garnotte_ukraine

Cette caricature est très réussie, comme à l’habitude pour Garnotte qui est jour après jour le meilleur éditorialiste du Devoir, comme Chapleau est le meilleur à La Presse (vive les artistes, instinctivement pour la paix!). C’est donc très dangereux pour moi d’offrir une analyse contradictoire, surtout alors que le résultat du sommet de Minsk réunissant Merkel, Hollande,Porochenko et Poutine reste encore inconnu : Garnotte risque d’avoir encore raison!

Tant pis, je me lance. On ne regrette nullement l’ère désastreuse de John Baird qui laisse un bilan négatif avec davantage de reculs pour le Canada que d’avancées. Permettez-nous de trouver suspecte la coïncidence de la démission du plus féroce allié des nationalistes va-t-en guerre d’Ukraine, avec le fait que Nicholson, son successeur, avait il y a une semaine à titre de ministre de la Défense sagement refusé qu’on achemine une aide armée en Ukraine. Contrairement à l’image de Garnotte, la chancelière Angela Merkel aurait donc pu trouver en venant à Ottawa un Harper moins guerrier que prévu (sans doute attend-il après les élections…).

On trouvera ci-dessous le premier communiqué que les Artistes pour la Paix ont envoyé en français au nouveau ministre des Affaires étrangères, Rob Nicholson, unilingue anglais. C’est par l’intermédiaire du Réseau canadien pour l’abolition de l’arme nucléaire, à l’exécutif duquel je siège en aidant à concevoir (si peu) et à traduire ses communiqués (avec Michel Tanguay). Son ton diplomatique raisonnable semble surréaliste, lorsqu’on suit les actualités internationales au gré des exportations d’armes américaines et des déclarations incendiaires conservatrices: comme il est urgent pour la cause de la paix que des élections réussissent à les chasser du pouvoir…

Réseau canadien pour l’abolition de l’arme nucléaire

 Il y a urgence que le Canada cesse ses objections et se mette au travail pour adopter une loi mondiale en vue de l’abolition de l’arme nucléaire.

Communiqué de presse du 9 février 2015

Quatorze organismes exigent que le Canada cesse ses objections et travaille en vue d’un règlement mondial éliminant les bombes nucléaires.

Dans une lettre adressée au nouveau ministre des Affaires extérieures Rob Nicholson, le Réseau canadien pour l’abolition de l’arme nucléaire se préoccupe de la détérioration des relations USA-Russie qui augmente la possibilité d’un conflit nucléaire : rappelons qu’à elles deux, ces puissances possèdent 95% des 16 300 bombes nucléaires mondiales.

Énonçant « les conséquences humanitaires catastrophiques » d’une guerre nucléaire, la lettre exige que le Canada « appuie le démarrage d’une Convention sur les Armements Nucléaires dans un forum non soumis à un veto et cesse de s’objecter à la négociation d’une telle Convention comme étant incompatible avec le Traité de non-prolifération. »

La lettre, émanant d’un séminaire récent tenu à Ottawa, appelle le gouvernement à agir en vue de protéger la viabilité du Traité de non-prolifération, qui va s’engager le 27 avril à l’ONU en un processus de révision d’une durée d’un mois.« Compte tenu des immenses enjeux pour le Canada associés à la viabilité future du TNP et de la gouvernance nucléaire mondiale qu’appelle le traité, nous croyons que des efforts pointus sont justifiés ».

Une Convention sur les Armes Nucléaires, telle qu’appelée par le Secrétaire-Général de l’ONU Ban Ki-moon, constituera un traité mondial pour l’élimination des armes nucléaires.

La lettre demande au Gouvernement du Canada de préparer, pour publication, un document de stratégie qui établisse les objectifs prioritaires du Canadapour contribuer à l’élaboration d’une technologie de vérifications nécessaire au respect des ententes nucléaires, pour accueillir une assemblée de pays partageant nos visions telle que réclamée par l’Initiative des Puissances Moyennes (Middle Powers’ Initiative) et pour travailler de concert avec des représentants de la société civile.

