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La ministre des Affaires étrangères pour l’Europe Federica Mogherini et son vis-à-vis Mohammed Javad Zarif annonçaient en 2015 la conclusion heureuse de l’entente iranienne.

À lire le compte-rendu [1] de Pierre Jasmin de ses deux jours à Ottawa (19 et 20 avril), on aura constaté que la division non-prolifération nucléaire et désarmement du Ministère des Affaires extérieures y avait prévu un ordre du jour chargé, mais sans le sujet urgent de l’entente Iran, qu’heureusement le directeur Martin Larose a permis d’aborder, à vingt minutes de la fin de la réunion. Pierre Jasmin a exprimé au nom des APLP leur respect face à l’estimation de l’Agence internationale d’énergie nucléaire (ONU) que l’Iran remplissait pleinement les strictes conditions de non-enrichissement nucléaire imposées par l’entente, ce qui fut mis en doute par un fonctionnaire présent, aussitôt désapprouvé par notre alliée Peggy Mason de l’Institut Rideau.

Face à la catastrophique déchirure hier du contrat par Trump, applaudi par Israël et par l’Arabie saoudite, on ne peut qu’être soulagé que l’Honorable Chrystia Freeland, ministre des Affaires étrangères du Canada, ait exprimé ses « regrets » (on aurait préféré « sa consternation ») face à la sortie de Trump. Elle a repris l’argument que nous avions présenté : « Le Canada regrette que les États-Unis aient décidé de se retirer du PAGC, d’autant plus que, selon l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA), l’Iran poursuit la mise en œuvre de ses engagements en vertu du PAGC ». Elle a renchéri dans le même communiqué : « Le Canada souscrit à un ordre international efficace et fondé sur des règles, et il estime que le PAGC est essentiel pour éviter que l’Iran n’acquière la capacité de fabriquer des armes nucléaires et pour assurer une plus grande sécurité régionale et mondiale ».

La position de Trump fut très rapidement condamnée par les pays membres de l’Organisation de Coopération de Shanghaï, qui s’en trouve renforcée, puisque même la Turquie songe maintenant à en devenir membre et que ses deux nouveaux membres entrés en juin 2017, le Pakistan et l’Inde, pourront à court terme, vu le tumulte, éviter les reproches du Traité de non-prolifération et continuer d’accumuler des armes nucléaires.

Les pays européens (même si Macron a préféré laisser parler son ministre des Affaires étrangères) comptent respecter l’entente et se sont aussitôt engagés à négocier avec l’Iran pour rassurer ses dirigeants des menaces de boycottage des États-Unis, qui pourraient appliquer des sanctions contre leurs compagnies.

« La vie ne sera pas facile pour Trump dans les prochains mois. Le monde, surtout le Moyen-Orient, se dirige vers une plus grande insécurité et les États-Unis viennent de perdre un grand levier de contrôle sur l’Iran », estime Vahid Yucesoy, membre du Centre d’études et de recherches internationales (CERIUM) alors que son collègue Michel Fortmann, professeur honoraire en sciences politiques à l’Université de Montréal, croit qu’: « il n’y a rien de surprenant dans la décision de M. Trump. C’était une de ses promesses et, selon moi, il se sert du retrait de l’accord comme écran de fumée pour détourner l’attention des scandales dans lesquels il est plongé, que ce soit celui avec Stormy Daniels ou l’enquête sur la collusion avec la Russie ».

Sergio Duarte, président et Paolo Cotta Ramusino, secrétaire-général de Pugwash constatent que le retrait des États-Unis risque de miner la confiance mondiale en diverses politiques de contrôle d’armement ou de désarmement, au moment où on aborde le dossier de la dénucléarisation de la péninsule coréenne. Ils félicitent néanmoins le président Rouhani qui entreprend des consultations avec les autres partenaires de l’entente pour préserver la sécurité apportée par l’entente. Puissent-ils y réussir.
(résumé-traduction : Pierre Jasmin)


[1] http://www.artistespourlapaix.org/?p=14782