The Magic of Beethoven (du 8 au 14 novembre 2013)

1- Concert Beethoven du 14 novembre par l’Orchestre Symphonique des Musiciens du Monde à Côte Saint-Luc

 Extraordinairement bien structuré par le chef et directeur artistique Josef Milo, ce concert intitulé La magie de Beethoven se dédiait à la Journée internationale de la Tolérance des Nations-Unies. Le programme en était fermement délimité par la célèbre Cinquième symphonie en do mineur opus 67, récompensée à la fin du concert par une longue ovation de la salle comble, et, au début, par  l’Ouverture Egmont opus 84, composée par un Beethoven (qui venait de souffrir l’occupation de Vienne par les troupes napoléoniennes) en dramatique hommage au désir de liberté d’un héros flamand s’opposant au XVIe siècle au colonisateur espagnol (d’après l’œuvre de Goethe). La symphonie et l’ouverture encadraient, au centre, une belle interprétation classique et équilibrée du Triple concerto opus 56 dont les solistes-chambristes s’échangeaient avec grâce les dialogues, plutôt que d’imposer une vaine virtuosité, comme le font  trop souvent hélas des solistes de renom; et intercalées, deux sobres prestations en solo de la célèbre sonata quasi una fantasia opus 27 no 2 et de deux Lieder tirés d’An die Geliebte (à la bien-aimée) : superbe alternance contrastante d’atmosphères thanatos et éros, bien dosées par la battue tantôt autoritaire, tantôt bienveillante du maestro d’expérience Josef Milo.

L’aventure des Musiciens du monde (www.musiciansoftheworld.ca) se poursuit d’année en année avec trop peu de moyens par Josef Milo et Lucy Ravinsky dont il faut saluer l’engagement aux côtés de leurs musiciens immigrés de différentes nationalités, telles la Roumanie, la Grèce, la Russie et l’Ukraine, ainsi que de jeunes gradués de nos universités. Pas étonnant que leur survie opiniâtre trouve en Beethoven un modèle de ténacité dans l’adversité. Heureusement, la ville de Côte Saint-Luc contribue en hébergeant le concert au Centre communautaire Parkhaven, de même que Pianos Prestige offre la location du piano à queue. Dans l’assistance, on remarquait la directrice de l’Académie de Musique Fortissimo de Hampstead, madame Svetlana Volovick-Klempner, ainsi que la jeune chef d’orchestre Véronique Lussier, toutes deux graduées de l’UQAM il y a quelques années.

Discours prononcé à cette occasion par P. Jasmin, Artiste pour la Paix et professeur de musique à l’UQAM

 « Welcome all, bienvenue à ce concert en hommage aux Nations-Unies, une idée forte de Josef Milo, inspirée par les Leonard Bernstein[1] et Daniel Barenboim[2], célébrant les droits de l’Homme et la paix avec la musique de Beethoven. Parlons d’une belle idée prophétique de Josef, puisque l’ONU[3] nous appelle cette semaine à donner généreusement aux victimes du typhon aux Philippines[4]. Cette catastrophe coïncide, à Varsovie, avec la 19e conférence de l’ONU sur le climat, le réchauffement climatique par l’homme étant ciblé par les scientifiques comme premier suspect de la cause de la multiplication des ouragans extrêmes[5].

Les Artistes pour la Paix que je représente ici ce soir déplorent que l’ONU soit constamment critiquée pour son inefficacité par la droite des affaires, c’est-à-dire le complexe militaro-industriel comme il fut baptisé avec préscience par le président américain, le général Eisenhower. Pas étonnant puisque l’ONU a eu le courage d’adopter cet été le Traité de Commerce des Armes limitant leur exportation, traité signé par Obama mais pas par le Congrès américain (ni ici au Canada par Harper). Peut-on rappeler aux observateurs de la chose politique que le budget total de l’ONU, de l’UNICEF et de l’UNESCO est à moins de 0.5% des budgets militaires du monde entier? Pourquoi ne pas protester chaque jour contre ce déplorable détournement de nos investissements collectifs?

Même la gauche critique l’ONU, en la confondant avec son Conseil de sécurité. Membre de l’exécutif du Réseau Canadien pour l’Abolition des Armes nucléaires[6], me sera-t-il permis au contraire de vanter le courage du Secrétaire général Ban Ki-moon qui travaille à éliminer les bombes nucléaires[7]? Et plutôt que de suivre la France et les États-Unis qui monopolisaient nos médias à la fin août avec l’idée funeste de bombarder la malheureuse population syrienne martyre, avec les risques encourus par les pays voisins, la Turquie, le Liban, la Jordanie, l’Irak, la Palestine et Israël, voilà qu’une équipe de l’ONU vient de mériter le prix Nobel de la Paix 2013, en s’attaquant résolument aux armes chimiques de Bashar al-Assad.