Informations (fr): Pierre Jasmin 819 847-1332 (jasmin.pierre@uqam.ca)

Informations (ang): Cesar Jaramillo [cjaramillo@ploughshares.ca]

Les 14 organismes suivants signent ce communiqué :
L’Alliance canadienne pour la paix
Antennes de paix/Pax Christi Montréal
Les Artistes pour la Paix
L’association canadienne pour les Nations Unies
Les Conférences Pugwash Canada (conseil d’administration)
La Fédération canadienne des femmes universitaires
L’Institut Rideau sur les Affaires internationales
Médecins pour la Survie Mondiale
Le Mouvement Fédéraliste Mondial – Canada
Project Ploughshares
Religions pour la Paix Canada
Science for Peace
La Voix des Femmes
Women’s International League for Peace and Freedom – Canada

Réseau canadien pour l’abolition des armes nucléaires
c/o 140 Westmount Road North, Waterloo, Ontario, Canada N2L 3G
Courriel : bevdelong@shaw.ca


 

Le 9 février 2015

L’Honorable Rob Nicholson,
Ministère des Affaires étrangères, du Commerce et du Développement
125 Sussex Drive
Ottawa, Ontario K1A 0G2

Objet : Recommandations de la conférence de Révision 2015 du Traité de non-prolifération des armes nucléaires (TNP)

Monsieur le ministre,

Recevez les salutations du Réseau canadien pour l’abolition des armes nucléaires (CNANW). Nous sommes une coalition pan-canadienne d’organisations de la société civile qui travaille à faire progresser la cause du désarmement nucléaire vers un monde sans armes nucléaires — un objectif que le Gouvernement canadien (GC) a toujours ouvertement appuyé.

L’effort mondial vers le désarmement nucléaire a été revigoré ces dernières années par l’attention nouvelle portée aux conséquences humanitaires catastrophiques d’une confrontation impliquant des armes nucléaires. On est aussi de plus en plus conscient du fait que le risque existentiel posé par les armes nucléaires est exacerbé par la détérioration des relations entre les deux premières puissances nucléaires — les États-Unis et la Russie — qui, à elles deux, détiennent 95 % des armes nucléaires existantes.

Durant la session 2014 de la Première Commission de l’Assemblée générale des Nations-Unies sur le désarmement et la sécurité internationale, la grande majorité des nations du monde — y compris le Canada — ont appuyé des déclarations exprimant explicitement leur inquiétude face à l’impact humanitaire des armes nucléaires. Dans ce contexte, nous croyons qu’il est impératif de lancer un processus intégré menant au déploiement d’un cadre juridique pour l’interdiction et l’élimination des armes nucléaires. Selon nous, l’impératif humanitaire en faveur du désarmement nucléaire devrait constituer le catalyseur du déclenchement d’un tel processus.

Le 1er décembre 2014, le CNANW a accueilli un séminaire d’experts préparatoire à la Conférence de révision 2015 du TNP (RevCon), dont nous croyons qu’elle sera de première importance pour la santé globale du régime mondial de désarmement et de non-prolifération. Les discussions ont porté sur une grande variété de questions juridiques, politiques, de sécurité et de vérification — toutes liées au besoin pressant d’accomplir des progrès concrets et d’obtenir un résultat probant lors de la Conférence de révision 2015 du TNP.

Pour faire suite aux délibérations du séminaire, le Réseau canadien pour l’abolition des armes nucléaires aimerait porter à votre attention les recommandations suivantes qu’il formule à l’intention du gouvernement du Canada.

  1. Préparer, pour publication avant la Conférence 2015 de révision du TNP un document de stratégie qui établisse les objectifs prioritaires du Canada dans le cadre de cette réunion et qui constitue une référence publique pour la diplomatie.
  2. Rechercher un accord sur des mesures obligatoires de levée de l’état d’alerte, pour éviter les menaces que font peser sur le monde la perpétuation de dangereuses attitudes nucléaires de Guerre froide. Les armements nucléaires couramment déployés en état d’alerte avancée devraient faire l’objet d’une attention prioritaire à la RevCon, en tant que menace mondiale majeure à éliminer.
  3. Mettre à profit le rôle du Canada comme président du groupe des experts gouvernementaux de l’ONU pour réclamer le lancement immédiat de négociations du traité de contrôle des matières fissiles (FMCT) sous les auspices du TNP ou d’un autre forum non soumis à un veto.
  4. Appuyer le démarrage d’une convention sur les armements nucléaires dans un forum non soumis à un veto et cesser de s’objecter à la négociation d’une telle convention comme étant incompatible avec le TNP.
  5. Relancer la capacité de recherche de vérifications au sein du GC et créer un projet conjoint avec un État détenteur d’armes nucléaires (DAN) — les États-Unis constituant un candidat de choix à cet égard — pour contribuer à l’élaboration d’une technologie de vérification et de procédures nécessaires au désarmement nucléaire. L’annonce d’un tel projet de collaboration pourrait être faite à la RevCon.
  6. Continuer à revendiquer des mesures de réforme pour surmonter le déficit institutionnel du TNP et pour permettre plus de transparence et de reddition de compte dans la mise en œuvre du traité par les États signataires. Ces mesures comprendraient des réunions annuelles décisionnelles des parties prenantes, la capacité de convoquer des réunions d’urgence, la continuité de gestion au travers d’un bureau permanent ou une présidence rotative en troïka, avec l’assistance administrative d’une unité de soutien à la mise en vigueur.
  7. Travailler à combler l’écart entre les États sans armement nucléaire (ÉSAN), ceux qui croient ou non qu’il existe un impératif humanitaire de prévenir tout recours aux armes nucléaires, en mettant en œuvre leur élimination. Car le Canada qui se trouve actuellement dans un groupe minoritaire devrait migrer vers la position majoritaire, plus en ligne avec ses valeurs morales et politiques. Un objectif à court terme serait de contribuer à restaurer la solidarité des ÉSAN de manière à maximiser leur efficacité comme force diplomatique à la RevCon.
  8. Renouer les liens avec la société civile pendant la préparation de la RevCon en convoquant des consultations et en demandant des contributions au document de stratégie canadienne suggéré au premier point ci-dessus. Le GC devrait renouer avec la pratique passée d’inclure des ONG et leurs représentants experts dans la délégation canadienne à la RevCon.
  9. Envisager d’accueillir une assemblée de pays partageant nos visions pour examiner le chemin vers un cadre juridique pour une interdiction et une élimination vérifiées, irréversibles et coercitives des armes nucléaires, telle que réclamées par l’Initiative des Puissances moyennes et les Parlementaires pour la non-prolifération nucléaire et le désarmement.
  10. Accueillir la motion unanime du Sénat (2 juin 2010) et de la Chambre des communes (7 décembre 2010) exigeant une initiative diplomatique forte de la part du Canada à l’appui du désarmement nucléaire et la requête pour qu’un comité conjoint spécial du Sénat et des communes tienne des audiences et prépare un rapport sur la meilleure manière de mettre en œuvre ces motions unanimes.

