Trump tergiversait mais sous la table, il frétillait des orteils, flairant le super-plan de PR qui lui permettrait de pavoiser juste avant les élections mid-term. Kim frétillait aussi parce que la soupe commençait à devenir chaude chez lui. Il faut savoir que la dernière série de sanctions économiques visait ses finances personelles ainsi que celles d’une douzaine de mandarins du régime. Il a aussi compris que la Chine commençait à le trouver un peu gênant. Donc, péril en la demeure et besoin urgent de s’affranchir un minimum de la Chine, et de se refaire une image de “benevolent leader”, selon le modèle déjà éprouvé par Mao. Il est difficile de dire lequel des deux présidents avait le plus hâte à cette rencontre, et lequel y gagnera le plus. Toujours est-il que la Chine encourage Kim dans sa démarche, allant jusqu’à lui prêter un avion de ligne pour se rendre à Singapour. Elle a aussi déclaré être disposée à lever les sanctions décrétées par l’ONU envers la RDC.
La déclaration conjointe publié après la rencontre a été qualifiée de “complète et approfondie” par Trump, mais elle ne fait en grande partie que répéter des intentions formulées au début des années 1990, puis en 2005. Il n’y a guère que la résolution concernant la recherche des restes des soldats disparus qui est vraiment nouvelle. Si on cherche quelque chose de précis, on sera déçu.
Le paragraphe concernant la dénucléarisation de la péninsule coréenne peut être interprété de deux façons, selon qu’on est Trump ou Kim. Washington s’attend à ce que Kim se débarasse rapidement de toutes ses armes nucléaires : dénucléariser la péninsule revient à dire “dénucléariser la Corée du Nord”. Kim voudrait que le plan implique un retrait du “parapluie nucléaire” américain et des 28,000 soldats stationnés en Corée du Sud. On se rend compte qu’on est très loin de quelque accord que ce soit, et que Trump n’est pas vraiment intéressé par la suite, maintenant que les photos-souvenir ont été prises. Il laisse à Mike Pompeo le soin de gérer l’après-Singapour.
Plus on y pense, moins cette déclaration prête à conséquence. Il y a fort à parier que si l’ex-président Obama l’avait signée, Trump l’aurait abreuvé d’insultes choisies. On doit aussi se souvenir que le deal concocté avec la RDC sous l’administration Clinton allait beaucoup plus loin que celui signé hier. Par la suite, sous l’administration Bush, un certain John Bolton avait poussé le président à renier l’accord… Ceci n’avait pas changé grand-chose, la RDC ne respectant pas l’accord de toute façon.
Mais il y aurait quand même un semblant de retour de karma en ce bas monde : les cotes en bourse des fabricants d’armes ont commencé à dégringoler dès la publication de la déclaration. Raytheon, qui fabrique les missiles Patriot et Tomahawk, a perdu 2.6%. Lockheed Martin, qui fournit des missiles ainsi que le F-35, a perdu 1%. Northrop Grumman a chuté de 1.3% (chiffres USA Today), ce qui a fait dire à l’auteur Ajit Singh : “La paix, c’est pas bon pour les affaires”.
Une prévision pour l’avenir : un échange culturel se prépare. Le président Kim a été visiblement impressionné par The Beast, la forteresse roulante de Trump (check ça, Kim, ça garde les cheeseburgers au chaud). De son côté, Trump, qui déjà enviait la parade de Macron, salive à l’idée d’avoir une dizaine de gardes du corps tous habillés pareil, courant en parfaite synchronisation à côté de sa limousine. Le Secret Service ne dispose pas d’un chorégraphe-maison, clairement une spécialité des Nord-Coréens si l’on se fie aux prestations de leurs 200 meneuses de claque lors des derniers Olympiques.

L’équivalent nord-coréen des boys-bands du K-Pop.
En conclusion, nous avons assisté à un show de chaises bien chorégraphié devant des rangées de drapeaux impeccablement repassés. Le président Kim a réussi à se faire légitimiser par les É-U en la personne de Trump. Chapeau, ça c’est du PR !
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