Last Saturday, I was giving a four Beethoven sonatas’ recital in Toronto for the 53 years old Peace organization Voice of Women[8]: our guest of honor was Walter Dorn, president of Pugwash Canada, just back from New York where he was helping Canadian Scott Cairns who’s proceeding right now to the peril of his life in Damascus to the destruction of chemical weapons.

So Josef, we praise your vision of peace, your support of United Nations’ initiatives such as the International Criminal Court in La Hague, founded by judge Philippe Kirsch[9]. And finally, may we thank you enough, Josef and Lucy, for assembling here in Montreal your own united nations, shaping this hard-working orchestra? Please applaud them very loudly!

Ce qui fut fait par les spectateurs multi-ethniques de tous âges.

Concert Pierre Jasmin UQAM2- Six jours auparavant, le 8 novembre, avait lieu la présentation en la salle Jacques-Hétu pour l’Institut Santé et Société de l’UQAM d’une interprétation de l’opus 110 de Beethoven par Pierre Jasmin au piano. Composée pendant les affres d’une maladie surmontée avec courage par le compositeur, l’avant-dernière sonate représente un modèle pour tous ceux et celles qui luttent en musique et en arts pour guérir notre société rongée par le cancer du militarisme. Le pianiste a précédé son jeu d’une conférence rappelant d’abord les mots de l’étudiante Sophie Scholl dans la jeune vingtaine, guillotinée par les nazis à Munich et en mémoire de qui le poète Fernand Ouellette a écrit un très beau poème d’hommage. Cette jeune femme à l’intense vie spirituelle a créé cette maxime très beethovénienne :

         « J’ai appris qu’un esprit dur sans un cœur tendre est tout aussi stérile qu’un cœur tendre sans un esprit dur. Tout mot qui n’est pas vécu par l’âme est un mot inanimé, tout sentiment qui n’est pas   le berceau d’une pensée est vain… »

La musicologue et ex-directrice du département de musique de l’UQAM, Hélène Paul, commentait ainsi l’interprétation du pianiste en 2004 :

         Beethoven, le musicothérapeute, celui qui guérit par la musique,   quelle juste et merveilleuse association proposée par Pierre Jasmin.   La puissance curative de cette musique atteint le corps, l’esprit et l’âme, à la mesure de la dimension universelle qu’elle englobe. 

La poète Louise Warren révèle enfin que ce pouvoir de guérir n’est que l’autre versant d’une réalité plus complexe :

         L’acte de créer consiste à donner forme à tout ce qui est possédé par cette poussée extraordinaire qui arrive dans la totalité de son chaos et dont l’artiste doit saisir une étincelle, un fragment. Cela se produit avec une telle ferveur, une telle violence, une telle attaque, une telle joie que l’objet du monde inévitablement arrive tendu, blessé et tremble encore, même sous d’épaisses ratures. Mais ces forces, justement parce qu’elles détiennent un pouvoir qui dépasse l’artiste, en arrivent à s’inverser. Ainsi, la blessure peut se transformer en un fabuleux instrument de création et guérir l’objet en l’enveloppant par les ressources du langage, par la matière, par d’autres forces qu’elle engendre. Il en est de même pour tout ce qu’on approche intensément, intimement.  Voilà comment la blessure tient en éveil l’écrivain. Cet éveil agit tel un faisceau lumineux. […] Prendre soin de la blessure, tel est le rôle du poète, de l’écrivain, de l’artiste.

3- Les trois autres sonates sélectionnées par l’interprète à l’Église unitarienne du centre-ville de Toronto le 9 novembre étaient : la Pathétique opus 13, une œuvre dramatique inspirée par la sonate et la fantaisie en do mineur de Mozart, franc-maçon adepte, comme Haydn, de la philosophie des Lumières. Beethoven en puisa toute la vigueur rythmique et les modulations audacieuses éclairantes de sa sonate Waldstein opus 53, qui fermait la première partie du récital. La sonate dite Clair de Lune précédait en 2e partie l’opus 110, le tout interprété sur piano Steinway. Voici quelques-uns des commentaires qui accueillirent la prestation :

9th of November 2013 Pierre Jasmin’s Beethoven recital for Voice of Women

1- Our very warmest thanks for your thrilling Beethoven performance for us! Your warmth and talent, combined with your HUGE peace heart is such a gift to all of us who have had the pleasure of meeting you and ever hearing you.  How can we thank you enough for your kind and generous support of Canadian Voice of Women for Peace? You are a treasure to us and to the peace movement, as we strive to build a culture of peace and to wither the far too long prevailing opposite – a culture of war. Your prodigious musicianship and peace spirit is a fortuitous combination of heart and mind. May our paths intersect many more times long into the future as we each pursue a world free of nuclear weapons and the abolition of war.