Nous croyons fermement qu’il est dans le meilleur intérêt de toutes les nations de progresser de manière décisive vers l’objectif partagé de l’abolition nucléaire et sommes convaincus que le Canada peut et doit jouer un rôle de chef de file à cet égard. Pour chacune des mesures énumérées ci-dessus, il faudra déployer des efforts et des ressources, mais compte tenu des immenses enjeux pour le Canada associés à la viabilité future du TNP et de la gouvernance nucléaire mondiale qu’appelle le traité, nous croyons que de tels efforts pointus sont justifiés. Nous vous remercions de votre attention et de vos actions à l’égard de ces enjeux.

Acceptez nos sincères salutations,

Beverley J. T. Delong
Présidente

c.c.  M. Marc Garneau, critique libéral en affaires étrangères
M. Paul Dewar, critique du NPD en affaires étrangères
Mme Elizabeth May, cheffe du parti vert
M. Mario Beaulieu, chef du Bloc Québécois

La présente lettre est appuyée par les organisations déjà identifiées dans le communiqué.


 

Le séminaire d’Ottawa du 1er décembre 2014 qui a donné lieu à ces recommandations envoyées au nouveau ministre des Affaires extérieures reçut, en plus des conseils des membres du Réseau canadien pour l’abolition de l’arme nucléaire, les avis de :

  • Dr. Randy Rydell, ex conseiller politique senior au Département des Affaires de Désarmement à l’ONU,
  • quatre anciens Ambassadeurs Canadiens au Désarmement,
  • députés représentant quatre partis fédéraux dont Elizabeth May, cheffe du Parti Vert
  • de diplomates autrichien, irlandais, britannique et mexicain.

Le 2 décembre, des représentants de l’exécutif du Réseau canadien pour l’abolition de l’arme nucléaire ont travaillé leurs recommandations.

Ces documents (communiqué de presse et lettre) ont été transmis aux cinq politiciens, par exemple avec le mot suivant :

Cher monsieur Beaulieu,

Nous vous écrivons en votre qualité de chef du Bloc Québécois. Vous trouverez en pièce jointe un communiqué auquel nous avons joint une lettre endossée par quatorze organismes de la société civile avec des recommandations au gouvernement canadien en préparation de la Conférence de Révision du Traité de non-prolifération 2015.

Nous croyons, avec le groupe les Artistes pour la Paix, qu’il y a urgence de répondre à la menace posée par l’arsenal nucléaire mondial, en particulier vu la détérioration des relations entre la Russie et les états membres de l’OTAN. Nous espérons que les représentants du Bloc siégeant au Parlement trouveront les moyens pour encourager le gouvernement à porter attention à ces recommandations et à développer une position favorable à ce que les réunions du TNP débutant le 27 avril sous l’égide de l’ONU débouchent sur une issue favorable à la sécurité de l’humanité.
Avec nos sincères salutations,

Bev Delong, présidente et Pierre Jasmin, membre
exécutif du Réseau canadien pour l’abolition de l’arme nucléaire