architecture_11-03-2014

Evelyne de la Chenelière et Paula de Vasconcelos unissent leurs forces créatives dans une œuvre dédiée à la paix. Une collaboration qui découle d’un désir d’ouverture à l’autre et de celui de transcender la noirceur qui guette l’Humanité.

Amoureuses autant de la parole que du corps, toutes deux évoquent l’univers des architectes, humbles artisans de la reconstruction du monde, aidées par une merveilleuse équipe où se détachent deux musiciens portugais (une chanteuse-comédienne-danseuse, Ana Brandão et un percussionniste sur des instruments étonnants, Carlos Mil-Homens) et notre amie  Pascale Montpetit, dans un rôle multi-disciplinaire émouvant.

ELLE
Nous ne savions pas quelle était la nature de la catastrophe, quel tyran, quel châtiment, quelle révolution, quel malfaiteur, quels rebelles, quel combat, quelles armées, quelle peste, quelle infection, nous ne savions rien, juste les flammes, la fumée, les animaux en fuite, la boue, le sang, le vacarme, la confusion, l’engloutissement.

LUI
Depuis, nous ne reconnaissons plus le monde et nous ne nous en souvenons pas.

ELLE
Il faut continuer alors.

LUI
Jusqu’à ce que nous revienne la mémoire.

Un homme (Daniel Parent) et une femme (Pascale). Une tragédie s’est abattue sur leur vie, leur arrachant leur fils (Philippe Thibault-Denis) et son amoureuse (Ana) qui revivent tels des fantômes, des êtres qui apparaissent et disparaissent sans explication, autant de piliers dans l’architecture de leur vie nouvelle. À travers leur tentative d’exprimer leur deuil, de comprendre ce qui leur est arrivé, ils découvrent une nouvelle manière de survivre et de transcender ce qui aurait pu les anéantir. Comment faire le pont entre hier et demain ? Comment remplacer les ruines du passé par de nouvelles structures qui permettront à la vie de reprendre, sans anéantir l’Histoire ? Les principes d’harmonie architecturale à la base des temples du monde peuvent-ils se transposer dans les relations humaines ? Car des architectes du monde entier se penchent aujourd’hui sur les principes essentiels à la reconstruction des lieux dévastés par la guerre. Mais au-delà de la réfection de bâtiments et de communautés, c’est aussi le principe de reconstruction de soi-même qui est abordé : comment apprendre du passé dans une perspective d’élévation des consciences ?

Chère Pascale Montpetit,

rivé sur mon siège, momentanément incapable de réagir à cette œuvre vivante d’une intensité rare, comme toi-même l’es, combien je te remercie pour ce pari d’interculturalité magnifique (à l’affiche encore deux semaines).

En entrant dans la salle de l’Espace GO, c’est d’abord la lumière blonde de ce mur rempli d’ouvertures et de ces trottoirs à dérouler qui nous remplit. Faits de paille tressée, ils sont à l’image de ces chorégraphies de corps et générations mêlés que Paula Vasconcelos nous offre avec grande générosité : on pense à la sacralité des rapports du couple d’Hiroshima, mon amour de Marguerite Duras, interprétée par le cinéaste Alain Resnais (qui vient hélas de nous quitter).

Et que dire de ce texte bouleversant d’Évelyne de la Chenelière, un eros-thanatos en successions vertigineuses et ce qu’on aime dans toutes les œuvres d’Évelyne, ce courage de poser les problèmes en face avec droiture et lucidité et la solution de les envisager avec la tendresse humaine d’un sourire, grâce à ses illuminations poétiques davantage remplies d’espoir que celles de Rimbaud ?

L’œuvre que vous défendez va vivre et évoluer jusqu’au Portugal où vous avez rendez-vous cet été, où le chant d’Ana et les percussions retentiront avec une ferveur décuplée, animant vos corps toujours expressifs, ta voix, tes regards fiévreux et tes trop rares sourires qu’on goûte d’autant plus. Transmets mon enthousiasme à toute l’équipe, s’il-te-plaît !