Janis Alton, co-chair of Voice of Women

2- Let me add a word here.  Pierre Jasmin’s concert was superb!  The whole program was a series of Beethoven sonatas and I have never before experienced such a magnificent series of pieces, one after the other. What power!  It was really glorious.

Metta Spencer

Editor of Peace Magazine (for thirty years)

3– I have never felt such passion and inspired lyricism in the playing of Beethoven’s sonatas. I knew the concert would be special. It gave memories to be cherished, thanks to Pierre’s artistry and inspiration, and his technical proficiency.

Phyllis Creighton, pacifist and Pugwash executive

4- Such imagination, such art to make musical ideas come across and colours to florish, I never thought it was even possible.

A Bielorussian pianist who just graduated with a master degree playing the Waldstein sonata

5- All we heard were positive comments. Everyone kept saying just how amazing your music was.  The best was the young children who attended – I asked a couple of them how they liked the concert and their eyes lit up, their faces with big smiles – “wow, it was awesome!” Thanks again and again Pierre.  Your music takes my breath…..

Peace,

Sandra Ruch, co-chair and coordinator of Voice of Women

www.vowpeace.org

Concert – featuring Classical Pianist Pierre Jasmin

Saturday, November 9, 2013 – 7:00pm

Location

First Unitarian Congregation of Toronto

175 St. Clair Avenue West Canada

Toronto, ON

Canadian Voice of Women for Peace presents a special night with classical pianist Pierre Jasmin.

Concert Pierre Jasmin Toronto 2013A noted interpreter of Bach, Mozart, Beethoven and Chopin, pianist Pierre Jasmin marks the latter’s 200th anniversary in Rideau Hall in front of Governor General Michaëlle Jean, the King and Queen of Norway and the Polish Ambassador. He performed as a soloist in the five main provinces of Canada, Austria, Croatia, England, France, Germany, Russia, Slovakia, Slovenia, Taiwan, Tibet, the United States and during 18 years, in the Czech Republic (honorary president of the South Bohemia Piano Master Classes). Graduate of McGill, ARCM (London), USC (Los Angeles), Vienna and Moscow, he is a tenured professor at Université du Québec à Montréal, where his work as Director launched the construction of both its Music Department’s facilities and Pierre-Péladeau Centre (Pierre-Mercure Hall). A main subject of the documentary film Our last days in Moscow (Martin Duckworth, NFB) which won the only prize awarded to a Canadian film in the 1988 Montreal Arts’ Films International Festival, a special Radio-Canada television program was dedicated to his presence, as Artists for Peace president (see www.artistespourlapaix.org ) in a Flotilla of Peace in the Adriatic Sea in 1994, giving concerts for refugees. Jasmin sits on the executive boards of Pugwash Canada and of the Canadian Network for Abolishing Nuclear Weapons.
His program: Beethoven sonatas in C minor opus 13 (Pathétique), in C major opus 53 (Waldstein), in C-sharp minor opus 27 nr2 (Moonlight) and in A-flat major opus 110.



[1] Leonard Bernstein a célébré la chute du mur de Berlin avec une interprétation de la 9e symphonie de Beethoven où il a rétabli les mots d’origine de Schiller qui avait écrit l’Ode à la Liberté plutôt que l’Ode à la Joie (Freiheit au lieu de Freude). Mais « joie » est un programme artistique révolutionnaire aussi!

[2] Daniel Barenboim, qui a demandé et obtenu la nationalité palestinienne en plus de sa nationalité israélienne, a formé le West Divan Orchestra avec des musiciens des deux nationalités pour forger des liens de paix. Il raconte son engagement dans La musique éveille le temps Paris : Fayard 2008

[3]  L’ONU, malgré les conditions horribles d’accès, a été plus efficace que l’armée des Philippines dans l’acheminement des secours (eau potable et vivres, notamment).

[4] UNICEF Canada ramasse vos dons en ligne pour aider les enfants des Philippines.

[5] Click below to stand with Yeb’s Philippines and with all victims of climate change disasters: http://www.avaaz.org/en/a_future_of_super_storms_v/?bQgadab&v=31108

[6] Canadian Network for the Abolition of Nuclear Weapons : www.cnanw.ca

[7] Lire Notre modeste appui à l’ONU, article accessible à http://artistespourlapaix.org/?p=2882

[8]  Résumé à lire ci-dessous

 

[9]  Philippe Kirsch a reçu en août dernier Pierre, sa femme et ses deux enfants dans sa maison non loin de Narbonne au bord de la Méditerranée où il goûte une retraite méritée avec sa femme finlandaise