Les APLP disent "NON" à la réparation de la centrale nucléaire de Gentilly-2

Les APLP disent « NON » à la réparation de la centrale nucléaire de Gentilly-2

Par Marcel Jetté, ancien travailleur du nucléaire  Alors que le gouvernement remet en cause la pertinence d’investir dans la réfection de la centrale nucléaire Gentilly-2, il semble y avoir un consensus chez les travailleurs, sur la nécessité de conserver l’énergie atomique. La réalité sur le terrain est plus nuancée. Je souhaiterais vous faire part de ma propre expérience sur la question.

Je suis un ancien travailleur du nucléaire. À titre de soudeur et de contremaître, j’ai participé à la construction et à l’entretien des centrales Gentilly-1 fermée en 1980, Gentilly-2 et d’un réacteur de même type situé en Argentine. À l’époque, en 1968, mon travail semblait « propre ». Du moins, c’était plus propre à l’intérieur de la centrale qu’à l’intérieur d’un moulin à papier ou d’une raffinerie. Hydro-Québec nous rassurait dès notre arrivée en comparant les radiations émises dans notre lieu de travail aux radiations naturelles d’une banane.

Aujourd’hui je réalise que l’énergie nucléaire semblait « propre » car ses émanations sont inodores, incolores et insipides. Aujourd’hui Hydro-Québec admet émettre plus de 72 substances radioactives dans l’air, l’eau et la terre. Le tritium par exemple, est mutagène, tératogène et cancérigène. On tolère depuis longtemps des rejets de tritium 10 fois plus élevés qu’aux États-Unis et 70 fois plus qu’en Europe.

Aujourd’hui je questionne la pertinence du nucléaire à la lumière de nombreuses études scientifiques réalisées sur l’exposition aux radiations, et non sur la seule parole d’Hydro-Québec. En outre, il est important de savoir qu’aucune dose reçue n’est jugée « sécuritaire » pour notre santé. Elle s’accumule dans notre système.

Aujourd’hui, trop tard, je réalise cela alors que je suis malade. Après de longues années passées au service de l’industrie du nucléaire et d’exposition aux radiations, j’ai développé un cancer et un problème cardiaque. Les États-Unis reconnaissent les risques de maladies professionnelles pour l’ensemble des travailleurs de la filière nucléaire : mine, militaire, énergie, transport, etc. Au Gabon et au Nigeria, des mineurs sont indemnisés par l’industrie nucléaire française. Au Québec, rien. Cela fait maintenant plus de 15 ans que je me bats pour la reconnaissance des risques liés aux radiations nucléaires. C’est une question de principe, mais aussi de respects pour les gars que j’ai moi-même envoyés au coeur du réacteur. Aujourd’hui, le seul regret que j’ai c’est d’avoir été mal renseigné et d’avoir fait confiance aveuglément à Hydro-Québec.

Les employés d’Hydro-Québec et plusieurs sous-contractants sont très compétents. Ils peuvent être plus créatifs et utiles qu’au service d’une vieille bouilloire polluante. Je pense au moteur-roue développé ici au Québec et à la consolidation de créneaux présents dans la région tels que, l’éolien, la biomasse, l’hydro-électricité, le solaire et l’hydrogène. 4 milliards; c’est 1 maison sur 4 que l’on pourrait isoler au Québec, un immense chantier d’efficacité énergétique. Encourageons les microénergies, mettons sur pied un « réseau intelligent » de distribution d’énergie comme en Europe et exportons une expertise en déclassement nucléaire.

Pour les quelques travailleurs possédant une expertise nucléaire. Une travailleuse à Gentilly-2 écrivait dans un média local qu’advenant le cas d’une fermeture : « Tous les professionnels, ingénieurs, cadres, physiciens, etc., seront relocalisés ailleurs ». Heureux d’entendre parler de votre sécurité d’emploi malgré la non-réfection. Néanmoins, plusieurs professionnels devront rester dans la région pour assurer l’arrêt sécuritaire, le déclassement, la gestion du site et des déchets.

Mon souhait le plus cher, avant de mourir, c’est d’assister au déclassement de Gentilly-2. Par la présente, j’invite de tout coeur les travailleurs du nucléaire, mes confrères et mes consoeurs, les sous-contractants et les différents syndicats à s’informer et à questionner ouvertement leur employeur sur les risques liés aux radiations. Il faut briser le bâillon imposé par Hydro-Québec. Au mieux, joignez-vous à la population qui, malgré le brouillard démocratique, marche inévitablement vers la sortie du nucléaire.