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Des milliers de personnes célèbrent sur la Black Lives Matter Plaza, près de la Maison-Blanche, la victoire du candidat démocrate. Photo : ERIC BARADAT/afp

Avec les populations américaines urbaines en liesse (Philadelphie, Washington, New York, Portland, Atlanta, Chicago et des dizaines d’autres villes), les États-Unis vivent la victoire démocrate 2020 comme une libération, sans doute pas aussi intense ni aussi généralisée que celle exprimée par les Français après quatre ans d’occupation allemande à Paris en 1945, mais semblable à celle que De Gaulle – dont la Société Saint-Jean Baptiste commémore la mort il y a 50 ans – avait cru revivre chez nous, acclamé par les foules jusqu’à son fameux discours avec le slogan Vive le Québec libre.

Les foules désordonnées avec des pancartes, des oriflammes et des cheveux colorés à la Billie Eilish célébrant la mouvance LGBTQ, des danses à la Ocasio-Cortez et des bouteilles de champagne, remplaçant celles de bière des émeutiers Trumpistes, étaient accueillies favorablement par des policiers assagis et par les caméras de médias trop heureux d’échapper à quatre années supplémentaires de Trump et à ses attaques constantes.

Difficile de savoir à l’avance quels changements apportera cette victoire de Biden sur Trump en notre propre pays. Avec beaucoup d’optimisme, on prévoit pouvoir militer avec plus d’efficacité sur les points suivants :

➤ dans le domaine nucléaire, avec l’intention de Biden de reconduire le traité NewSTART avec les Russes, Trudeau aurait les coudées plus franches pour approuver le Traité d’Interdiction des Armes Nucléaires; en tout cas, il n’aura plus l’obligation de retenir prisonnière la no 2 de Huawei, madame Meng Wang-zhou, à cause de son prétendu accroc à une loi fabriquée de toutes pièces par Trump contre le Traité JCPoA avec l’Iran;

➤ dans le domaine pétrolier, l’intention de Biden de bloquer Keystone XL et de rejoindre la COP21 (Paris-ONU2015) désertée par Trump, mettra plus de pression sur Trudeau pour qu’il relance l’appui canadien à cette grande loi de l’ONU de lutte contre les changements climatiques, au lieu de poursuivre son absurde et très dommageable projet d’extension du pipeline TransMountain;

➤ dans le domaine de la santé, les vues conservatrices du nouveau président sur un Medicare qui ne serait qu’une extension de l’Obamacare ne pourront être pires que la situation désastreuse de la pandémie de COVID-19 sous Trump et son abrogation sauvage de tout lien des États-Unis avec l’Organisation Mondiale de la Santé et son leader le docteur Ghebreyesus. Notre lobbying mondial avec Riccardo Petrella en vue d’un vaccin gratuit et sans brevet aura-t-il un tout petit peu plus de chances de vaincre le lobby richissime des Big Pharmas ? Rien n’est moins sûr…

➤ en politique étrangère, sans la pression hargneuse de Trump d’endosser la répression sauvage de Nétanyahou contre les Palestiniens et vu l’intention de Biden d’arrêter la guerre au Yémen, de stopper la fabrication des ogives thermonucléaires W76-2 et des nouveaux submarine-launched cruise missiles (selon Defense News) et de réinstaller les restrictions à l’usage des mines anti-personnel d’avant Trump, Trudeau sera encore plus critiqué pour ses odieuses ventes d’armes à l’Arabie Saoudite, bien dénoncées par la caricature de Boris dans la page publiée par Le Devoir aujourd’hui, payée par nos alliés du collectif Échec à la guerre;

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Kamala Harris. Photo : AP

➤ enfin, il ne faut surtout pas sous-estimer l’impact favorable de l’élection de la vice-présidente Kamala Harris, en partie éduquée à Montréal (graduée du secondaire en 1981 au Westmount High School) ! Et Trudeau et Freeland ont exprimé aujourd’hui avec raison y voir un symbole vivant d’une grande victoire contre le racisme et contre le sexisme. Car pour la première fois, une femme fille d’une immigrante indienne perce le plafond de verre en étant élue à un poste déterminant (en soi et en comptant sur l’âge fragile du nouveau président); le discours de victoire de ce dernier, moins bien structuré et moins enflammé que celui de sa vice-présidente dont les talents d’oratrice se comparent à ceux d’Obama, avait bien commencé par son désir exprimé de lutter contre le racisme systémique (espérons que François Legault a pris des notes), mais s’est abîmé dans des allusions religio-oniriques finales, y compris son navrant slogan de clôture : « May God protect our troops. »

Les USA restent hélas les USA du militarisme.