étrangères, aurait poussé un immense soupir de soulagement: ouf, nous avons évité le pire ! Et nous aurions continué, comme si de rien n’était, avec les mêmes énormes problèmes que nous affrontons si mal depuis des décennies: changements climatiques, guerres au Moyen-Orient, répression sécuritaire au nom de la lutte au terrorisme, repli sur nos frontières face aux migrations croissantes, etc.

L’élection de Trump fait éclater toutes les conventions, les nuances et le «politically correct». En espérant qu’il ne poussera pas le «bouton nucléaire» dans une saute d’humeur et que le processus américain de «check and balance» nous évitera le pire, nous devrons désormais affronter la réalité dans ce qu’elle a de plus «cru»: le désabusement et l’inculture politiques, l’écoeurement face aux élites et aux experts, le racisme ordinaire, la violence larvée, la montée de la droite populiste, la disparition d’un projet politique collectif au profit des intérêts individuels, etc.

Ce n’est pas réjouissant. Mais cela s’avérera peut-être, à terme, salutaire.