Nombreux sont les experts de la question nucléaire et les militants pacifistes à exprimer leurs préoccupations grandissantes, suite au retrait des États-Unis du traité INF signé en 1987 par Reagan et Gorbatchev.

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La signature du traité INF en 1987.

Le président Trump a averti la Russie qu’elle a six mois pour se débarrasser des armes qui violent les termes du traité, aux dires de l’administration américaine. Le traité INF interdit aux parties de posséder des armes terrestres nucléaires et conventionnelles à moyenne portée (500 à 5500 km). Donc, c’est toute une catégorie de missiles qui est bannie, même si on permet toujours les armes embarquées à bord de sous-marins.

Selon Mike Pompeo, les États-Unis se retirent parce que la Russie a développé le système de missiles SSC-8 (aussi appelé 9M729), qui contreviendrait aux termes d’INF. Évidement, le président Poutine a rétorqué en se retirant lui aussi du traité, alléguant que ses missiles de croisière ne contreviennent pas aux termes d’INF, mais que les missiles américains déployés en Europe ne respectent pas l’entente.

SSC-8

Le controversé SSC-8 russe

Qui a raison, qui a tort ? Il est probable que les deux parties font de l’esbrouffe et cherchent le prétexte pour relancer la course à l’armement : Trump pour épater sa base électorale et donner plus de sous au complexe militaro-industriel, Poutine pour se prémunir de la proximité de l’OTAN. Le secrétaire de la Défense américain entâme une tournée de charme pour convaincre des pays d’Asie d’accueillir des missiles U.S. sur leur sol – la stratégie étant de démoniser la Chine au maximum. Par ailleurs, la BBC raporte que le ministre des Affaires étrangères russe a confirmé que “le traité est officiellement mort”.

ICAN, récipiendaires du Prix Nobel de la Paix en 2017 pour sa contribution à l’avancement du désarmenent nucléaire, a demandé aux États-Unis et à la Russie de reprendre les pourparlers en vue de rétablir et appliquer les termes du traité INF, de réduire la taille de leur arsenal respectif, et surtout de se joindre aux signataires du Traité pour la prohibition des armes nucléaires, négocié et adopté par 122 pays à l’Assemblée générale de l’ONU en 2017.

Comme le signale le physicien David Wright, co-directeur du Programme de sécurité globale à l’UCS (Union of Concerned Scientists), le danger est que l’autre traité en vigueur, le NewSTART, ne soit pas reconduit quand il arrivera à échéance le 5 février 2021. Ce serait la première fois depuis 1972 qu’aucune entente multilatérale ne freinerait l’expansion des armes nucléaires. Le NewSTART limite à 1550 le nombre d’armes nucléaires stratégiques que peut posséder chaque pays.

Jon Wolfsthal, directeur du Nuclear Crisis Group : “Je constate que la Russie adhère toujours aux termes du traité et que le commandement et le renseignement américains appuient l’entente. En dépit de tout ça, Trump et Bolton sont prêts à laisser mourir NewSTART, et même d’agir pour l’annuler avant la fin de son premier mandat. Les alliés des États-Unis doivent se rendre compte à quel point NewSTART est vital pour leur propre sécurité.”

Une ogive W76-2 « low yield » en cours de fabrication

Tout cela s’inscrit dans la perspective de la nouvelle stratégie nucléaire dévoilée par le Pentagone, qui met de l’avant la possibilité d’utiliser des armes nucléaires à puissance réduite (low yield) de manière tactique sur le terrain. On comprend que les chefs militaires souhaitent se soustraire à toute forme de contrôle sur ces armements. Cette doctrine signifie également la fin de MAD (Mutual Assured Destruction), fondement de l’équilibre nucléaire stratégique, chaque camp étant assez armé pour détruire l’adversaire à coup sûr. En effet, utiliser le nucléaire de façon tactique laisse envisager de douteuses stratégies envers des nations non-nucléarisées – pourquoi pas en larguer une ou deux dans les montagnes d’Afghanistan, au lieu de perdre du temps avec des fantassins ? John Bolton semble tout-à-fait disposé à appuyer sur ce bouton. Sur ce sujet, voir notre article précédent W76-2, l’avenir de l’humanité.

Ne pas oublier ces paroles de Trump en 2016 : “Pourquoi avoir des armes nucléaires si on ne peut pas s’en servir ?”

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Lockheed Martin a tout prévu : voici le missile du futur.